Ce nouvel alinéa,
entré en vigueur le 1er Septembre 1990, prévoyait qu’ «
à compter du premier jour du sixième mois précédant
le mois au cours duquel il doit être procédé à
des élections générales, aucune campagne de promotion
publicitaire des réalisations ou de la gestion d’une collectivité
ne peut être organisée sur le territoire des collectivités
intéressées par le scrutin. »
L’objectif du législateur
de l’époque visait à assurer une égalité entre
les candidats en évitant « qu’un candidat sortant ne fasse
usage des moyens de la collectivité, dont il est élu, pour
promouvoir son bilan quelques mois seulement avant l’élection. »
(1)
Le Juge Administratif a fait
une application littérale de cette disposition.
En premier lieu, il
a précisé que l’interdiction formulée par l’alinéa
2 de l’article L. 52-1 du Code électoral ne visait que les élections
générales.
Ainsi, le Conseil d’état
a écarté, à juste titre, son application en cas d’élections
partielles (Conseil d’état 23 mars 1994, M. Simonnet, Elections
cantonales d’Aureilhan, n° 152086, Lebon page 956).
En deuxième lieu,
cet article concernait toutes les collectivités intéressées
au sens large par rapport à l’élu concerné.
Ainsi, il a été
jugé qu’une commune ne peut pas faire la promotion de l’un de ses
élus qui serait candidat à des élections régionales
(Conseil d’Etat, 28 Décembre 1992, Janetti, Tables Lebon, page 995).
Enfin en troisième
lieu, ce texte a généré une abondante jurisprudence
dans laquelle le Juge tente de faire la part entre une information objective
et celle relevant d’un procédé purement électoraliste.
Ainsi, le Juge du Palais
Royal n’a pas considéré comme une campagne de promotion publicitaire
des réalisations faites dans un numéro du bulletin municipal
de la commune de Pointe-à-Pitre contenant essentiellement une présentation
du budget de la commune ainsi que diverses informations d’ordre local (Conseil
d’état 24 Janvier 1994, M. Boisel c/ M. Genies, Elections cantonales
de Pointe-à-Pitre, requête n° 138173).
En revanche, il a considéré
comme constituant une campagne de promotion publicitaire au sens de l’alinéa
2 de l’article L. 52-1, la diffusion d’une publication de trente-deux pages,
portant le logo de la ville de Paris et présentant les réalisations
et la gestion de l’équipe municipale sortante dans le 16ème
arrondissement sous un angle particulièrement favorable (Conseil
d’Etat, assemblée, 18 Décembre 1996, Elections dans le 16ème
arrondissement des membres du Conseil de Paris et du Conseil d’arrondissement,
Lebon page 501).
La violation de l’article
L. 52-1, alinéa in fine, du Code électoral pouvait entraîner
l’annulation éventuelle des opérations électorales
par le Juge de l’élection dans le cas seulement où, dans
les circonstances de l’espèce, cette violation avait eu un effet
sur la sincérité du scrutin, notamment en raison du faible
écart de voix entre les candidats.
Par ailleurs, il convient
de préciser qu’en cas de violation de ce texte, la commission nationale
des comptes de campagne et des financements politiques procédait
à la réintégration du coût de la campagne
promotionnelle financée par une collectivité publique dans
le compte de campagne du candidat bénéficiaire, avec le risque
d’un rejet dudit compte en cas de dépassement du plafond des dépenses
électorales et saisine ipso jure du juge de l’élection. (2)
Profitant de la discussion
du projet de loi relatif à la résorption de l’emploi précaire
et à la modernisation du recrutement dans la fonction publique ainsi
qu’au temps de travail dans la fonction publique territoriale, un amendement
d’origine sénatoriale, totalement étranger audit projet de
loi, est venu modifier la lecture du texte adopté en 1990. (3)
En effet, l’article 23 de
la loi n° 2001-2 du 3 Janvier 2001 a complété l’alinéa
2 de l’article L. 52-1 du Code électoral en lui ajoutant deux phrases
d’importance.
Ainsi, il est précisé
que « sans préjudice des dispositions du présent chapitre,
cette interdiction ne s’applique pas à la présentation, par
un candidat ou pour son compte, dans le cadre de l’organisation de sa campagne,
du bilan de la gestion des mandats qu’il détient ou qu’il a détenus.
Les dépenses afférentes sont soumises aux dispositions relatives
au financement et au plafonnement des dépenses électorales
contenues au chapitre V bis du présent titre. »
Cette modification textuelle
entraîne quatre conséquences qui remettront en cause
la Jurisprudence rigoureuse du Conseil d’état.
En premier lieu, les
élus candidats sont désormais autorisés à faire
un bilan écrit des réalisations faites sous leur mandature.
En deuxième lieu,
le contenu de ce bilan peut dépasser celui de la collectivité
visée, le texte précisant en effet le bilan de la gestion
des mandats qu’il détient ou qu’il a détenus. En clair donc,
un élu titulaire d’un mandat national (député ou sénateur)
ou encore conseiller général et candidat aux élections
municipales peut parfaitement mettre en exergue le bilan de ses autres
mandats, le législateur ayant opté pour une vision globale
des fonctions électives.
En troisième lieu,
le coût de ce bilan et de sa promotion devra impérativement
figuré sur le compte de campagne de l’élu candidat, aucun
financement sur fonds publics ne pouvant être envisagé et
envisageable. (4)
Enfin en quatrième
lieu, et cela mérite d’être souligné, le législateur
a clairement mentionné que les dispositions de l’article 23 revêtent
un caractère interprétatif. Autrement dit, elles rétroagissent
au jour où la loi du 15 janvier 1990 (créant l’alinéa
2 de l’article L. 52-1 du Code électoral) est entrée en vigueur,
c’est-à-dire le 1er Septembre 1990. Conséquence sur le terrain
contentieux : le Juge administratif devra tenir compte de cette nouvelle
grille de lecture dans le règlement des affaires pendantes devant
lui ainsi que celles qui lui seront soumises, notamment lors des prochaines
élections cantonales et municipales.
Patrick Lingibé
Avocat au Barreau de la
Guyane
Février 2001
Note de bas de page
:
(1) Rapport n° 2755 de
M. Jean-Yves CAULLET au nom de la commission des lois de l’Assemblée
Nationale relatif à la résorption de l’emploi précaire
et à la modernisation du recrutement dans la fonction publique ainsi
qu’au temps de travail dans la fonction publique territoriale.
(2) L’article L. 52-15 du
Code électoral, alinéa 3, dispose : « Lorsque la commission
a constaté que le compte de campagne n’a pas été déposé
dans le délai prescrit, si le compte a été rejeté
ou si, le cas échéant, après réformation, il
fait apparaître un dépassement du plafond des dépenses
électorales, la commission saisit le juge de l’élection.
»
(3) Confer au rapport de
M. Jean-Yves CAULLET cité supra.
(4) Il convient de rappeler
que l’article L. 52-8, alinéa 2, du Code électoral dispose
: « Les personnes morales, à l’exception des partis ou groupements
politiques, ne peuvent participer au financement de la campagne électorale
d’un candidat, ni en lui consentant des dons sous quelque forme que ce
soit, ni en lui fournissant des biens, services ou autres avantages directs
ou indirects à des prix inférieurs à ceux qui sont
habituellement pratiqués. »