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La publicité du bilan de mandat en période électorale, de la nouvelle lecture de l’alinéa 2 de l’article L. 52-1 du Code électoral

Par Patrick LINGIBÉ
Avocat au Barreau de la Guyane, Chargé de Cours à l’Institut d’Études Supérieures de la Guyane

L’article 3 de la loi n° 90-55 du 15 Janvier 1990 relative à la limitation des dépenses électorales et à la clarification du financement des activités politiques avait introduit un second alinéa à l’article L. 52-1 du Code électoral (article institué par l’article 22 de la loi n° 85-1317 du 13 Décembre 1985).

Ce nouvel alinéa, entré en vigueur le 1er Septembre 1990, prévoyait qu’ «  à compter du premier jour du sixième mois précédant le mois au cours duquel il doit être procédé à des élections générales, aucune campagne de promotion publicitaire des réalisations ou de la gestion d’une collectivité ne peut être organisée sur le territoire des collectivités intéressées par le scrutin. »

L’objectif du législateur de l’époque visait à assurer une égalité entre les candidats en évitant « qu’un candidat sortant ne fasse usage des moyens de la collectivité, dont il est élu, pour promouvoir son bilan quelques mois seulement avant l’élection. » (1) 

Le Juge Administratif a fait une application littérale de cette disposition.

En premier lieu, il a précisé que l’interdiction formulée par l’alinéa 2 de l’article L. 52-1 du Code électoral ne visait que les élections générales.

Ainsi, le Conseil d’état a écarté, à juste titre, son application en cas d’élections partielles (Conseil d’état 23 mars 1994, M. Simonnet, Elections cantonales d’Aureilhan, n° 152086, Lebon page 956).

En deuxième lieu, cet article concernait toutes les collectivités intéressées au sens large par rapport à l’élu concerné.

Ainsi, il a été jugé qu’une commune ne peut pas faire la promotion de l’un de ses élus qui serait candidat à des élections régionales (Conseil d’Etat, 28 Décembre 1992, Janetti, Tables Lebon, page 995).

Enfin en troisième lieu, ce texte a généré une abondante jurisprudence dans laquelle le Juge tente de faire la part entre une information objective et celle relevant d’un procédé purement électoraliste.

Ainsi, le Juge du Palais Royal n’a pas considéré comme une campagne de promotion publicitaire des réalisations faites dans un numéro du bulletin municipal de la commune de Pointe-à-Pitre contenant essentiellement une présentation du budget de la commune ainsi que diverses informations d’ordre local (Conseil d’état 24 Janvier 1994, M. Boisel c/ M. Genies, Elections cantonales de Pointe-à-Pitre, requête n° 138173).

En revanche, il a considéré comme constituant une campagne de promotion publicitaire au sens de l’alinéa 2 de l’article L. 52-1, la diffusion d’une publication de trente-deux pages, portant le logo de la ville de Paris et présentant les réalisations et la gestion de l’équipe municipale sortante dans le 16ème arrondissement sous un angle particulièrement favorable (Conseil d’Etat, assemblée, 18 Décembre 1996, Elections dans le 16ème arrondissement des membres du Conseil de Paris et du Conseil d’arrondissement, Lebon page 501).

La violation de l’article L. 52-1, alinéa in fine, du Code électoral pouvait entraîner l’annulation éventuelle des opérations électorales par le Juge de l’élection dans le cas seulement où, dans les circonstances de l’espèce, cette violation avait eu un effet sur la sincérité du scrutin, notamment en raison du faible écart de voix entre les candidats.

Par ailleurs, il convient de préciser qu’en cas de violation de ce texte, la commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques procédait à la réintégration du coût de la campagne promotionnelle financée par une collectivité publique dans le compte de campagne du candidat bénéficiaire, avec le risque d’un rejet dudit compte en cas de dépassement du plafond des dépenses électorales et saisine ipso jure du juge de l’élection. (2)

Profitant de la discussion du projet de loi relatif à la résorption de l’emploi précaire et à la modernisation du recrutement dans la fonction publique ainsi qu’au temps de travail dans la fonction publique territoriale, un amendement d’origine sénatoriale, totalement étranger audit projet de loi, est venu modifier la lecture du texte adopté en 1990. (3)

En effet, l’article 23 de la loi n° 2001-2 du 3 Janvier 2001 a complété l’alinéa 2 de l’article L. 52-1 du Code électoral en lui ajoutant deux phrases d’importance.

Ainsi, il est précisé que « sans préjudice des dispositions du présent chapitre, cette interdiction ne s’applique pas à la présentation, par un candidat ou pour son compte, dans le cadre de l’organisation de sa campagne, du bilan de la gestion des mandats qu’il détient ou qu’il a détenus. Les dépenses afférentes sont soumises aux dispositions relatives au financement et au plafonnement des dépenses électorales contenues au chapitre V bis du présent titre. »

Cette modification textuelle entraîne quatre conséquences qui remettront en cause la Jurisprudence rigoureuse du Conseil d’état.

En premier lieu, les élus candidats sont désormais autorisés à faire un bilan écrit des réalisations faites sous leur mandature.

En deuxième lieu, le contenu de ce bilan peut dépasser celui de la collectivité visée, le texte précisant en effet le bilan de la gestion des mandats qu’il détient ou qu’il a détenus. En clair donc, un élu titulaire d’un mandat national (député ou sénateur) ou encore conseiller général et candidat aux élections municipales peut parfaitement mettre en exergue le bilan de ses autres mandats, le législateur ayant opté pour une vision globale des fonctions électives.

En troisième lieu, le coût de ce bilan et de sa promotion devra impérativement figuré sur le compte de campagne de l’élu candidat, aucun financement sur fonds publics ne pouvant être envisagé et envisageable. (4)

Enfin en quatrième lieu, et cela mérite d’être souligné, le législateur a clairement mentionné que les dispositions de l’article 23 revêtent un caractère interprétatif. Autrement dit, elles rétroagissent au jour où la loi du 15 janvier 1990 (créant l’alinéa 2 de l’article L. 52-1 du Code électoral) est entrée en vigueur, c’est-à-dire le 1er Septembre 1990. Conséquence sur le terrain contentieux : le Juge administratif devra tenir compte de cette nouvelle grille de lecture dans le règlement des affaires pendantes devant lui ainsi que celles qui lui seront soumises, notamment lors des prochaines élections cantonales et municipales.
 

Patrick Lingibé
Avocat au Barreau de la Guyane
Février 2001
 

Note de bas de page  :

(1) Rapport n° 2755 de M. Jean-Yves CAULLET au nom de la commission des lois de l’Assemblée Nationale relatif à la résorption de l’emploi précaire et à la modernisation du recrutement dans la fonction publique ainsi qu’au temps de travail dans la fonction publique territoriale.

(2) L’article L. 52-15 du Code électoral, alinéa 3, dispose : « Lorsque la commission a constaté que le compte de campagne n’a pas été déposé dans le délai prescrit, si le compte a été rejeté ou si, le cas échéant, après réformation, il fait apparaître un dépassement du plafond des dépenses électorales, la commission saisit le juge de l’élection.  »

(3) Confer au rapport de M. Jean-Yves CAULLET cité supra.

(4) Il convient de rappeler que l’article L. 52-8, alinéa 2, du Code électoral dispose  : « Les personnes morales, à l’exception des partis ou groupements politiques, ne peuvent participer au financement de la campagne électorale d’un candidat, ni en lui consentant des dons sous quelque forme que ce soit, ni en lui fournissant des biens, services ou autres avantages directs ou indirects à des prix inférieurs à ceux qui sont habituellement pratiqués. »

© - Tous droits réservés - Patrick LINGIBÉ - 17 mai 2001

 


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