L’arrêt de la Cour administrative d’appel de Paris du 8 novembre 2002 qui a pour origine l’un des nombreux litiges que ne manque pas de générer la privatisation des entreprises publiques (et le maintien d’emplois publics en leur sein) permet de clarifier certains effets de l’évolution du statut de France Télécom sur le statut des agents qui ont choisi de rester fonctionnaires, notamment au sujet de l’affectation et de la notation de ces personnels. Il soulève également une autre question plus spécifique, celle de la valeur et du rôle de la feuille de paie en droit public.
En effet, parmi les demandes du requérant, Monsieur Le Provost, technicien des installations de France Télécom (corps qu’il avait choisi d’intégrer lors de l’entrée en vigueur de la loi du 02 juillet 1990) figuraient diverses illégalités affectant, selon lui, ses bulletins de paie.
Il soutenait particulièrement que les bulletins de paie établis pour l’année 1996 faisant référence à une "rémunération globale" comprenant son traitement et le complément France Télécom, méconnaissaient les dispositions prévues à l’article 20 de la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 selon laquelle "les fonctionnaires ont droit, après service fait, à une rémunération comprenant le traitement, l’indemnité de résidence, le supplément familial du traitement, ainsi que les indemnités instituées par un texte législatif ou réglementaire" ; que cela avait pour conséquence de la placer en situation contractuelle alors qu’il avait choisi de conserver son statut de fonctionnaire.
Il en demandait donc la rectification.
La Cour administrative d’appel a rejeté ce moyen comme infondé distinguant clairement, au passage, bulletin de paie et bulletin de salaire.
Une distinction sémantique qui, de prime abord, pourrait apparaître formelle tant il est vrai que le document attestant de la rémunération périodique d’un salarié prend, dans le langage courant, de multiples appellations : bulletin, feuille, fiche de paie, de salaire, etc., sans véritable incidence sur le statut juridique du bénéficiaire et sur ses droits à rémunération, s’il ne s’agissait pas là de marquer la réelle césure existant entre les situations de salarié de droit public et de droit privé.
Témoin du travail et non de la nature du lien qui unit le salarié à son employeur, le bulletin de paie revêt en droit du travail une fonction probatoire subsidiaire, à défaut de cadre fixant les relations de travail.
En effet, les règles applicables à la conclusion du contrat sont issues du droit civil et n’obligent nullement à l’existence d’un écrit.
L’entente verbale connaît cependant des limites :
- la loi, si elle prévoit dans certains cas la rédaction des engagements réciproques ;
- le droit communautaire qui impose à l’employeur d’informer par écrit le salarié des éléments essentiels applicables du contrat ou à la relation de travail
Dès lors, en l’absence de contrat écrit, le bulletin de salaire suffit à garantir ces obligations s’il récapitule un certain nombre d’éléments comme : l’identité des parties, le lieu de travail, le titre du salarié ou la description sommaire de son travail, la date du début de contrat, le droit en matière de congés payés, les divers éléments de salaire et périodicité de versement de la rémunération, la durée de travail journalière ou hebdomadaire et, le cas échéant, la mention des conventions et accords collectifs régissant les conditions de travail [1].
Le bulletin de salaire constitue, en conséquence, un commencement de preuve par écrit de l’existence d’une relation contractuelle de travail suffisant, à défaut d’acte contresigné.
Le salarié a donc la possibilité de se prévaloir des mentions figurant sur le bulletin, positivement ou négativement.
Cette force probante est tempérée par une double réalité : la légalité et la véracité de son contenu. Cela vaut tant pour l’employeur que pour le salarié. Cette fonction probatoire sur laquelle le requérant entendait s’appuyer s’avère néanmoins subsidiaire par rapport à sa fonction première d’information : établir de manière précise, la rémunération perçue par le salarié.
Pour le fonctionnaire, le rôle unique du bulletin de paie est un rôle d’information dans la mesure ou, à la différence du salarié, sa relation de travail naît non pas d’un contrat mais d’une position statutaire et réglementaire.
La part de liberté offerte par l’article 1134 du Code civil aux relations contractuelles est totalement inopérante en la matière. Tant le fonctionnaire que l’administration se retrouvent devant l’obligation de se conformer à un cadre préconçu.
Leurs possibilités d’influer sur les termes de l’engagement sont inexistantes. Par analogie, on pourrait qualifier cette situation de contrat d’adhésion si ce n’était que le recrutement et le service du fonctionnaire ne reposent sur aucun engagement réciproque mais sur des droits et des obligations.
Ces droits, notamment celui de percevoir un traitement correspondant à son grade, reposent sur des actes légaux ou réglementaires qu’il s’agisse des droits statutaires comme des décisions à caractère individuel.
La différence faite par le juge d’appel entre bulletin de paie et bulletin de salaire trouve ici toute sa justification. Elle n’est que la conséquence du fait que le fonctionnaire a droit, après service fait, à une rémunération et non à un salaire en contrepartie d’un travail.
Le bulletin de paie s’avère donc être en droit public un document informatif reflétant le juste accomplissement d’une situation statutaire.
Ce caractère non décisoire a déjà été reconnu par la jurisprudence administrative à d’autres documents "témoins", notamment pour un état général des services établi par un centre hospitalier et retraçant le service accompli dans les collectivités par l’agent en vue de sa transmission à une caisse de retraite [2] ou encore le classement de l’activité professionnelle d’une personne au répertoire national des entreprises et des établissements tenu par l’institut national de la statistique et des études économiques [3].
Cette position de la juridiction administrative s’adapte parfaitement au contentieux du bulletin de paie.
Elle est, d’un point de vue pratique, rassurante pour tous les employeurs publics et légitime si l’on considère d’une part la quantité de feuilles de paie émise par les services et d’autre part le pourcentage d’erreurs que cela génère, évalué pour les salariés du privé à 40 % [4].
Et cela d’autant plus que l’établissement des feuilles de paie présente pour les employeurs publics une contrainte supplémentaire, rappelée par le commissaire du gouvernement Victor Haïm [5], celle relative à l’identification des bases de liquidation et qui a déjà été érigée, en principe général, par le Conseil d’Etat, mais uniquement pour les créances publiques [6].
En matière de dettes publiques, le souci est le même, celui de l’information des intéressés, qu’il s’agisse des bénéficiaires ou du comptable public, chargé du paiement.
Une autre attitude de la juridiction administrative et la possibilité pour le bulletin de paie de modifier la situation juridique de l’agent seraient de nature à entraîner de sérieuses difficultés à la fois pour le rédacteur du document et pour les tribunaux submergés alors de demandes.
Cependant le caractère non décisoire du document n’exclut pas son contrôle et la possibilité de demander sa modification.
En effet, si le bulletin de paie en lui-même n’est pas susceptible d’être déféré à la censure du juge, la demande de sa modification, elle, l’est.
Le rejet d’une telle demande peut être attaqué en vertu du principe selon lequel les actes unilatéraux non décisoires ne peuvent faire l’objet que d’une demande en rectification.
Si la décision semble logique sur le plan du droit administratif la différence de nature juridique du bulletin de paie en droit privé et en droit public pourrait s’estomper partiellement lorsqu’il s’agit du versement de compléments de rémunération, la direction des entreprises publiques ayant en ce domaine plus d’autonomie
Déjà on sait que le fait que le fonctionnaire reste régi par son statut d’origine ne le dispense pas d’être soumis aux règles spécifiques de l’emploi telles qu’elles résultent du changement qu’il s’agisse de l’organisation du travail mais aussi du régime des primes et autres indemnités liées à la fonction.
C’est en application de ce principe que, en l’espèce, la Cour administrative d’appel de Paris n’a pas remis en cause le principe d’une rémunération globale et a pu juger que si les bulletins de paie litigieux mentionnent seulement au titre de la rémunération globale servie au requérant son traitement et le complément France Télécom, ils précisent cependant les montants respectifs du supplément familial et de l’indemnité de résidence.
Mais si dans cette affaire le complément de rémunération découlait du décret du 27 décembre 1996 et pouvait être fixée par le Président de France Télécom pourvu qu’il consulte au préalable le comité paritaire [7] on peut toutefois pour l’avenir légitimement s’interroger sur l’incidence de l’indépendance acquise par France Télécom au gré de sa totale privatisation sur la nature juridique d’un tel complément de rémunération.
Dès lors cela pourrait conférer un statut mixte au bulletin de paie, devenu pour partie bulletin de salaire.
Stéphane LAVIGNE et Philippe SOUBIROUS
Décision :
COUR ADMINISTRATIVE D’APPEL DE PARIS
N° 99PA03962
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M. LE PROVOST
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M. MERLOZ
Président
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M. ALFONSI
Rapporteur
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M. HAÏM
Commissaire du Gouvernement
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Séance du 24 octobre 2002
Lecture du 8 novembre 2002
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
LA COUR ADMINISTRATIVE D’APPEL DE PARIS
(4ème chambre B)
VU la requête, enregistrée au greffe de la cour le 2 décembre 1999, présentée par M. Jacques LE PROVOST, ; M. LE PROVOST demande à la cour :
1°) de réformer le jugement du 6 avril 1999 par lequel le tribunal administratif de Melun a rejeté ses demandes tendant à l’annulation, en premier lieu, de la décision du directeur de l’entité « service d’intervention » de la direction régionale de France Télécom de Melun datée du 21 mai 1996 l’ayant affecté sur le poste chargé des études et du suivi de la réalisation des équipements de transmission au sein de l’unité infrastructure réseau de Seine-et-Marne Nord (UIR Nord) à Vaux-le-Pénil, en deuxième lieu, de la décision du 9 août 1996 de France Télécom en tant qu’elle refuse d’appliquer les dispositions du décret du 14 février 1959 pour établir sa notation postérieurement à l’entrée en vigueur du décret du 2 avril 1996 et, en troisième lieu, du refus implicite de France Télécom d’annuler toutes les illégalités portées sur son bulletin de paie de janvier 1996 et sur tous les bulletins suivants ;
2°) d’annuler pour excès de pouvoir lesdistes décisions ;
VU les autres pièces du dossier ;
VU la loi n° 78-753 du 17 juillet 1978 ;
VU la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;
VU la loi n° 84-16 du 11 juillet 1984 ;
VU la loi n° 90-568 du 2 juillet 1990 ;
VU le décret n° 59-308 du 14 février 1959 ;
VU le décret n° 96-285 du 2 avril 1996 ;
VU le décret n° 72-420 du 24 mai 1972 portant statut particulier du corps des techniciens des installations de télécommunications ;
VU le décret n° 90-1231 du 31 décembre 1990 et le décret n° 92-932 du 7 septembre 1992 relatifs au statut particulier du corps des techniciens de la Poste et du corps des techniciens des installations de France Télécom ;
VU le décret n° 93-513 du 25 mars 1993 ;
VU le code de justice administrative ;
Après avoir entendu au cours de l’audience publique du 24 octobre 2002
le rapport de M. ALFONSI, premier conseiller,
et les conclusions de M. HAÏM, commissaire du Gouvernement,
Considérant que par une décision du directeur du service d’intervention de la direction régionale de France Télécom de Melun datée du 21 mai 1996, M. Jacques LE PROVOST a été affecté dans le cadre de la réorganisation de cette direction régionale au sein de l’unité infrastructure réseau de Seine-et-Marne (UIR Nord) à compter du 21 mai 1996, sur un poste de chargé des études et du suivi de la réalisation des équipements de transmission localisé à Vaux Le Pénil ; que, par une décision implicite née du silence gardé pendant plus de quatre mois par le directeur régional de Melun, France Télécom a rejeté sa demande du 27 mars 1996 tendant à la modification de ses bulletins de paie établis à partir du mois de janvier 1996 ; qu’enfin, par une décision du 9 août 1996, le directeur régional de France Télécom de Melun a rejeté le recours gracieux formé par M. LE PROVOST le 19 avril 1996 tendant notamment à l’établissement de sa notation annuelle suivant les dispositions du décret du 1,4 février 1959 relatives à la notation des fonctionnaires de l’Etat ; que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Melun a rejeté ses demandes tendant à l’annulation pour excès de pouvoir de ces trois décisions ;
Sur la légalité de la décision du 21 mai 1996
Sur la légalité externe
Considérant que suivant l’article 60 de la loi susvisée du 11 janvier 1984, « lorsqu’il n’existe pas de tableaux de mutation, seules les mutations comportant changement de résidence ou modification de la situation de l’intéressé sont soumise à l’avis des commissions » ; qu’il ressort des pièces du dossier qu’à la date de la décision attaquée, M. LE PROVOST était affecté à Vaux Le Pénil ; que, par suite, ladite décision affectant le requérant sur un poste de chargé des études et du suivi de la réalisation des équipements de transmission localisé à Vaux Le Pénil ne comportait ni changement de résidence ni modification de la situation de M. LE PROVOST au sens de ces dispositions ; qu’ainsi elle n’était pas soumise à la consultation préalable de la commission administrative paritaire ;
Sur la légalité interne :
Considérant qu’aux termes de l’article 29 de la loi susvisée du 2 juillet 1990 : « Les personnels de La Poste et de France Télécom sont régis par des statuts particuliers, pris en application de la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires et de la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique de l’Etat, qui comportent des dispositions spécifiques dans les conditions prévues aux alinéas ci-après... Les personnels de La Poste et de France Télécom ne relèvent pas des catégories prévues à l’article 29 de la loi n° 8416 du 11 janvier 1984... » ; qu’aux termes de l’article 29 de la loi du 11 janvier 1984 « Les fonctionnaires appartiennent à des corps qui comprennent un ou plusieurs grades et sont classés, selon leur niveau de recrutement, en catégories. Ces corps groupent les fonctionnaires soumis au même statut particulier et ayant vocation aux mêmes grades. Ils sont répartis en quatre catégories désignées dans l’ordre hiérarchique décroissant par les lettres A, B, C et D. Les statuts particuliers fixent le classement de chaque corps dans l’une de ces catégories » ; que selon les dispositions transitoires de l’article 44 de la loi susvisée du 2 juillet 1990, les personnels en activité, affectés au 31 décembre 1990 dans les emplois d’un service relevant de la direction générale de La Poste ou de la direction générale des télécommunications sont placés de plein droit respectivement sous l’autorité du président du conseil d’administration de La Poste ou de celui de France Télécom à compter du 1er janvier 1991, sans changement de leur position statutaire ; qu’aux termes de l’article 9 du décret susvisé du 31 décembre 1990 : « Les techniciens des installations de télécommunications sont intégrés soit dans le corps des techniciens des installations de La Poste, soit dans celui de France Télécom, selon l’exploitant public dont ils relèvent en application des dispositions du premier alinéa de l’article 44 de la loi du 2 juillet 1990 susvisée. L’intégration de ces fonctionnaires est prononcée par décision du président du conseil d’administration de l’exploitant public concerné avec date d’effet au 1er janvier 1991. Le reclassement s’effectue à identité de grade et d’échelon... » ;
Considérant que les fonctionnaires ne peuvent invoquer aucun droit acquis au maintien de leur statut, lequel peut être modifié à tout moment dans le respect des dispositions législatives en vigueur ; que les dispositions susmentionnées de l’article 44 de la loi du 2 juillet 1990 n’interdisaient pas une modification des règles statutaires applicables aux corps de fonctionnaires auxquels les personnels qu’elles mentionnent appartenaient, sans qu’il y ait lieu de distinguer à cet égard entre ceux des agents qui ont refusé par la suite d’être intégrés dans les nouveaux corps dits « de reclassification » créés par les décrets du 25 mars 1993 et ceux qui ont au contraire accepté d’être intégrés dans ces nouveaux corps : qu’ainsi, en prévoyant le reclassement de plein droit des techniciens des installations de télécommunications dans le corps des techniciens des installations de France Télécom, les dispositions précitées de l’article 9 du décret du 31 décembre 1990, lequel n’a pas pour objet ou pour effet de changer la position statutaire des personnels qu’il concerne au sens de l’article 44 de la loi du 2 juillet 1990, n’ont ni méconnu ledit article, ni porté atteinte au principe posé à l’article 4 de la loi susvisée du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires selon lequel le fonctionnaires est placé visà-vis de l’administration, dans une situation statutaire et réglementaire ;
Considérant que l’intégration de plein droit de M. LE PROVOST dans le corps des techniciens des installations de France Télécom n’était pas subordonnée à la démission de l’intéressé ni à sa radiation du corps des techniciens de télécommunications ; que, par suite, et contrairement à ce que soutient le requérant, la décision attaquée, laquelle ne comporte par elle-même aucun changement de sa position statutaire, n’est pas entachée d’illégalité en ce qu’elle ne conserverait pas à l’intéressé son grade de technicien des installations de télécommunications régi par le décret susvisé du 24 mai 1972 ;
Considérant que la décision attaquée n’ayant eu ni pour objet ni pour effet de modifier la position statutaire de M. LE PROVOST, la circonstance que la décision prononçant son intégration dans le corps des techniciens des installations de France Télécom ne lui aurait pas été notifiée est sans incidence sur la légalité de la mesure modifiant son affectation à la direction régionale de France Télécom de Melun ;
Considérant que M. LE PROVOST n’établit pas qu’eu égard aux fonctions qu’il comporte, l’emploi de chargé des études et du suivi de la réalisation des équipements de transmission ne correspondrait pas à son grade ; que, dans ces conditions, la circonstance que lesdites fonctions seraient des fonctions de niveau 11.2 définies par référence au corps des collaborateurs de France Télécom régi par le décret susvisé du 25 mars 1993 n’a ni pour objet ni pour effet l’intégration d’office de M. LE PROVOST dans ce corps de reclassification, à laquelle le requérant pouvait s’opposer comme il l’a fait, et n’est par suite pas de nature à entacher d’excès de pouvoir la décision attaquée ;
Considérant enfin que le moyen tiré de ce que le requérant pouvait prétendre à une mesure d’intégration dans le grade de reclassement d’inspecteur de France Télécom est dépourvu des précisions permettant d’en apprécier le mérite ;
Considérant qu’il suit de là, que M. LE PROVOST n’est pas fondé à soutenir que c’est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Melun a rejeté sa demande tendant à l’annulation de la décision du 11 mai 1996 ;
Sur la légalité de la décision implicite de rejet née du silence Gardé par France Télécom sur sa demande de rectification de ses bulletins de paie ;
Considérant que la circonstance que les bulletins de paie de M. LE PROVOST pour l’année 1996 présenteraient le caractère de bulletin de salaire n’ont ni pour objet ni pour effet de placer l’intéressé dans une situation contractuelle ou dans la situation d’un agent non titulaire de France Télécom ;
Considérant que les bulletins de paie de M. LE PROVOST établis en 1996 notamment pour les mois de janvier et août 1996, qui mentionnent l’adresse à Vaux Le Pénil du service dont il relève ne pouvaient être regardés comme comportant des informations erronées concernant sa résidence administrative et ont d’ailleurs fait l’objet sur ce point d’une présentation clarifiée dès le mois d’octobre 1996 ;
Considérant enfin qu’aux termes de l’article 20 de la loi susvisée du 13 juillet 1983, « les fonctionnaires ont droit, après service fait, à une rémunération comprenant le traitement, l’indemnité de résidence, le supplément familial de traitement ainsi que les indemnités instituées par un texte législatif ou réglementaire » ; que les bulletins de paie litigieux, qui précisent le montant du supplément familial et de l’indemnité de résidence servis au requérant, distinguent le traitement versé à l’intéressé et le complément France Télécom qui lui est attribué ; qu’ainsi, en refusant de corriger la référence que comportent ces bulletins de paie à une « rémunération globale » comprenant le traitement et le complément France Télécom dont les montants figuraient sur lesdits documents, le directeur régional de France Télécom n’a ni méconnu les dispositions susmentionnées de la loi du 13 juillet 1983 ni porté atteinte aux principes de séparation du grade et de l’emploi et d’égalité de traitement entre fonctionnaires d’un même corps ;
Considérant, dès lors, que M. LE PROVOST n’est pas davantage fondé à soutenir que c’est à tort que, par le même jugement, le tribunal administratif de Melun a rejeté sa demande tendant à l’annulation de la décision refusant de rectifier ses bulletins de paie établis à compter du mois-de janvier 1996 ;
Sur la létalité de la décision du 9 août 1996 en tant qu’elle refuse d’appliquer les dispositions du décret du 14 février 1959 pour établir sa notation postérieurement à l’entrée en vigueur du décret du 2 avril 1996 :
Considérant que par la décision n° 211289 du 4 octobre 2000, le Conseil d’Etat statuant au contentieux a annulé pour excès de pouvoir la décision implicite par laquelle le Premier ministre a rejeté la demande d’abrogation du décret du 2 avril 1996 relatif à la notation du personnel de La Poste et de France Télécom pour un motif tiré de l’irrégularité de la consultation de la commission du personnel et des affaires sociales du service public de La Poste et de France Télécom, irrégulièrement composée à la date de cette consultation, qu’eu égard à l’autorité de la chose jugée, qui s’attache tant au dispositif de cette décision qu’à ce motif, qui en constitue le support nécessaire, le directeur régional de France Télécom ne pouvait légalement faire application du décret du 2 avril 1996, même postérieurement à son entrée en vigueur, pour établir la notation annuelle du requérant ; que, par suite, M. LE PROVOST est fondé à soutenir que c’est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Melun a rejeté sa demande tendant à l’annulation de la décision du 9 août 1996 en tant que, par ladite décision, France Télécom a refusé de maintenir l’application des dispositions du décret du 14 février 1959 relatif à la notation des fonctionnaires de l’Etat antérieures à l’intervention du décret du 2 avril 1996 pour l’établissement de sa notation ;
Sur l’application des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative :
Considérant que les dispositions susvisées font obstacle à ce que M. LE PROVOST, qui n’est pas, dans la présente instance, la partie perdante, soit condamné à payer à France Télécom la somme qu’elle demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ;
Considérant qu’il n’y a pas lieu, dans les circonstances de l’espèce, de faire application des dispositions susvisées et de condamner M. LE PROVOST à payer à France Télécom la somme qu’elle demande au titre des frais exposés par cette société et non compris dans les dépens,
D E C I D E :
Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Melun en date du 6 avril 1999 est annulé en tant qu’il rejette la demande de M. LE PROVOST tendant à l’annulation de la décision du 9 août 1996 de France Télécom refusant d’appliquer les dispositions du décret du 14 février 1959 pour établir sa notation postérieurement à l’entrée en vigueur du décret du 2 avril 1996. La décision du 9 août 1996 de France Télécom est annulée en tant qu’elle refuse d’appliquer les dispositions du décret du 14 février 1959 pour établir la notation de M. LE PROVOST postérieurement à l’entrée en vigueur du décret du 2 avril 1996.
Article 2 : Le surplus des conclusions de la requête de M. LE PROVOST est rejeté.
Article 3 : Les conclusions de France Télécom tendant à l’application des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.