CONSEIL D’ETAT
Statuant au contentieux
N° 231402
SOCIETE PRODUITS ROCHE
M Donnat, Rapporteur
Mme Boissard, Commissaire du gouvernement
Audience du 12 décembre 2001
Lecture du 11 Janvier 2002
REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
Le Conseil d’Etat, statuant au contentieux,
Vu la requête, enregistrée le 16 mars 2001 au secrétariat du contentieux du Conseil d’Etat, présentée par la SOCIETE PRODUITS ROCHE, dont le siège est 52, boulevard du Parc à Neuilly-sur-Seine (92521), représentée par ses dirigeants en exercice ; la SOCIETE PRODUITS ROCHE demande au Conseil d’Etat l’annulation pour excès de pouvoir de la décision implicite de rejet résultant du silence gardé pendant plus de quatre mois par le ministre de l’emploi et de la solidarité sur sa demande tendant à l’abrogation du décret n° 99-486 du 11 juin 1999 en ce qu’il autorise, sans dispositions particulières, la substitution par des médicaments génériques des médicaments nécessitant une surveillance particulière pendant le traitement au sens du point c) de l’article R 5143-5-1 du code de la santé publique ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code de la santé publique ;
Vu le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
le rapport de M Donnat, Maître des Requêtes,
les conclusions de Mme Boissard, Commissaire du gouvernement ;
Considérant que l’article R 5143-5-1 du code de la santé publique prévoit que : "L’autorisation de mise sur le marché ou l’autorisation temporaire d’utilisation d’un médicament peut classer celui-ci dans une ou plusieurs des catégories de prescription restreinte suivantes : a) Médicament réservé à l’usage hospitalier ; b) Médicament à prescription initiale hospitalière ; c) Médicament nécessitant une surveillance particulière pendant le traitement" ; qu’aux termes de l’article R 5143-5-4 du même code, le classement dans la catégorie des médicaments nécessitant une surveillance particulière pendant le traitement "a pour effet de subordonner leur prescription à des examens périodiques devant être subis par le patient. Ce classement ne peut intervenir que si les restrictions apportées à la prescription du médicament sont justifiées par la gravité des effets indésirables que peut provoquer son emploi. L’autorisation de mise sur le marché ou l’autorisation temporaire d’utilisation mentionne la nature et la périodicité des examens que le médecin doit prescrire, ainsi que, le cas échéant, les conditions dans lesquelles le traitement peut, compte tenu des résultats de ces examens, être conduit" ; que le quatrième alinéa de l’article R 5143-5-4 précise que : "L’autorisation de mise sur le marché ou l’autorisation temporaire d’utilisation peut prévoir que le prescripteur doit mentionner sur l’ordonnance que les examens prévus par cette autorisation ont été effectués et que les conditions prévues par cette même autorisation pour conduire le traitement sont respectées" ; que l’article R 5143-5-5 dispose que l’autorisation de mise sur le marché ou l’autorisation temporaire d’utilisation peut en outre "3° Prévoir, pour tout ou partie des risques liés à l’utilisation d’un médicament classé dans une ou plusieurs des catégories de prescription restreinte prévues à l’article R 5143-5-1, que le prescripteur doit mentionner sur l’ordonnance qu’il a donné au patient des informations sur ces risques" ; qu’aux termes du dernier alinéa de l’article R 5143-5-6, "si la prescription d’un médicament est soumise aux dispositions du quatrième alinéa de l’article R 5143-5-4 ou du 3° de l’article R 5143-5-5, le pharmacien s’assure que les mentions prévues par ces dispositions figurent sur l’ordonnance" ;
Considérant, par ailleurs, que l’article L 601-6, devenu l’article L 5121-1, du code de la santé publique définit la spécialité générique d’une spécialité de référence comme celle qui a "la même composition qualitative et quantitative en principe actif, la même forme pharmaceutique et dont la bioéquivalence avec la spécialité de référence est démontrée par des études de biodisponibilité appropriées" ; que l’article L 512-3 devenu L 5125-23 du même code autorise le pharmacien à délivrer à son client, par substitution à la spécialité prescrite, une spécialité du même groupe générique à la condition que le prescripteur n’ait pas exclu cette possibilité par une mention expresse portée sur la prescription ; que le décret du 11 juin 1999 a introduit dans le code de la santé publique des dispositions, codifiées aux articles R 5143-8 à R 5143-11, relatives à l’exercice par le pharmacien de ce pouvoir de substitution ; que la société requérante soutient que ce décret serait illégal, aux motifs qu’il porterait atteinte au principe d’égalité et comporterait des risques pour la protection de la santé publique en ce qu’il ne comporte pas de dispositions particulières relatives à la substitution, par des médicaments génériques, des médicaments nécessitant une surveillance particulière pendant le traitement au sens du point c) de l’article R 5143-5-1 du code de la santé publique ;
Considérant qu’il résulte nécessairement des dispositions précitées de l’article L 601-6 du code de la santé publique, devenu l’article L 5121-1, que la spécialité générique d’un médicament classé parmi ceux qui nécessitent une surveillance particulière pendant le traitement au sens du point c) de l’article R 5143-5-1 doit être elle-même classée dans cette catégorie ; que, de même, l’autorisation de mise sur le marché ou l’autorisation temporaire d’utilisation de la spécialité générique d’une spécialité classée dans cette catégorie doit nécessairement prévoir, en application des dispositions précitées des articles R 5143-5-4 et R 5143-5-5, les mêmes mentions ou indications devant être portées par le prescripteur sur l’ordonnance que celles prévues par l’autorisation de mise sur le marché ou par l’autorisation temporaire d’utilisation du médicament dont cette spécialité est le générique ; qu’il appartient en toute hypothèse au pharmacien, en application des dispositions précitées du dernier alinéa de l’article R 5134-5-6 du code de la santé publique, de s’assurer, avant de délivrer une spécialité classée dans cette catégorie, que les mentions ou indications prévues par son autorisation de mise sur le marché ou par son autorisation temporaire d’utilisation figurent sur l’ordonnance ; qu’il suit de là que le pharmacien ne peut faire usage de son pouvoir de substitution qu’à la double condition, d’une part, que l’autorisation de mise sur le marché ou l’autorisation temporaire d’utilisation de la spécialité générique qu’il se propose de délivrer et l’autorisation de mise sur le marché ou l’autorisation temporaire d’utilisation de la spécialité qui a été prescrite prévoient les mêmes mentions ou indications obligatoires sur l’ordonnance et, d’autre part, que celles-ci y figurent ; qu’en outre, dans l’hypothèse où l’autorisation de mise sur le marché ou l’autorisation temporaire d’utilisation prévoit que, parmi les mentions devant être portées sur l’ordonnance par le médecin prescripteur, figure celle de la signature par le patient d’un " accord de soin ", celui-ci, qui est donné par le patient pour un traitement par un type de médicament, est valablement mentionné sur l’ordonnance pour la délivrance par le pharmacien soit du médicament prescrit, soit de la spécialité qui en est le générique ; que la SOCIETE PRODUITS ROCHE n’est, par suite, pas fondée à soutenir que le décret du 11 juin 1999 serait illégal en ce qu’il ne comporte pas de dispositions particulières relatives à la substitution par des médicaments génériques des médicaments nécessitant une surveillance particulière pendant le traitement au sens du point c) de l’article R 5143-5-1 du code de la santé publique ;
Considérant, pour les motifs énoncés ci-dessus, que l’autorité détentrice du pouvoir réglementaire n’a pas entaché son appréciation d’une erreur manifeste au regard des objectifs de protection de la santé publique ou porté atteinte au principe d’égalité en considérant qu’il n’était pas nécessaire d’introduire dans le code de la santé publique des dispositions particulières régissant la substitution par des médicaments génériques des médicaments nécessitant une surveillance particulière pendant le traitement au sens du point c) de l’article R 5143-5-1 de ce code ;
Considérant qu’il résulte de ce qui précède que la SOCIETE PRODUITS ROCHE n’est pas fondée à demander l’annulation de la décision implicite par laquelle le ministre de l’emploi et de la solidarité a rejeté sa demande tendant à ce que le décret n° 99-486 du 11 juin 1999 soit complété par de telles dispositions particulières ;
D E C I D E :
Article 1er : La requête de la SOCIETE PRODUITS ROCHE est rejetée.
Article 2 : La présente décision sera notifiée à la SOCIETE PRODUITS ROCHE, au Premier ministre et au ministre de l’emploi et de la solidarité.