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NOTES ET COMMENTAIRES :
Christophe GUETTIER, Le contrôle du juge sur l’ordre national des médecins statuant en matière disciplinaire, AJDA 2002, p.641

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Conseil d’Etat, 21 décembre 2001, n° 215316, M. D.

Le fait pour un médecin de rédiger des ordonnances destinées à des patients fictifs et comportant des prescriptions volontairement erronées - dans le but d’apporter son concours à l’organisation d’une enquête sur la vigilance des pharmaciens - n’est pas une faute de nature à justifier une sanction disciplinaire.

CONSEIL D’ETAT

Statuant au contentieux

M. D.

N° 215316

M. Pignerol, Rapporteur

Mme Roul, Commissaire du gouvernement

Séance du 7 décembre 2001

Lecture du 21 décembre 2001

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAISE

Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire présentés pour M. Jean-Pierre D., demandant au Conseil d’Etat :

1°) d’annuler la décision du 22 septembre 1999 par laquelle la section disciplinaire du Conseil national de l’Ordre des médecins a rejeté sa requête tendant à l’annulation de la décision en date du 10 février 1998 par laquelle le conseil régional de l’Ordre des médecins d’Ile-de-France, statuant sur la plainte du conseil départemental de l’Ordre des médecins du Calvados transmise par le conseil départemental de l’Ordre des médecins de la Seine-Saint-Denis, lui a infligé la peine du blâme ;

2°) de condamner le Conseil national de l’Ordre des médecins à lui verser une somme de 24 120 F au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code de la santé publique ;

Vu le décret n° 48-1671 du 26 octobre 1948 ;

Vu le décret n° 79-506 du 28 juin 1979 portant code de déontologie médicale ;

Vu la loi du 3 août 1995 portant amnistie ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Pignerol, Maître des Requêtes,

- les observations de la SCP Lyon-Caen, Fabiani, Thiriez, avocat de M. DIO et de la SCP Vier, Barthélemy, avocat du Conseil national de l’Ordre des médecins,

- les conclusions de Mme Roul, Commissaire du gouvernement ;

Sur la régularité de la saisine du conseil régional de l’Ordre des médecins d’Ile-de-France :

Considérant que l’article L. 395 du code de la santé publique dispose : "Le conseil départemental n’a pas le pouvoir disciplinaire. Au cas où des plaintes sont portées devant lui contre les médecins, il les transmet au conseil régional avec un avis motivé" ; qu’aux termes de l’article 7 du décret n° 48-1671 du 26 octobre 1948 "l’action disciplinaire contre un médecin... est introduite par une plainte adressée au président du conseil régional de l’Ordre dont il dépend, par le Conseil national de l’Ordre, le conseil départemental ou les syndicats de praticiens du ressort du conseil régional, agissant de leur propre initiative ou à la suite de plaintes..." ; que le seul conseil départemental auquel ces dispositions donnent compétence pour saisir le conseil régional de l’Ordre est celui au tableau duquel est inscrit le médecin concerné ;

Considérant qu’il ressort des pièces du dossier des juges du fond qu’alerté par certains pharmaciens de faits reprochés à M. D., médecin inscrit au tableau du département de la Seine-Saint-Denis, le conseil départemental de l’Ordre des médecins du Calvados a adressé au conseil départemental de la Seine-Saint-Denis une plainte contre ce médecin ; que, sans pour autant s’y associer, le conseil départemental de la Seine-Saint-Denis a transmis cette plainte au conseil régional de l’Ordre des médecins d’Ile-de-France ; que la circonstance que la plainte ainsi transmise émanait d’un conseil départemental autre que celui dont relevait M. D. est sans incidence sur la régularité de la saisine du juge disciplinaire dès lors que les faits reprochés à ce médecin ont eu des incidences constatées dans le ressort du conseil départemental à l’origine de la plainte ;

Sur la légalité de la sanction ;

Sans qu’il soit besoin d’examiner les autres moyens de la requête :

Considérant que, pour confirmer la sanction prononcée contre M. D., la section disciplinaire du Conseil national de l’Ordre des médecins a relevé que l’intéressé avait apporté son concours à l’organisation d’une enquête menée par le mensuel "Que Choisir ?", organe de l’union fédérale des consommateurs, aux fins de tester la vigilance des pharmaciens lors de la délivrance des médicaments prescrits par les médecins, en rédigeant des ordonnances destinées à des patients fictifs et comportant des prescriptions volontairement erronées que les enquêteurs de "Que Choisir ?" ont présentées à une centaine d’officines de pharmacie ; qu’en estimant que le concours ainsi apporté à cette enquête par M. D. qui n’avait consulté ni ses pairs ni l’autorité ordinale constituait une faute de nature à déconsidérer la profession et à justifier une sanction disciplinaire, la section disciplinaire du Conseil national de l’Ordre des médecins a inexactement qualifié les faits ; que M. D. est dès lors fondé à demander l’annulation de la décision attaquée ;

Considérant qu’en vertu de l’article L. 821-2 du code de justice administrative, le Conseil d’Etat, s’il prononce l’annulation d’une décision d’une juridiction administrative statuant en dernier ressort, peut régler l’affaire au fond si l’intérêt d’une bonne administration de la justice le justifie ; que, dans les circonstances de l’espèce, il y a lieu de régler l’affaire au fond ;

Considérant qu’il résulte de ce qui a été dit ci-dessus que les faits reprochés à M. D. ne sont pas constitutifs d’une faute de nature à justifier une sanction disciplinaire ; que M. D. est, dès lors, fondé à demander l’annulation de la décision par laquelle le conseil régional de l’Ordre des médecins d’Ile-de-France lui a infligé un blâme ;

Sur l’application de l’article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant, d’une part, que ces dispositions font obstacle à ce que le conseil départemental de l’Ordre du Calvados, qui n’a pas la qualité de partie à la présente instance, soit condamné à payer à M. D. la somme qu’il demande au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens ;

Considérant, d’autre part, que dans les circonstances de l’espèce il n’y a pas lieu de condamner le conseil départemental de l’Ordre de la Seine-Saint-Denis à payer à M. D. la somme qu’il demande au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens ;

D E C I D E :

Article 1er : La décision de la section disciplinaire du Conseil national de l’Ordre des médecins en date du 22 septembre 1999 est annulée.

Article 2 : La décision du conseil régional de l’Ordre des médecins de la région Ile-de-France du 10 février 1998 est annulée.

Article 3 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.

Article 4 : La présente décision sera notifiée à M. Jean-Pierre D., au Conseil national de l’Ordre des médecins, au conseil départemental de l’Ordre des médecins de la Seine-Saint-Denis, au conseil départemental de l’Ordre des médecins du Calvados et au ministre de l’emploi et de la solidarité.

 


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