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Conseil d’Etat, 5 novembre 2001, n° 205768, M. V.

Les magistrats des chambres régionales des comptes exercent des fonctions juridictionnelles qui les font participer à l’exercice de la puissance publique et à la sauvegarde des intérêts de l’Etat et des autres collectivités publiques ; qu’il en résulte que la procédure disciplinaire dont ils peuvent faire l’objet devant le conseil supérieur des chambres régionales des comptes est soustraite à l’application de l’article 6 § 1 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales ; qu’il suit de là qu’en faisant application en l’espèce non de la règle du huis clos posé par l’article L. 223-9 du code des juridictions financières mais de celle de la publicité des audiences résultant de l’article 6 § 1 de la convention, le conseil supérieur a commis une erreur de droit et entaché sa décision d’irrégularité.

CONSEIL D’ETAT

Statuant au contentieux

N° 205768

M. V.

Mme Dumortier, Rapporteur

Mme Roul, Commissaire du gouvernement

Séance du 10 octobre 2001

Lecture du 5 novembre 2001

REPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

Le Conseil d’Etat statuant au contentieux

Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 18 mars et 19 juillet 1999 au secrétariat du contentieux du Conseil d’Etat, présentés pour M. Eric V. ; M. V. demande au Conseil d’Etat :

1°) d’annuler la décision du 21 janvier 1999 par laquelle le conseil supérieur des chambres régionales des comptes lui a infligé la sanction du déplacement d’office ;

2°) de condamner l’Etat à lui verser une somme de 15 000 F au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales ;

Vu le code des juridictions financières ;

Vu la loi n° 83-634 du 13 juillet 19853 portant droits et obligations des fonctionnaires ;

Vu la loi n° 84-16 du 11 janvier 19854 portant dispositions statutaires relatives la fonction publique de l’Etat ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de Mme Dumortier, Auditeur,

- les observations de Me Vuitton, avocat de M. V.,

- les conclusions de Mme Roul, Commissaire du gouvernement ;

Sans qu’il soit besoin d’examiner les autres moyens :

Considérant qu’à l’appui du pourvoi en cassation qu’il a formé contre la décision du 21 janvier 1999 par laquelle le conseil supérieur des chambres régionales des comptes statuant comme conseil de discipline lui a infligé la sanction du déplacement d’office, M. V. soutient que le conseil n’a pas statué à huis clos, en méconnaissance de l’article L. 223-9 du code des juridictions financières ;

Considérant qu’il ressort des termes mêmes de la décision attaquée qu’à l’ouverture de la séance du conseil, M. V. a demandé qu’elle se déroule à huis clos ; que le ministre de l’économie, des finances et de l’industrie n’est, dès lors et en tout état de cause, pas fondé à soutenir que le moyen tiré par M. V. de ce que le conseil n’a pas siégé à huis clos serait irrecevable comme soulevé pour la première fois devant le juge de cassation ;

Considérant qu’aux termes de l’article L. 223-9 du code des juridictions financières : "Le conseil supérieur statue à huis clos" ; que, pour écarter l’application de ces dispositions et siéger en séance publique, le conseil supérieur s’est fondé sur l’article 6 § 1 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales aux termes duquel : "Toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue (...) publiquement (...) par un tribunal (...) qui décidera, soit des contestations sur ses droits et obligations de caractère civil, soit du bien-fondé de toute accusation en matière pénale, dirigée contre elle" ; que le conseil a estimé qu’aucun des motifs invoqués par M. V. ne justifiait qu’il soit porté atteinte à la règle de la publicité des débats ;

Mais considérant que les magistrats des chambres régionales des comptes exercent des fonctions juridictionnelles qui les font participer à l’exercice de la puissance publique et à la sauvegarde des intérêts de l’Etat et des autres collectivités publiques ; qu’il en résulte que la procédure disciplinaire dont ils peuvent faire l’objet devant le conseil supérieur des chambres régionales des comptes est soustraite à l’application de l’article 6 § 1 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales ; qu’il suit de là qu’en faisant application en l’espèce non de la règle du huis clos posé par l’article L. 223-9 du code des juridictions financières mais de celle de la publicité des audiences résultant de l’article 6 § 1 de la convention, le conseil supérieur a commis une erreur de droit et entaché sa décision d’irrégularité, que M. V. est, dès lors, fondé à en demander l’annulation ;

Sur les conclusions relatives aux frais exposés et non compris dans les dépens :

Considérant qu’il n’y a pas lieu, dans les circonstances de l’affaire, de faire application de l’article L. 761-1 du code de justice administrative et de condamner l’Etat à verser à M. V. la somme qu’il demande en remboursement des frais non compris dans les dépens qu’il a exposés ;

D E C I D E :

Article 1er : La décision du 21 janvier 1999 du conseil supérieur des chambres régionales des comptes est annulée.

Article 2 : L’affaire est renvoyée devant le conseil supérieur des chambres régionales des comptes.

Article 3 : Le surplus des conclusions de la requête de M. V. est rejeté.

Article 4 : La présente décision sera notifiée à M. Eric V., au premier président de la Cour des comptes et au ministre de l’économie, des finances et de l’industrie.

 


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