CONSEIL D’ETAT
Statuant au contentieux
N° 306226
Mme V.
M. Jean Musitelli
Rapporteur
M. Rémi Keller
Commissaire du gouvernement
Séance du 13 octobre 2008
Lecture du 14 novembre 2008
REPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
Le Conseil d’Etat statuant au contentieux
(Section du contentieux, 4ème et 5ème sous-sections réunies)
Sur le rapport de la 4ème sous-section de la Section du contentieux
Vu le pourvoi sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés le 5 juin et le 5 septembre 2007 au secrétariat du contentieux du Conseil d’Etat, présentés pour Mme Véronique V. ; Mme V. demande au Conseil d’Etat :
1°) d’annuler l’arrêt du 3 avril 2007 par lequel la cour administrative d’appel de Versailles a annulé, d’une part, le jugement du 15 mars 2004 du tribunal administratif de Versailles rejetant la demande de la société Pompes Salmson tendant à l’annulation de la décision du 4 juillet 2002 du ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité annulant la décision de l’inspecteur du travail autorisant le licenciement de Mme V. et refusant ce licenciement et, d’autre part, ladite décision du 4 juillet 2002 ;
2°) de mettre à la charge de la société Pompes Salmson la somme de 7 000 euros au titre des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code du travail ;
Vu le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
le rapport de M. Jean Musitelli, Conseiller d’Etat,
les observations de la SCP Waquet, Farge, Hazan, avocat de Mme V. et de la SCP Delaporte, Briard, Trichet, avocat de la société Pompes Salmson,
les conclusions de M. Rémi Keller, Commissaire du gouvernement ;
Considérant qu’en vertu des dispositions du code du travail, les salariés légalement investis de fonctions représentatives bénéficient, dans l’intérêt de l’ensemble des salariés qu’ils représentent, d’une protection exceptionnelle ; que lorsque le licenciement d’un de ces salariés est envisagé, ce licenciement ne doit pas être en rapport avec les fonctions représentatives normalement exercées ou l’appartenance syndicale de l’intéressé ; que, dans le cas où la demande de licenciement est motivée par un comportement fautif, il appartient à l’inspecteur du travail, et le cas échéant au ministre, de rechercher, sous le contrôle du juge de l’excès de pouvoir, si les faits reprochés au salarié sont d’une gravité suffisante pour justifier son licenciement, compte tenu de l’ensemble des règles applicables au contrat de travail de l’intéressé et des exigences propres à l’exécution normale du mandat dont il est investi ;
Considérant que, par une décision du 4 juillet 2002, le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité, a annulé la décision de l’inspecteur du travail autorisant la société Pompes Salmson à licencier pour faute Mme V., directeur du "marché industrie" de cette société et salariée protégée, en raison de son refus d’accepter le poste qui lui était proposé de directeur marketing commercial ; que, par l’arrêt attaqué du 3 avril 2007, la cour administrative d’appel de Versailles, faisant droit à la requête de l’employeur, a annulé la décision du ministre ;
Considérant que la cour a répondu à l’ensemble des moyens soulevés devant elle par Mme V. et a ainsi suffisamment motivé sa décision ;
Considérant que la cour, après avoir constaté, sans dénaturation, que la proposition de poste refusée par l’intéressée n’entraînait de modification, ni du niveau de qualification, ni du positionnement hiérarchique, ni de la rémunération de l’intéressée, a pu juger, sans commettre d’erreur de droit, que le nouvel emploi proposé ne constituait pas une modification du contrat de travail de Mme V., mais seulement un changement de ses conditions de travail ; qu’elle a pu en déduire, sans entacher sa décision d’erreur de droit, que le refus de Mme V. d’accepter un tel changement dans ses conditions de travail, décidé par l’employeur dans l’exercice de son pouvoir de direction, constituait un comportement fautif ;
Considérant qu’en jugeant que Mme V., qui soutenait que la mauvaise foi de l’employeur ne lui avait pas permis d’exercer son choix en pleine connaissance de cause, n’établissait pas qu’elle aurait accepté le poste qui lui était proposé, si elle avait été informée par son employeur du prochain départ du responsable du service au sein duquel se trouvait cet emploi, pour en déduire que le refus du nouvel emploi constituait une faute d’une gravité suffisante pour justifier le licenciement, la cour n’a ni commis d’erreur de droit, ni dénaturé les pièces du dossier ;
Considérant qu’il résulte de ce qui précède que Mme V. n’est pas fondée à demander l’annulation de l’arrêt attaqué ;
Sur les conclusions de Mme V. tendant à l’application des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative :
Considérant que ces dispositions font obstacle à ce que soit mise à la charge de la société Pompes Salmson, qui n’est pas, dans la présente instance, la partie perdante, la somme que demande Mme V. au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ;
D E C I D E :
Article 1er : Le pourvoi de Mme V. est rejeté.
Article 2 : La présente décision sera notifiée à Mme Véronique V., à la société Pompes Salmson et au ministre du travail, des relations sociales et de la solidarité.