CONSEIL D’ETAT
Statuant au contentieux
N° 307546
FEDERATION DEPARTEMENTALE DES ASSOCIATIONS AGREES DE LA PECHE ET DE PROTECTION DU MILIEU AQUATIQUE DE L’ORNE
M. Laurent Cabrera
Rapporteur
M. Emmanuel Glaser
Commissaire du gouvernement
Séance du 24 septembre 2008
Lecture du 27 octobre 2008
REPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
Le Conseil d’Etat statuant au contentieux
(Section du contentieux, 3ème et 8ème sous-sections réunies)
Sur le rapport de la 3ème sous-section de la section du contentieux.
Vu le pourvoi sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 16 juillet et 16 octobre 2007 au secrétariat du contentieux du Conseil d’Etat, présentés pour la FEDERATION DEPARTEMENTALE DES ASSOCIATIONS AGREES DE LA PECHE ET DE PROTECTION DU MILIEU AQUATIQUE DE L’ORNE ; la FEDERATION DEPARTEMENTALE DES ASSOCIATIONS AGREES DE LA PECHE ET DE PROTECTION DU MILIEU AQUATIQUE DE L’ORNE demande au Conseil d’Etat :
1°) d’annuler le décret n° 2007-978 du 15 mai 2007 relatif aux eaux closes ;
2°) de mettre à la charge de l’Etat le versement d’une somme de 3 500 euros au titre des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code de l’environnement ;
Vu le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
le rapport de M. Laurent Cabrera, Maître des Requêtes,
les observations de la SCP Célice, Blancpain, Soltner, avocat de la FEDERATION DEPARTEMENTALE DES ASSOCIATIONS AGREES DE LA PECHE ET DE PROTECTION DU MILIEU AQUATIQUE DE L’ORNE,
les conclusions de M. Emmanuel Glaser, Commissaire du gouvernement ;
Considérant que la FEDERATION DEPARTEMENTALE DES ASSOCIATIONS AGREES DE LA PECHE ET DE PROTECTION DU MILIEU AQUATIQUE DE L’ORNE demande l’annulation du décret n° 2007-978 du 15 mai 2007, en tant que, par son article 2, codifié à l’article R. 431-7 du code de l’environnement, il précise la définition des " eaux closes " ;
Considérant qu’aux termes de l’article L. 431-4 du code de l’environnement, dans sa rédaction issue de l’article 89 de la loi du 30 décembre 2006 : " Les fossés, canaux, étangs, réservoirs et autres plans d’eau dans lesquels le poisson ne peut passer naturellement sont soumis aux seules dispositions du chapitre II du présent titre. " ; qu’aux termes du IV de ce même article 89 : " Un décret en Conseil d’Etat précise : / 1° L’ensemble des critères pris en compte pour la détermination des eaux closes mentionnées à l’article L. 431-4 du code de l’environnement ; / 2° Les modalités d’application du chapitre II du titre III du livre IV du même code aux eaux mentionnées à l’article L. 431-4 du même code " ; qu’aux termes de l’article R. 431-7 du code de l’environnement, dans sa rédaction issue de l’article 2 du décret du 15 mai 2007 : " Constitue une eau close au sens de l’article L. 431-4 le fossé, canal, étang, réservoir ou autre plan d’eau dont la configuration, qu’elle résulte de la disposition des lieux ou d’un aménagement permanent de ceux-ci, fait obstacle au passage naturel du poisson, hors événement hydrologique exceptionnel. / Un dispositif d’interception du poisson ne peut, à lui seul, être regardé comme un élément de la configuration des lieux au sens de l’alinéa précédent " ;
Sur le moyen tiré de ce que le pouvoir réglementaire n’a pas épuisé la compétence qu’il tenait de l’article 89 de la loi du 30 décembre 2006 :
Considérant qu’aucune disposition ni aucun principe n’imposait au pouvoir réglementaire d’épuiser, par le décret attaqué, la compétence qu’il tenait des dispositions législatives mentionnées ci-dessus ; qu’ainsi, le moyen tiré de ce que ce décret, pris en application du seul 1° du IV de l’article 89 de la loi du 30 décembre 2006, serait entaché d’incompétence négative pour n’avoir pas prévu les dispositions d’application du 2° du IV de ce même article, ne peut qu’être écarté ;
Sur la régularité de la procédure :
Considérant que l’organisme consultatif à l’avis duquel l’administration soumet un projet de décision doit être mis à même d’exprimer son avis sur l’ensemble des questions soulevées par ce texte ; qu’ainsi, dans le cas où, après avoir recueilli son avis, l’autorité compétente pour prendre ladite décision envisage d’apporter à son projet des modifications qui posent des questions nouvelles, elle doit consulter à nouveau l’organisme ; qu’il en va toutefois autrement si les modifications sont apportées à la suite des observations faites au cours de la consultation, ou si elles ne posent pas de questions nouvelles ; qu’il ressort des pièces du dossier, que si, après la consultation du conseil national de l’eau sur le projet de décret, le terme " configuration " a été substitué aux termes " configuration naturelle " et les termes " aménagement permanent " substitués au terme " digues ", c’est à la lumière des débats qui ont eu lieu devant cette instance, qui portaient notamment sur la question de savoir en quoi la " configuration des lieux " constituait un critère pertinent pour la définition des " eaux closes " ; que, par ailleurs, et contrairement à ce qui est soutenu, les termes " configuration naturelle " ne figuraient pas dans le projet soumis ensuite au conseil supérieur de la pêche, qui mentionnait seulement la notion de " configuration " ; qu’ainsi la procédure de consultation qui a précédé l’adoption du décret attaqué n’était pas irrégulière ;
Sur la légalité interne du décret attaqué :
Considérant qu’il ressort des dispositions mentionnées ci-dessus de l’article L. 431-4 du code de l’environnement, éclairées par les travaux préparatoires de la loi du 30 décembre 2006, que le législateur, qui a défini les " eaux closes " comme celles dans lesquelles les poissons ne peuvent passer naturellement, a entendu que l’obstacle au passage du poisson ne puisse résulter que des caractéristiques physiques permanentes du fossé, canal, étang, réservoir ou autre plan d’eau, c’est-à-dire soit d’une configuration naturelle, soit d’un aménagement permanent qui transforme durablement la configuration des lieux et non d’un simple dispositif ayant pour seul objet d’empêcher temporairement le passage des poissons ; que les dispositions de l’article R. 431-7 du code de l’environnement ne méconnaissent pas ces dispositions législatives, dès lors qu’elles font de la configuration des lieux le seul critère pertinent de délimitation des eaux closes et qu’elles précisent qu’un dispositif d’interception du poisson ne saurait être regardé, en tant que tel, comme un élément de cette configuration ;
Considérant par ailleurs que les dispositions attaquées ne sauraient en tout état de cause être regardées comme méconnaissant, par elles-mêmes, les dispositions de l’article L. 211-1 du code de l’environnement, qui se bornent à définir les objectifs d’une " gestion équilibrée et durable " de l’eau ni celles de l’article L. 214-3 du même code, qui soumettent à un régime d’autorisation certains ouvrages et certains travaux ;
Considérant qu’il résulte de tout ce qui précède que la FEDERATION DEPARTEMENTALE DES ASSOCIATIONS AGREES DE LA PECHE ET DE PROTECTION DU MILIEU AQUATIQUE DE L’ORNE n’est pas fondée à demander l’annulation du décret n° 2007-978 du 15 mai 2007 relatif aux eaux closes en tant qu’il a, par son article 2, inséré un article R. 431-7 au code de l’environnement ; que, par suite, les dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de l’Etat, qui n’est pas la partie perdante dans la présente instance, le versement des sommes que la FEDERATION DEPARTEMENTALE DES ASSOCIATIONS AGREES DE LA PECHE ET DE PROTECTION DU MILIEU AQUATIQUE DE L’ORNE demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ;
D E C I D E :
Article 1er : Le pourvoi de la FEDERATION DEPARTEMENTALE DES ASSOCIATIONS AGREES DE LA PECHE ET DE PROTECTION DU MILIEU AQUATIQUE DE L’ORNE est rejeté.
Article 2 : La présente décision sera notifiée à la FEDERATION DEPARTEMENTALE DES ASSOCIATIONS AGREES DE LA PECHE ET DE PROTECTION DU MILIEU AQUATIQUE DE L’ORNE, au Premier ministre et au ministre d’Etat, ministre de l’écologie, du développement et de l’aménagement durables.