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Conseil d’Etat, 7 août 2008, n° 288408, Charles P.

Si la circonstance que soit portée à la connaissance d’un tiers une décision individuelle impliquant nécessairement qu’une autre décision l’ait précédée est de nature à faire courir, à l’égard de ce tiers, le délai de recours contentieux contre cette dernière décision alors même qu’il n’en aurait pas eu directement connaissance, ce délai se trouve toutefois prorogé dans l’hypothèse où le tiers concerné forme auprès de l’administration une demande tendant à obtenir communication de la décision en question.

CONSEIL D’ETAT

Statuant au contentieux

N° 288408

M. P.

M. Xavier Domino
Rapporteur

M. Emmanuel Glaser
Commissaire du gouvernement

Séance du 11 juillet 2008
Lecture du 7 août 2008

REPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

Le Conseil d’Etat statuant au contentieux

(Section du contentieux, 3ème et 8ème sous-sections réunies)

Sur le rapport de la 3ème sous-section de la section du contentieux

Vu le pourvoi sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés le 22 décembre 2005 et le 24 avril 2006 au secrétariat du contentieux du Conseil d’Etat, présentés pour M. Charles P. ; M. P. demande au Conseil d’Etat :

1°) d’annuler l’arrêt du 29 novembre 2005 par lequel la cour administrative d’appel de Paris a rejeté sa requête tendant à l’annulation du jugement du 7 mars 2002 du tribunal administratif de Paris en tant qu’il a rejeté sa demande tendant à l’annulation de l’arrêté du président du conseil général de la Seine-Saint-Denis du 13 novembre 1992 titularisant M. D., chef du service de l’urbanisme, des transports et de l’habitat dans le cadre d’emplois des ingénieurs territoriaux ;

2°) réglant l’affaire au fond, de faire droit à son appel ;

3°) de mettre à la charge du département de la Seine-Saint-Denis la somme de 4 000 euros au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code général des collectivités territoriales ;

Vu la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 modifiée ;

Vu la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 modifiée ;

Vu le décret n° 86-227 du 18 février 1986 ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Xavier Domino, Auditeur,

- les observations de Me Copper-Royer, avocat de M. P., de la SCP Peignot, Garreau, avocat du département de la Seine-Saint-Denis et de la SCP Lyon-Caen, Fabiani, Thiriez, avocat de M. D.,

- les conclusions de M. Emmanuel Glaser, Commissaire du gouvernement ;

Considérant qu’il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que M. D., recruté le 1er février 1976 en tant qu’agent contractuel du département de la Seine-Saint-Denis en qualité d’architecte chargé de recherche, a été titularisé dans le cadre des ingénieurs territoriaux, au cinquième échelon du grade d’ingénieur subdivisionnaire territorial, par un arrêté du 13 novembre 1992 ; que, le 4 novembre 1996, M. P., ingénieur territorial en chef, a saisi le tribunal administratif de Paris d’une demande tendant à l’annulation de l’arrêté du 20 septembre 1996 du président du conseil général de la Seine-Saint-Denis portant tableau d’avancement au grade d’ingénieur en chef de 1ère catégorie - 1ère classe pour l’année 1996 et de l’arrêté portant promotion de M. D. à ce grade ; qu’après avoir adressé au président du conseil général, le 4 décembre suivant, une demande de communication de l’arrêté du 13 novembre 1992 et en avoir obtenu une copie le 4 janvier 1997, M. P. a présenté, par un mémoire enregistré le 24 février 1997, de nouvelles conclusions tendant à l’annulation de cet arrêté ; qu’après avoir fait droit à ses conclusions tendant à l’annulation des décisions concernant l’avancement de M. D., le tribunal administratif de Paris a rejeté pour tardiveté les conclusions de M. P. tendant à l’annulation de l’arrêté titularisant M. D., au motif que la production, dans un mémoire du 18 novembre 1996, de l’arrêté du 20 septembre 1996 portant inscription de l’intéressé au tableau d’avancement, dont l’intervention impliquait nécessairement l’existence de l’arrêté du 13 novembre 1992 le titularisant, avait fait courir, à l’égard du requérant, le délai de recours à l’encontre de ce dernier acte ; que M. P. se pourvoit en cassation contre l’arrêt du 23 novembre 2005 par lequel la cour administrative d’appel de Paris a rejeté sa requête tendant à l’annulation sur ce point du jugement du 7 mars 2002 ;

Sans qu’il soit besoin d’examiner les autres moyens du pourvoi ;

Considérant que si la circonstance que soit portée à la connaissance d’un tiers une décision individuelle impliquant nécessairement qu’une autre décision l’ait précédée est de nature à faire courir, à l’égard de ce tiers, le délai de recours contentieux contre cette dernière décision alors même qu’il n’en aurait pas eu directement connaissance, ce délai se trouve toutefois prorogé dans l’hypothèse où le tiers concerné forme auprès de l’administration une demande tendant à obtenir communication de la décision en question ;

Considérant qu’il résulte de ce qui vient d’être dit ci-dessus que le délai de recours contre l’arrêté du 13 novembre 1992 titularisant M. D. a commencé à courir à l’égard de M. P. à compter de la production par ce dernier, dans un mémoire enregistré le 18 novembre 1996, du tableau d’avancement comportant le nom de M. D., dont l’édiction impliquait nécessairement que ce dernier eût été titularisé ; que toutefois, le requérant avait formé, le 4 novembre 1996, une demande de communication de l’acte en question ; qu’ainsi, le délai de recours contre cet acte n’a pu courir qu’à compter de sa réception par M. P., le 4 janvier 1997 ; que dès lors, contrairement à ce qu’a jugé la cour administrative d’appel dont l’arrêt est entaché d’erreur de droit sur ce point, les conclusions présentées par le requérant le 24 février 1997, soit moins de deux mois après qu’il eut obtenu communication de l’acte litigieux, n’étaient pas tardives ; qu’il s’ensuit que M. P. est fondé à demander l’annulation de l’arrêt qu’il attaque ;

Considérant qu’il y a lieu, dans les circonstances de l’espèce, de régler l’affaire au fond en application des dispositions de l’article L. 821-2 du code de justice administrative ;

Considérant qu’il résulte de ce qui vient d’être dit ci-dessus qu’en rejetant comme tardives les conclusions de M. P. contre l’arrêté du 13 novembre 1992 titularisant M. D., le tribunal administratif a commis une erreur de droit ; que M. P. est donc fondé à demander l’annulation du jugement du 7 mars 2002 en tant qu’il concerne l’arrêté du 13 novembre 1992 ;

Considérant qu’il y a lieu d’évoquer et de statuer immédiatement sur les conclusions présentées par M. P. contre l’arrêté du 13 novembre 1992 titularisant M. D. ;

Sur la fin de non recevoir opposée par le département :

Considérant que les agents appartenant à une administration publique ont qualité pour déférer à la juridiction administrative les nominations illégales faites dans cette administration, lorsque ces nominations sont de nature à leur porter préjudice en retardant irrégulièrement leur avancement ou en leur donnant pour cet avancement des concurrents qui ne satisfont pas aux conditions exigées par les lois ou règlements ; que M. P., ingénieur territorial en chef, soutient sans être utilement contredit que la titularisation de M. D. au grade d’ingénieur subdivisionnaire est susceptible de faire de ce dernier un concurrent pour son avancement ; qu’il doit ainsi être regardé comme justifiant d’un intérêt suffisant lui donnant qualité pour agir ;

Sans qu’il soit besoin d’examiner les autres moyens de la requête :

Considérant qu’aux termes de l’article 1er du décret du 18 février 1996 : " Les agents non titulaires des [.] départements, [.], qui occupent un des emplois définis à l’article 3 de la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 et qui remplissent les conditions énumérées respectivement aux articles 126 et 127 de la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984, ont vocation à être titularisés sur leur demande dans des corps ou dans des emplois classés en catégorie A ou B déterminés en application de l’article 129 de la loi du 26 janvier 1984 précitée, dans les conditions fixées au tableau de correspondance annexé au présent décret. [.] " ; qu’aux termes de l’article 2 du même décret, " [.] La titularisation est subordonnée : /1° Pour les agents dont l’ancienneté est supérieure à dix ans dont cinq ans au moins dans des fonctions d’un niveau équivalent à celui des fonctions exercées par les membres du corps ou de l’emploi d’accueil, à l’inscription sur une liste d’aptitude[.] " ; qu’aux termes de l’article 3 du même décret : " La liste d’aptitude mentionnée au 1° du deuxième alinéa de l’article 2 est établie par l’autorité territoriale en fonction de la valeur professionnelle des candidats après avis de la commission administrative paritaire compétente complétée dans les conditions prévues au cinquième alinéa de l’article 128 de la loi du 26 janvier 1984 précitée. " ;

Considérant qu’il résulte de ces dispositions que la titularisation, sur le fondement du décret du 18 février 1996, des agents non contractuels dont l’ancienneté est supérieure à dix ans, ne peut intervenir qu’après inscription sur une liste d’aptitude établie par l’autorité territoriale ; que M. P. soutient que la titularisation de M. D. n’a pas été précédée de l’établissement d’une telle liste ; qu’il ne ressort pas des pièces du dossier, et notamment pas de l’avis de la commission administrative paritaire du 3 novembre 1992 ayant donné un avis favorable à la titularisation de l’intéressé, lequel ne saurait tenir lieu de liste d’aptitude, qu’un tel document ait été établi par l’autorité territoriale préalablement à l’adoption de l’arrêté du 13 novembre 1992 titularisant M. D. ; que dès lors, M. P. est fondé à demander l’annulation de l’arrêté qu’il attaque ;

Sur les conclusions tendant à l’application de l’article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant que les dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de M. P., qui n’est pas la partie perdante dans la présente instance, les sommes que le département de la Seine-Saint-Denis et M. D. réclament au titre des frais exposés par eux et non compris dans les dépens ; que dans les circonstances de l’espèce, il n’y a pas lieu de faire droit aux conclusions que présente M. P. au même titre ;

D E C I D E :

Article 1er : L’arrêt du 29 novembre 2005 de la cour administrative d’appel de Paris et le jugement du 7 mars 2002 du tribunal administratif de Paris sont annulés en tant qu’ils concernent les conclusions de M. P. concernant l’arrêté du 13 novembre 1992 titularisant M. D..

Article 2 : L’arrêté du président du conseil général de la Seine-Saint-Denis du 13 novembre 1992 titularisant M. D. dans le cadre d’emplois des ingénieurs territoriaux est annulé.

Article 3 : Les conclusions présentées par M. P., par le département de la Seine-Saint-Denis et par M. D. au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 4 : La présente décision sera notifiée à M. Charles P., au département de la Seine-Saint-Denis et à M. Jean-Marie D..

 


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