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Conseil d’Etat, 17 avril 2008, n° 292714, Ministre de l’économie, des finances et de l’industrie c/ M. H.

Si, eu égard aux garanties dont le livre des procédures fiscales entoure la mise en œuvre de la procédure de vérification de comptabilité, l’administration est tenue, lorsque, faisant usage de son droit de communication, elle consulte au cours d’une vérification des pièces comptables saisies par l’autorité judiciaire, de soumettre ces pièces à un débat oral et contradictoire avec le contribuable, il n’en est pas de même lorsque lui sont communiqués des documents ne présentant pas le caractère de pièces comptables de l’entreprise vérifiée. Il en résulte, notamment, que l’administration n’est pas tenue de soumettre les factures établies par des fournisseurs de l’entreprise vérifiée, obtenues par l’exercice de son droit de communication, à un débat oral et contradictoire avec le contribuable, la circonstance que ces factures, établies à de faux noms, sont relatives à une activité occulte de ce contribuable non retracée dans sa comptabilité n’étant pas de nature à les faire regarder comme des pièces comptables de l’entreprise vérifiée.

CONSEIL D’ETAT

Statuant au contentieux

N° 292714

MINISTRE DE L’ECONOMIE, DES FINANCES ET DE L’INDUSTRIE
c/ M. H.

Mme Claire Legras
Rapporteur

M. Laurent Vallée
Commissaire du gouvernement

Séance du 30 janvier 2008
Lecture du 17 avril 2008

REPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

Le Conseil d’Etat statuant au contentieux

(Section du contentieux, 9ème et 10ème sous-sections réunies)

Sur le rapport de la 9ème sous-section de la Section du contentieux

Vu le recours du MINISTRE DE L’ECONOMIE, DES FINANCES ET DE L’INDUSTRIE, enregistré le 21 avril 2006 au secrétariat du contentieux du Conseil d’Etat ; le MINISTRE DE L’ECONOMIE, DES FINANCES ET DE L’INDUSTRIE demande au Conseil d’Etat d’annuler l’arrêt du 1er février 2006 par lequel la cour administrative d’appel de Nantes a, réformant le jugement du jugement du tribunal administratif d’Orléans du 18 décembre 2001, déchargé M. H. de la cotisation supplémentaire d’impôt sur le revenu et des rappels de taxe sur la valeur ajoutée auxquels il a été assujetti au titre de l’année 1990 et rejeté le surplus des conclusions de sa requête ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de Mme Claire Legras, Maître des Requêtes,

- les observations de la SCP Boré et Salve de Bruneton, avocat de M. H.,

- les conclusions de M. Laurent Vallée, Commissaire du gouvernement

Considérant qu’il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que des factures émises par la société Kiriel Diffusion ont été communiquées à l’administration fiscale, en application de l’article L. 101 du livre des procédures fiscales, par le procureur de la République près le tribunal de grande instance d’Evry le 16 décembre 1993, alors qu’une vérification de comptabilité de l’entreprise de M. H., qui exerce une activité de vente ambulante de divers articles et notamment de matériel de cuisine, était en cours depuis le 10 décembre 1993 ; que l’administration a regardé ces factures émises au nom de tiers comme des factures de vente par la société Kiriel Diffusion à ses clients revendeurs, dont l’entreprise de M. H. ; qu’ayant estimé que la comptabilité de cette entreprise n’était pas probante, l’administration a procédé à une reconstitution de recettes, en se fondant notamment sur les factures émises par la société Kiriel Diffusion qu’elle a estimé devoir rattacher à l’activité de M. H. pour prendre en compte les ventes résultant d’achats dissimulés ; qu’il est constant que l’administration n’a pas soumis ces pièces à un débat oral et contradictoire avant la notification de redressement du 22 décembre 1993 qu’elle a adressée à M. H. au titre de l’année 1990 ; qu’ultérieurement, des redressements afférents aux années 1991 et 1992 ont également été notifiés au requérant ; que, par un jugement du 18 décembre 2001, le tribunal administratif d’Orléans a rejeté la requête formée par M. H. contre les cotisations supplémentaires d’impôt sur le revenu et les rappels de taxe sur la valeur ajoutée mis à sa charge pour les années 1990 à 1992 ; que, par un arrêt du 1er février 2006, la cour administrative d’appel de Nantes a déchargé M. H. des impositions supplémentaires mises à sa charge au titre de l’année 1990 et a rejeté le surplus de ses conclusions ; que le MINISTRE DE L’ECONOMIE, DES FINANCES ET DE L’INDUSTRIE se pourvoit en cassation contre cet arrêt en tant qu’il a prononcé cette décharge ;

Considérant que, pour estimer qu’il y avait lieu d’accorder à M. H. la décharge des impositions supplémentaires qui lui avaient été assignées au titre de l’année 1990, la cour a estimé que la procédure d’imposition afférente à cette année était entachée d’irrégularité au motif que les factures saisies au siège de la société Kiriel Distribution ne pouvaient qu’être regardées comme des documents comptables de l’entreprise de M. H., sans que puisse y faire obstacle le caractère occulte des opérations concernées, et qu’elles auraient ainsi dû être soumises à un débat oral et contradictoire avec le contribuable avant l’achèvement de la vérification de comptabilité ;

Considérant que si, eu égard aux garanties dont le livre des procédures fiscales entoure la mise en œuvre de la procédure de vérification de comptabilité, l’administration est tenue, lorsque, faisant usage de son droit de communication, elle consulte au cours d’une vérification des pièces comptables saisies par l’autorité judiciaire, de soumettre ces pièces à un débat oral et contradictoire avec le contribuable, il n’en est pas de même lorsque lui sont communiqués des documents ne présentant pas le caractère de pièces comptables de l’entreprise vérifiée ; qu’il en résulte, notamment, que l’administration n’est pas tenue de soumettre les factures établies par des fournisseurs de l’entreprise vérifiée, obtenues par l’exercice de son droit de communication, à un débat oral et contradictoire avec le contribuable, la circonstance que ces factures, établies à de faux noms, sont relatives à une activité occulte de ce contribuable non retracée dans sa comptabilité n’étant pas de nature à les faire regarder comme des pièces comptables de l’entreprise vérifiée ; qu’il suit de là que le ministre est fondé à soutenir que la cour a entaché son arrêt d’une erreur de droit ;

Considérant qu’il résulte de ce qui précède que le MINISTRE DE L’ECONOMIE, DES FINANCES ET DE L’INDUSTRIE est fondé à demander l’annulation de l’arrêt attaqué en tant qu’il a déchargé M. H. des impositions supplémentaires mises à sa charge au titre de l’année 1990 ; qu’en application de l’article L. 821-2 du code de justice administrative, il y a lieu de régler l’affaire au fond dans cette mesure ;

Considérant, en premier lieu, qu’ainsi qu’il a été dit plus haut, l’administration pouvait se fonder, dans la notification de redressement du 22 décembre 2003, sur les factures saisies au siège du fournisseur de l’entreprise de M. H. sans soumettre au préalable leur examen à un débat oral et contradictoire avec le contribuable ;

Considérant, en deuxième lieu, que dans cette notification, l’administration, qui a fait connaître au contribuable la nature et les motifs du redressement, a précisément indiqué la teneur des renseignements obtenus chez des tiers sur lesquels elle se fondait et fait référence à la procédure judiciaire établissant les faits de fraude et notamment l’usage de factures à de faux noms enregistrées sous le numéro de compte du client réel et présentées dans le compte général des ventes comme des ventes aux particuliers ; que ces éléments expliquent suffisamment les raisons pour lesquelles les deux factures établies au nom des établissements Boutin ont été regardées comme concernant l’entreprise de M. H. ; qu’il suit de là que M. H. n’est pas fondé à soutenir que cette notification serait insuffisamment motivée ;

Considérant, en troisième lieu, que si M. H. estime le rejet de sa comptabilité abusif, dès lors, notamment, que les constatations effectuées au siège de son fournisseur n’étaient pas corroborées par des constatations propres à son entreprise, il résulte de l’instruction que le contribuable enregistrait globalement en comptabilité ses recettes journalières sans que fussent conservés des documents accessoires de nature à justifier le détail de ses recettes ; que cette constatation suffisait à priver la comptabilité de son entreprise de son caractère probant ;

Considérant qu’il résulte de tout ce qui précède que M. H. n’est pas fondé à demander l’annulation du jugement du tribunal administratif d’Orléans du 18 décembre 2001 en tant qu’il a rejeté ses conclusions tendant à la décharge des impositions supplémentaires mises à sa charge au titre de l’année 1990 ;

Sur les conclusions présentées par M. H. devant le Conseil d’Etat tendant à l’application des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant que ces dispositions font obstacle à ce que soit mise à la charge de l’Etat qui n’est pas, dans la présente instance, la partie perdante, la somme que M. H. demande au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens ;

D E C I D E :

Article 1er : L’arrêt de la cour administrative d’appel de Nantes du 1er février 2006 est annulé en tant qu’il a déchargé M. H. des impositions supplémentaires à l’impôt sur le revenu et des rappels de taxe sur la valeur ajoutée mis à sa charge au titre de l’année 1990.

Article 2 : Les impositions supplémentaires à l’impôt sur le revenu et les rappels de taxe sur la valeur ajoutée auxquels M. H. a été assujetti au titre de l’année 1990 sont remis à sa charge.

Article 3 : Les conclusions de M. H. tendant à l’application de l’article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 4 : La présente décision sera notifiée au MINISTRE DU BUDGET, DES COMPTES PUBLICS ET DE LA FONCTION PUBLIQUE et à M. Luc H..

 


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