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Conseil d’Etat, Section, 14 mars 2008, n° 290591, Me Jacques M.

Les droits et actions du débiteur qu’elles visent incluent ceux qui se rapportent, le cas échéant, aux dettes fiscales de celui-ci, et, par suite, aux actes de la procédure d’imposition le concernant, tels que les notifications de redressements, qui sont susceptibles d’avoir une incidence sur son patrimoine. Il en va de même dans le cas de la liquidation judiciaire d’une personne physique exerçant une activité commerciale, artisanale, agricole ou libérale, auquel ces dispositions sont également applicables. Dès lors, c’est au liquidateur judiciaire que doit être adressée la notification des redressements envisagés par l’administration des bases d’imposition d’un contribuable qui se trouve dans ce cas.

CONSEIL D’ETAT

Statuant au contentieux

N° 290591

Me M.

M. Patrick Quinqueton
Rapporteur

Mme Nathalie Escaut
Commissaire du gouvernement

Séance du 29 février 2008
Lecture du 14 mars 2008

REPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

Le Conseil d’Etat statuant au contentieux

(Section du contentieux)

Sur le rapport de la 8ème sous-section de la Section du contentieux

Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 23 février et 23 juin 2006 au secrétariat du contentieux du Conseil d’Etat, présentés pour Me Jacques M. ; Me M., en sa qualité de liquidateur de M. D. S., demande au Conseil d’Etat :

1°) d’annuler l’arrêt du 15 décembre 2005 de la cour administrative d’appel de Paris en tant qu’il a rejeté sa requête tendant à l’annulation du jugement du 11 février 2002 du tribunal administratif de Paris en tant qu’il a rejeté la demande de M. et Mme D. S. tendant à la décharge de la cotisation supplémentaire d’impôt sur le revenu à laquelle ils ont été assujettis au titre de l’année 1988 ;

2°) statuant au fond, d’annuler ce jugement et de décharger M. et Mme D. S. de cette imposition ;

3°) de mettre à la charge de l’Etat la somme de 3 000 euros au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code de commerce ;

Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

Vu la loi n° 85-98 du 25 janvier 1985 ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Patrick Quinqueton, Maître des Requêtes,

- les observations de la SCP Bachellier, Potier de la Varde, avocat Me M.,

- les conclusions de Mme Nathalie Escaut, Commissaire du gouvernement ;

Considérant qu’il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond qu’à la suite d’une vérification de comptabilité de la SARL Sabema, dont M. et Mme D. S. étaient les gérants, l’administration a adressé à ceux-ci une notification de redressement qu’ils ont reçue le 31 décembre 1991 ; qu’un jugement du tribunal de commerce de Bobigny en date du 3 décembre 1991 a placé M. D. S. en liquidation judiciaire pour une entreprise exploitée à titre individuel et désigné Me M. comme mandataire-liquidateur ; que par un jugement en date du 11 février 2002, le tribunal administratif de Paris, saisi par M. et Mme D. S. à la suite du rejet de leurs réclamations par l’administration, a rejeté les conclusions de leur requête tendant à la décharge de la cotisation supplémentaire d’impôt sur le revenu afférente à l’année 1988 ; que, par un arrêt en date du 15 décembre 2005, la cour administrative d’appel de Paris a rejeté l’appel formé contre ce jugement, en sa qualité de liquidateur, par Me M., qui se pourvoit en cassation contre cet arrêt ;

Considérant qu’aux termes de l’article L. 57 du livre des procédures fiscales : "L’administration adresse au contribuable une notification de redressement qui doit être motivée de manière à lui permettre de formuler ses observations. - Lorsque l’administration rejette les observations du contribuable, sa réponse doit également être motivée." ; qu’aux termes de l’article 152 de la loi du 25 janvier 1985, dont les dispositions sont désormais reprises à l’article L. 641-9 du code de commerce : "Le jugement qui ouvre ou prononce la liquidation judiciaire emporte de plein droit, à partir de sa date, dessaisissement pour le débiteur de l’administration et de la disposition de ses biens même de ceux qu’il a acquis à quelque titre que ce soit tant que la liquidation judiciaire n’est pas clôturée. Les droits et actions du débiteur concernant son patrimoine sont exercés pendant toute la durée de la liquidation judiciaire par le liquidateur." ; qu’il résulte de ces dispositions que les droits et actions du débiteur qu’elles visent incluent ceux qui se rapportent, le cas échéant, aux dettes fiscales de celui-ci, et, par suite, aux actes de la procédure d’imposition le concernant, tels que les notifications de redressements, qui sont susceptibles d’avoir une incidence sur son patrimoine ; qu’il en va de même dans le cas de la liquidation judiciaire d’une personne physique exerçant une activité commerciale, artisanale, agricole ou libérale, auquel ces dispositions sont également applicables ; que, dès lors, c’est au liquidateur judiciaire que doit être adressée la notification des redressements envisagés par l’administration des bases d’imposition d’un contribuable qui se trouve dans ce cas ; que, par suite, en jugeant que l’administration avait pu valablement adresser aux seuls contribuables, M. et Mme D. S., la notification de redressement reçue par eux le 31 décembre 1991, au motif que la liquidation judiciaire ne portait que sur l’entreprise individuelle exploitée par M. D. S. et que l’obligation qui était faite à celui-ci par l’article 170 du code général des impôts de produire une déclaration de revenu globale échappait aux prévisions de l’article 152 de la loi du 25 janvier 1985, la cour administrative d’appel de Paris a entaché son arrêt d’une erreur de droit ; qu’ainsi, Me M. est fondé à demander l’annulation de l’arrêt attaqué en tant qu’il rejette sa requête tendant à l’annulation du jugement du tribunal administratif de Paris en tant qu’il a rejeté la demande de M. et Mme D. S. tendant à la décharge de la cotisation supplémentaire d’impôt sur le revenu à laquelle ils ont été assujettis au titre de l’année 1988 ;

Considérant qu’il y a lieu, dans les circonstances de l’espèce, en application de l’article L. 821-2 du code de justice administrative, de régler l’affaire au fond ;

Considérant que la notification de redressements doit, ainsi qu’il a été dit, être adressée au liquidateur du contribuable mis en liquidation judiciaire et ainsi dessaisi de l’administration de ses biens dès le prononcé du jugement ; que, par suite, si jusqu’à la date à laquelle l’administration a été informée de cette liquidation judiciaire, et au plus tard à la date de publication de ce jugement au Bulletin officiel des annonces civiles et commerciales, la notification faite non au liquidateur mais au seul contribuable a pour effet d’interrompre, en application de l’article L. 189 du livre des procédures fiscales, la prescription prévue aux articles L. 169 et suivants de ce livre, elle ne saurait être regardée comme régulière au regard des dispositions précitées de l’article L. 57 du même livre ; qu’il résulte de l’instruction que le jugement prononçant la liquidation judiciaire de M. D. S. a été rendu le 3 décembre 1991 ; que, par suite, Me M. est fondé à soutenir qu’en adressant postérieurement à cette date la notification des redressements des bases de leur impôt sur le revenu à M. et Mme D. S. qui l’ont reçue le 31 décembre 1991, l’administration, qui n’a pas procédé à une nouvelle notification à Me M. après qu’elle a été informée de la liquidation judicaire, a suivi une procédure irrégulière, et que c’est, par suite, à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif a rejeté la demande en décharge de l’imposition litigieuse ;

Sur les conclusions présentées en application des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant qu’il y a lieu, dans les circonstances de l’espèce, de faire application des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative et de mettre à la charge de l’Etat le versement à Me M. de la somme de 3 000 euros qu’il demande au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens ;

D E C I D E :

Article 1er : L’arrêt de la cour administrative d’appel de Paris en date du 15 décembre 2005 est annulé en tant qu’il rejette les conclusions de Me M. relatives à la cotisation supplémentaire d’impôt sur le revenu à laquelle M. et Mme D. S. ont été assujettis au titre de l’année 1988.

Article 2 : M. et Mme D. S. sont déchargés de la cotisation supplémentaire d’impôt sur le revenu à laquelle ils ont été assujettis au titre de l’année 1988.

Article 3 : Le jugement du tribunal administratif de Paris en date du 11 février 2002 est réformé en ce qu’il a de contraire à la présente décision.

Article 4 : L’Etat versera à Me M. une somme de 3 000 euros en application des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 5 : La présente décision sera notifiée à Me Jacques M., à M. et Mme D. S. et au ministre du budget, des comptes publics et de la fonction publique.

 


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