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Conseil d’Etat, 20 février 2008, n° 289850, Charles G.

Pour délivrer une attestation de la qualité de rapatrié en vue de l’application des dispositions du a) de l’article 1er de la loi du 4 décembre 1985, l’administration exerce un pouvoir d’appréciation tant sur les conditions du départ du territoire où était établi le demandeur que sur le caractère durable de son installation en France. Eu égard au pouvoir d’appréciation dont dispose ainsi l’autorité administrative, la décision par laquelle l’Agence nationale pour l’indemnisation des Français d’outre-mer délivre cette attestation de la qualité de rapatrié présente le caractère d’un acte créateur de droits. Sous réserve de dispositions législatives ou réglementaires contraires, et hors le cas où il est satisfait à une demande du bénéficiaire, l’administration ne peut retirer une telle décision, si elle est illégale, que dans le délai de quatre mois suivant cette prise de décision.

CONSEIL D’ETAT

Statuant au contentieux

N° 289850

M. G.

M. Edouard Geffray
Rapporteur

Mlle Célia Vérot
Commissaire du gouvernement

Séance du 21 janvier 2008
Lecture du 20 février 2008

REPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

Le Conseil d’Etat statuant au contentieux

(Section du contentieux, 10ème et 9ème sous-sections réunies)

Sur le rapport de la 10ème sous-section de la section du contentieux

Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 3 février et 1er juin 2006 au secrétariat du contentieux du Conseil d’Etat, présentés pour M. Charles G. ; M. G. demande au Conseil d’Etat :

1°) d’annuler l’arrêt du 18 novembre 2005 par lequel la cour administrative d’appel de Marseille, faisant droit à la requête de l’Agence nationale pour l’indemnisation des Français d’outre-mer, a d’une part, annulé le jugement du 29 avril 2003 par lequel le tribunal administratif de Marseille a annulé la décision du 8 avril 1999 du directeur général de cette agence retirant à l’intéressé l’attestation de la qualité de rapatrié d’Algérie pour l’application des dispositions du a) de l’article 1er de la loi du 4 décembre 1985 qui lui avait été délivrée le 22 avril 1988, d’autre part, rejeté la demande du requérant présentée devant le tribunal administratif ;

2°) réglant l’affaire au fond, de rejeter la requête présentée en appel par l’Agence nationale pour l’indemnisation des Français d’outre-mer ;

3°) de mettre à la charge de l’Agence nationale pour l’indemnisation des Français d’outre-mer la somme de 3 000 euros en application des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la loi n° 61-1439 du 26 décembre 1961 modifiée relative à l’accueil et à la réinstallation des Français d’outre-mer ;

Vu la loi n° 85-1274 du 4 décembre 1985 modifiée portant amélioration des retraites des rapatriés ;

Vu le décret n° 86-350 du 12 mars 1986 pris pour l’application de la loi n° 85-1274 du 4 décembre 1985 portant amélioration des retraites des rapatriés ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Edouard Geffray, Auditeur,

- les observations de Me Balat, avocat de M. Charles G. et de Me Ancel, avocat de l’Agence nationale pour l’indemnisation des Français d’outre-mer (ANIFOM),

- les conclusions de Mlle Célia Vérot, Commissaire du gouvernement ;

Considérant qu’il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que, par une lettre en date du 8 mars 1988, M. G. a sollicité la délivrance d’une attestation lui reconnaissant la qualité de rapatrié pour l’application des dispositions du a) de l’article 1er de la loi du 4 décembre 1985 ouvrant droit au bénéfice du dispositif d’aide de l’Etat pour le rachat de cotisations de retraite prévu par l’article 2 de ladite loi ; que, le 22 avril 1988, le directeur général de l’Agence nationale pour l’indemnisation des Français d’outre-mer (ANIFOM) a délivré l’attestation sollicitée ; que, toutefois, à la suite de la communication d’informations relatives à la situation de l’intéressé par la Caisse régionale d’assurance maladie du sud-est, le directeur général de l’ANIFOM a, par une décision du 8 avril 1999, retiré cette décision du 22 avril 1988 ; que, saisi d’une demande de M. G., le tribunal administratif de Nice a, par un jugement en date du 29 avril 2003, annulé la décision du 8 avril 1999 ayant ainsi retiré à M. G. l’attestation de la qualité de rapatrié initialement délivrée ; que M. G. demande l’annulation de l’arrêt du 18 novembre 2005 par lequel la cour administrative d’appel de Marseille a annulé ce jugement et rejeté les conclusions de l’intéressé tendant à l’annulation de la décision de retrait du 8 avril 1999 ;

Considérant que ne peuvent revendiquer la qualité de rapatrié, qui donne lieu à la délivrance d’une attestation par l’Agence nationale pour l’indemnisation des Français d’outre-mer, que les personnes qui remplissent la double condition posée par l’article 1er de la loi du 26 décembre 1961, qui dispose : " Les Français ayant dû ou estimé devoir quitter, par suite d’évènements politiques, un territoire où ils étaient établis et qui était antérieurement placé sous la souveraineté, le protectorat ou la tutelle de la France pourront bénéficier du concours de l’Etat, en vertu de la solidarité nationale affirmée par le préambule de la Constitution de 1946 dans les conditions de la présente loi. / Ce concours se manifeste par un ensemble de mesures de nature à intégrer les Français rapatriés dans les structures économiques et sociales de la nation " ; qu’ainsi, n’entrent dans le champ d’application de la loi du 26 décembre 1961 et n’ont, en conséquence, droit à une attestation de rapatriement établie par l’ANIFOM que les personnes qui, d’une part, ont dû ou estimé devoir quitter, par suite d’évènements politiques, un territoire où elles étaient établies et qui était antérieurement placé sous la souveraineté, le protectorat ou la tutelle de la France, et, d’autre part, se sont installées de manière durable en France, à l’exclusion de celles qui ont cherché à s’établir à l’étranger ;

Considérant qu’il résulte de ce qui précède que, pour délivrer une attestation de la qualité de rapatrié en vue de l’application des dispositions du a) de l’article 1er de la loi du 4 décembre 1985, l’administration exerce un pouvoir d’appréciation tant sur les conditions du départ du territoire où était établi le demandeur que sur le caractère durable de son installation en France ; qu’eu égard au pouvoir d’appréciation dont dispose ainsi l’autorité administrative, la décision par laquelle l’Agence nationale pour l’indemnisation des Français d’outre-mer délivre cette attestation de la qualité de rapatrié présente le caractère d’un acte créateur de droits ; que, sous réserve de dispositions législatives ou réglementaires contraires, et hors le cas où il est satisfait à une demande du bénéficiaire, l’administration ne peut retirer une telle décision, si elle est illégale, que dans le délai de quatre mois suivant cette prise de décision ; qu’ainsi, en considérant que la décision par laquelle l’Agence nationale pour l’indemnisation des Français d’outre-mer délivre cette attestation ne constituait pas un acte créateur de droits et pouvait dès lors être retirée à tout moment, la cour administrative d’appel de Marseille a commis une erreur de droit ; que M. G. est par suite fondé à demander, pour ce motif, l’annulation de l’arrêt attaqué ;

Considérant que, dans les circonstances de l’espèce, il y a lieu, en application de l’article L. 821-2 du code de justice administrative, de régler l’affaire au fond ;

Sans qu’il soit besoin d’examiner l’autre moyen de la requête ;

Considérant qu’il ne ressort pas des pièces du dossier que l’attestation de la qualité de rapatrié pour l’application des dispositions du a) de l’article 1er de la loi du 4 décembre 1985 délivrée à M. G. le 22 avril 1988, dont le retrait est intervenu plus de quatre mois après cette date, ait été obtenue par fraude ; que, par suite, quand bien même cette attestation aurait été délivrée illégalement, elle ne pouvait légalement être retirée après l’expiration de ce délai de quatre mois ;

Considérant que l’Agence nationale pour l’indemnisation des Français d’outre-mer n’est dès lors pas fondée à soutenir que c’est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nice a annulé la décision du 8 avril 1999 retirant celle du 22 avril 1988 ;

Sur les conclusions tendant à l’application des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant que ces dispositions font obstacle à ce que soit mis à la charge de M. G., qui n’est pas, dans la présente instance, la partie perdante, le versement de la somme que demande l’Agence nationale pour l’indemnisation des Français d’outre-mer au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ; qu’il y a lieu, dans les circonstances de l’espèce, de faire application de ces dispositions et de mettre à la charge de l’Agence nationale pour l’indemnisation des Français d’outre-mer le versement d’une somme de 3 000 euros au titre des frais exposés par M. G. et non compris dans les dépens ;

D E C I D E :

Article 1er : L’arrêt de la cour administrative d’appel de Marseille en date du 18 novembre 2005 est annulé.

Article 2 : La requête présentée par l’Agence nationale pour l’indemnisation des Français d’outre-mer devant la cour administrative d’appel de Marseille et ses conclusions présentées au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative devant le Conseil d’Etat sont rejetées.

Article 3 : L’Agence nationale pour l’indemnisation des Français d’outre-mer versera à M. G. une somme de 3 000 euros au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : La présente décision sera notifiée à M. Charles G. et à l’Agence nationale pour l’indemnisation des Français d’outre-mer. Copie en sera adressée pour information au Premier ministre (Mission interministérielle aux rapatriés).

 


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