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Conseil d’Etat, 27 juillet 2001, n° 229566, Compagnie Générale des Eaux

En l’absence d’intervention de l’arrêté ministériel mentionné à l’article 380 du code des marchés publics, les règles nationales applicables à la procédure de passation du marché de services envisagé ne permettaient pas d’assurer une publicité de l’avis d’appel public à la concurrence pour ce marché dans des conditions compatibles avec les objectifs de la directive du 18 juin 1992 modifiée.

CONSEIL D’ETAT

Statuant au contentieux

N° 229566

COMPAGNIE GENERALE DES EAUX

M. Lenica, Rapporteur

M. Piveteau, Commissaire du gouvernement

Séance du 9 juillet 2001

Lecture du 27 juillet 2001

REPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

Le Conseil d’Etat statuant au contentieux

Vu la requête enregistrée le 25 janvier 2001 au secrétariat du contentieux du Conseil d’Etat, présentée pour la COMPAGNIE GENERALE DES EAUX, dont le siège est 52, rue d’Anjou à Paris Cedex 08 (75384), agissant par ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège ; la COMPAGNIE GENERALE DES EAUX demande au Conseil d’Etat ;

1°) d’annuler l’article 2 du jugement du 9 janvier 2001 par lequel le tribunal administratif de Caen, statuant en application de l’article L. 551-1 du code de justice administrative a rejeté sa demande tendant à l’annulation de la procédure organisée pour l’attribution d’un marché de prestations de services relatif à l’exploitation de la future station d’épuration du district du grand Caen ;

2°) d’annuler la procédure litigieuse ;

3°) d’ordonner au district du grand Caen de reprendre la procédure dans des conditions régulières ;

4°) de condamner le district du grand Caen à lui verser la somme de 20 000 F au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la directive n° 92/50/CEE du Conseil portant coordination des procédures de passation des marchés publics de services, ensemble la directive n° 97/52/CE du Parlement Européen et du Conseil du 13 octobre 1997 qui l’a modifiée ;

Vu le code des marchés publics ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Lenica, Auditeur ;

- les observations de la SCP Vier, Barthélemy, avocat de la COMPAGNIE GENERALE DES EAUX, de la SCP Richard, Mandelkern, avocat de la société District du grand Caen et de la SCP Coutard, Mayer, avocat de la société Saur France) ;

- les conclusions de M. Piveteau, Commissaire du gouvernement ;

Considérant qu’aux termes de l’article 17-1 de la directive n° 92/50/CEE du 18 juin 1992 modifiée portant coordination des procédures de passation des marchés publics de service : "Les avis sont établis conformément aux modèles qui figurent aux annexes III et IV et précisent les renseignements qui y sont demandés (.. )" ; que l’annexe III relative au modèle d’avis de marché de services, dans sa rédaction résultant de l’annexe II à la directive n° 97/52/CE du 13 octobre 1997, modifiant notamment la directive du 18 juin 1992, fait notamment figurer, parmi les mentions que doivent comporter les avis, des informations relatives à la ou aux langues dans lesquelles peuvent être présentées les offres, aux personnes autorisées à assister à l’ouverture de ces offres ainsi que les date, heure et lieu de cette ouverture, et aux modalités essentielles de financement et de paiement du marché envisagé ; que l’article 380 du code des marchés publics, qui transpose en droit interne le principe de cette obligation de publicité pour les marchés dont le montant est supérieur au seuil communautaire, dispose que : "Les avis d’appel public à la concurrence (.. ) sont publiés au Journal officiel des communautés européennes sans préjudice de la publication des avis d’appel public à la concurrence dans les conditions prévues à l’article 38. / (.. ) Les avis mentionnés au présent article doivent être conformes à des modèles fixés par arrêté du ministre chargé de l’économie et des finances" ; qu’un tel arrêté n’a toutefois pas été pris pour les marchés de services ;

Considérant qu’invoquant les dispositions de l’article L. 551-1 du code de justice administrative, la COMPAGNIE GENERALE DES EAUX a demandé au juge des référés du tribunal administratif de Caen d’annuler la procédure de passation du marché de services relatif à l’exploitation d’une station d’épuration que le district du grand Caen prévoit d’attribuer à la société SAUR ; que, par un jugement du 9 janvier 2001, le tribunal administratif de Caen a rejeté cette demande ; que la COMPAGNIE GENERALE DES EAUX demande l’annulation de ce jugement ;

Sans qu’il soit besoin d’examiner les autres moyens de la requête

Considérant qu’en l’absence d’intervention de l’arrêté ministériel mentionné à l’article 380 du code des marchés publics, les règles nationales applicables à la procédure de passation du marché de services envisagé ne permettaient pas d’assurer une publicité de l’avis d’appel public à la concurrence pour ce marché dans des conditions compatibles avec les objectifs de la directive du 18 juin 1992 modifiée ; qu’ainsi, le juge du référé précontractuel n’a pas commis d’erreur de droit en estimant que le district du grand Caen était tenu, ainsi qu’il l’a fait, d’assurer, nonobstant l’absence de mesures nationales sur ce point, une publicité de ses intentions compatible avec les objectifs de cette directive, et notamment avec les prescriptions de son annexe III ;

Considérant qu’il ressort des pièces du dossier soumis au juge du référé précontractuel que l’avis d’appel public à la concurrence publié au Journal officiel des communautés européennes par le district du grand Caen ne comportait aucune précision relative aux langues dans lesquelles peuvent être présentées les offres, aux personnes autorisées à assister à l’ouverture de ces offres ainsi qu’aux date, heure et lieu de cette ouverture, et aux modalités essentielles de paiement du marché envisagé ; qu’en l’absence en droit français d’obligations imposant le caractère public de la séance d’ouverture des plis, l’absence dans l’avis d’appel public à la concurrence de précisions relatives aux personnes autorisées à assister à l’ouverture des offres ainsi qu’aux date, heure et lieu de cette ouverture n’a entaché la procédure d’aucun manquement aux obligations de publicité et de mise en concurrence découlant des exigences communautaires ; qu’en revanche, l’absence dans cet avis d’indication sur la ou les langues dans lesquelles l’offre pouvait être rédigée et de renseignements, même succincts, sur les modalités de financement et de paiement envisagées pour le marché n’a pas permis d’assurer une publicité compatible avec les objectifs de la directive n° 92/50/CEE modifiée du 18 juin 1992 ; qu’ainsi, la COMPAGNIE GENERALE DES EAUX est fondée à soutenir que le juge du référé précontractuel a commis une erreur de droit en estimant que le district du grand Caen avait assuré une publicité du marché qu’il envisageait de passer dans des conditions compatibles avec ces objectifs ; qu’il suit de là que par ce moyen, qui n’est pas nouveau en cassation, la COMPAGNIE GENERALE DES EAUX est fondée à demander l’annulation du jugement attaqué ;

Considérant qu’il y a lieu, dans les circonstances de l’espèce, de statuer sur la demande présentée par la COMPAGNIE GENER. ALE DES EAUX devant le juge du référé précontractuel ;

Sans qu’il soit besoin d’examiner les autres moyens de la requête

Considérant, ainsi qu’il a été dit ci-dessus, qu’une entreprise candidate à l’obtention d’un marché étant susceptible d’être lésée par tout manquement aux obligations de publicité et de mise en concurrence, l’absence, dans l’avis d’appel public à la concurrence publié par le district du grand Caen au Journal officiel des communautés européennes en vue de la passation du marché envisagé, de précisions relatives aux langues dans lesquelles peuvent être présentées les offres et de toute indication sur les modalités essentielles de paiement et de financement du marché a entaché la procédure de passation d’un manquement aux obligations de publicité qui incombaient au district en vertu des objectifs poursuivis par la directive n° 92/50/CEE modifiée du 18 juin 1992 ;

Sur les conclusions tendant au remboursement des frais exposés par les parties et non compris dans les dépens :

Considérant qu’aux termes de l’article L. 761-1 du code de justice administrative : "Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l’autre partie la somme qu’il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. (.. )" ; que ces dispositions font obstacle à ce que la COMPAGNIE GENERALE DES EAUX, qui n’est pas la partie perdante dans la présente instance, soit condamnée à verser à la société SAUR et au district du grand Caen la somme de 20 000 F qu’ils demandent au titre des frais exposés par eux et non compris dans les dépens ; qu’il y a lieu, en revanche, de faire droit à la demande de la COMPAGNIE GENERALE DES EAUX tendant à ce que le district du grand Caen soit condamné à lui verser la somme de 20 000 F au titre des sommes exposées par elle et non compris dans les dépens ;

D E C I D E :

Article 1er : L’article 2 du jugement du tribunal administratif de Caen en date du 9 janvier 2001 est annulé.

Article 2 : La procédure de passation du marché de services relatif à l’exploitation de la future station d’épuration du district du grand Caen est annulée.

Article 3 : Le district du grand Caen est condamné à verser à la COMPAGNIE GENERALE DES EAUX la somme de 20 000 F qu’elle demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens.

Article 4 : Les conclusions de la société SAUR et du district du grand Caen tendant au remboursement des frais exposés par eux et non compris dans les dépens sont rejetées.

Article 5 : La présente décision sera notifiée à la COMPAGNIE GENERALE DES EAUX, à la société SAUR et au district du grand Caen.

 


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