COUR ADMINISTRATIVE D’APPEL DE DOUAI
N° 01DA00264
Commune de Vred
M. Berthoud
Rapporteur
M. Michel
Commissaire du gouvernement
Audience du 5 mai 2004
Lecture du 25 mai 2004
REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR ADMINISTRATIVE D’APPEL DE DOUAI
Vu la requête, enregistrée le 12 mars 2001 au greffe de la cour administrative d’appel de Douai, présentée pour la commune de Vred, représentée par son maire en exercice, par la S.C.P. Savoye et associés, avocats ; la commune de Vred demande à la Cour :
1°) d’annuler le jugement n° 96-1593 en date du 11 janvier 2001, par lequel le tribunal administratif de Lille a annulé la décision du 3 avril 1996 par laquelle son maire a rejeté la demande de M. Roger B. tendant au déplacement de la fête foraine organisée à l’occasion des fêtes de Pâques, ainsi que la décision implicite rejetant le recours gracieux formé par ce dernier contre cette décision ;
2°) de rejeter la demande présentée par M. B. devant le tribunal administratif de Lille ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la loi n° 79-357 du 11 juillet 1979 ;
Vu le code général des collectivités territoriales ;
Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d’appel ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l’audience,
Après avoir entendu au cours de l’audience publique du 5 mai 2004
le rapport de M. Berthoud, président-assesseur,
les observations de Me Degandt, avocat, pour la commune de Vred,
et les conclusions de M. Michel, commissaire du gouvernement ;
Considérant que l’administration peut, en première instance comme en appel, faire valoir devant le juge de l’excès de pouvoir que la décision dont l’annulation est demandée ou a été obtenue par le demandeur devant les premiers juges est légalement justifiée par un motif, de droit ou de fait, autre que celui initialement indiqué, mais également fondé sur la situation existant à la date de cette décision ; qu’il appartient alors au juge, après avoir mis à même les parties de présenter leurs observations sur la substitution ainsi sollicitée, de rechercher si un tel motif est de nature à fonder légalement la décision, puis d’apprécier s’il résulte de l’instruction que l’administration aurait pris la même décision si elle s’était fondée initialement sur ce motif ; que, dans l’affirmative, il peut procéder à la substitution demandée, sous réserve toutefois qu’elle ne prive pas l’auteur de la demande à fin d’annulation de ladite décision d’une garantie procédurale liée au motif substitué ;
Considérant qu’aux termes de l’article L. 2212-1 du code général des collectivités territoriales : " Le maire est chargé, sous le contrôle administratif du représentant de l’Etat dans le département, de la police municipale ... " ; qu’aux termes de l’article L. 2212-2 du même code : " La police municipale a pour objet d’assurer le bon ordre, la sûreté, la sécurité et la salubrité publiques " ;
Considérant que M. B., habitant de la commune de Vred, a demandé au maire de modifier l’emplacement de la fête foraine prévue dans cette commune du 6 au 8 avril 1996, en invoquant notamment les troubles apportés à la sécurité et à la tranquillité publiques ; que, par lettre du 3 avril 1996, le maire lui a opposé un refus, implicitement confirmé sur recours gracieux de l’intéressé, en date du 22 avril 1996, et fondé seulement sur le caractère intangible de la tradition locale ; que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lille, saisi par M. B., a annulé ces décisions de refus, au motif que le maire avait ainsi commis une erreur de droit ;
Considérant cependant que la commune fait valoir devant la cour un autre motif, tiré de ce que le choix de l’emplacement de la fête foraine ne méconnaissait pas les impératifs de sécurité publique et de maintien de l’ordre public qu’il appartenait au maire de faire respecter, en application des dispositions précitées ;
Considérant qu’il ne ressort pas des pièces du dossier que la fête foraine dont s’agit, qui ne comportait que quelques manèges et stands, aurait présenté, eu égard à son organisation ou à son emplacement, un risque quelconque pour le bon ordre, la sûreté ou la sécurité publiques ; que, contrairement aux allégations de M. B., il est établi que la présence des stands et manèges ne faisait pas obstacle à ce que les riverains puissent accéder à leur propriété et que les nuisances sonores ou visuelles occasionnées à ces derniers étaient peu importantes, eu égard notamment au caractère diurne de la fête et à sa durée, inférieure à trois jours et qu’ainsi ladite fête ne saurait être regardée comme portant une atteinte sérieuse à la tranquillité publique ; que, dans ces conditions, le nouveau motif invoqué par la commune devant le juge était à la date de la décision en litige de nature à fonder légalement le refus opposé par le maire à M. B. ;
Considérant qu’il résulte de l’instruction, notamment des écritures de la commune en première instance comme en appel, que le maire aurait pris la même décision s’il s’était fondé initialement sur ce dernier motif ; qu’il y a lieu, dans les circonstances de l’espèce, de substituer ledit motif au motif retenu à l’origine par le maire, dès lors qu’une telle substitution ne prive M. B. d’aucune garantie de procédure ;
Considérant qu’il résulte de ce qui précède que c’est à tort que le tribunal administratif de Lille s’est fondé sur l’erreur de droit dont ce motif initial était entaché pour annuler la décision en litige ;
Considérant toutefois qu’il appartient à la cour administrative d’appel de Douai, saisie de l’ensemble du litige par l’effet dévolutif de l’appel, d’examiner les autres moyens soulevés, tant devant la cour que devant le tribunal administratif ;
Considérant, en premier lieu, que la décision susanalysée du 3 avril 1996 n’entre dans aucune des catégories d’actes qui doivent être motivés en vertu de la loi du 11 juillet 1979 ;
Considérant, en deuxième lieu, qu’aucun texte, ni aucun principe, ne faisait obstacle à ce que la fête municipale dont s’agit se déroule sur les dépendances du domaine public, en l’absence d’atteinte excessive à la liberté de circulation ;
Considérant enfin que le détournement de pouvoir allégué n’est pas établi ;
Considérant qu’il résulte de tout ce qui précède que la commune de Vred est fondée à soutenir que c’est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lille a annulé la décision du maire de Vred, en date du 3 avril 1996, ainsi que la décision implicite rejetant le recours gracieux formé par M. B. contre cette décision ;
Sur l’application de l’article L. 761-1 du code de justice administrative :
Considérant qu’aux termes de l’article L. 761-1 du code de justice administrative : " Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l’autre partie la somme qu’il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l’équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut même d’office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu’il n’y a pas lieu à cette condamnation " ;
Considérant que les dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que la commune de Vred qui n’est pas, dans la présente instance, la partie perdante, soit condamnée à payer à M. B. la somme qu’il demande au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens ;
DECIDE :
Article 1er : Le jugement n° 96-01593, en date du 11 janvier 2001, du tribunal administratif de Lille, est annulé.
Article 2 : La demande présentée par M. Roger B. devant le tribunal administratif de Lille et ses conclusions présentées devant la cour et tendant à l’application de l’article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la commune de Vred, à M. Roger B. et au ministre de l’intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales.