CONSEIL D’ETAT
Statuant au contentieux
N° 229042
SYNDICAT INTERCOMMUNAL DU VAL-DE-SAMBRE
M. Verclytte
Rapporteur
M. Glaser
Commissaire du gouvernement
Séance du 3 décembre 2003
Lecture du 7 janvier 2004
REPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
Le Conseil d’Etat statuant au contentieux
(Section du contentieux, 3ème et 8ème sous-section réunies)
Sur le rapport de la 3ème sous-section de la Section du contentieux
Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 10 janvier 2001 et 10 mai 2001 au secrétariat du contentieux du Conseil d’Etat, présentés pour le SYNDICAT INTERCOMMUNAL DU VAL DE SAMBRE (S.I.V.S.), dont le siège est 2, rue du Gazomètre à Maubeuge (59605) ; le SYNDICAT INTERCOMMUNAL DU VAL DE SAMBRE demande au Conseil d’Etat :
1°) d’annuler l’arrêt du 8 novembre 2000 par lequel la cour administrative d’appel de Douai a rejeté sa demande tendant à l’annulation du jugement du 16 juin 1997 par lequel le tribunal administratif de Lille a rejeté ses demandes tendant à l’annulation des trois avis émis par la chambre régionale des comptes du Nord-Pas-de-Calais estimant que les participations financières dues par les communes d’Hautmont, Berlaimont et Boussière-sur-Sambre au syndicat intercommunal au titre du contrat d’agglomération ne présentent pas le caractère de dépenses obligatoires ;
2°) de condamner les communes de Berlaimont, Boussière-sur-Sambre et Hautmont à lui verser la somme de 4 573,47 euros (30 000 F) en application de l’article L. 761-1 du code de justice administrative ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code général des collectivités territoriales ;
Vu le code des juridictions financières ;
Vu le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
le rapport de M. Verclytte, Maître des Requêtes,
les observations de la SCP Lyon-Caen, Fabiani, Thiriez, avocat du SYNDICAT INTERCOMMUNAL DU VAL DE SAMBRE,
les conclusions de M. Glaser, Commissaire du gouvernement ;
Considérant que, par avis en date du 12 mars 1996, la chambre régionale des comptes du Nord-Pas-de-Calais a refusé de reconnaître le caractère de dépense obligatoire aux sommes réclamées aux communes de Berlaimont, Boussière-sur-Sambre et Hautmont par le SYNDICAT INTERCOMMUNAL DU VAL-DE-SAMBRE (SIVS), correspondant à leur participation, pour l’année 1994, aux dépenses engagées par ce syndicat au titre des contrats d’agglomération qu’il a signés avec l’Etat pour les périodes 1992-1993 et 1994-1998 ; que la chambre régionale des comptes a motivé ce refus en relevant, d’une part, que ces dépenses faisaient l’objet d’une contestation sérieuse de la part desdites communes, qui estimaient qu’elles procédaient d’une activité excédant la compétence du SIVS et, d’autre part, que leur liquidité n’était pas établie ; que le SIVS demande l’annulation de l’arrêt par lequel la cour administrative d’appel de Douai, confirmant le jugement du tribunal administratif de Lille, a rejeté sa demande tendant à l’annulation de ces avis ;
Sur le bien-fondé de l’arrêt attaqué :
Considérant qu’aux termes de l’article L. 1612-15 du code général des collectivités territoriales dans sa rédaction issue de la loi n° 96-142 du 21 février 1996 : " Ne sont obligatoires pour les collectivités territoriales que les dépenses nécessaires à l’acquittement des dettes exigibles et les dépenses pour lesquelles la loi l’a expressément décidé. / La chambre régionale des comptes saisie, soit par le représentant de l’Etat dans le département, soit par le comptable public concerné, soit par toute personne y ayant intérêt, constate qu’une dépense obligatoire n’a pas été inscrite au budget ou l’a été pour une somme insuffisante. Elle opère cette constatation dans le délai d’un mois à partir de sa saisine et adresse une mise en demeure à la collectivité territoriale concernée..." ; qu’aux termes de l’article L. 5212-20 du même code : " La contribution des communes associées ... est obligatoire pour ces communes pendant la durée du syndicat et dans la limite des nécessités du service telles que les décisions du syndicat l’ont déterminée " ;
En ce qui concerne la régularité de la procédure suivie par la chambre régionale des comptes :
Considérant qu’aux termes de l’article L. 232-1 du code des juridictions financières, figurant au chapitre II du titre III de ce code, relatif au contrôle des actes budgétaires et de l’exécution du budget, " le contrôle des actes budgétaires et de l’exécution des budgets des collectivités territoriales et de leurs établissements publics (...) s’exerce dans les conditions prévues par le chapitre II du titre unique du livre VI de la première partie du code général des collectivités territoriales " ; que l’article L. 1612-15 de ce code figure au rang de ces dernières dispositions ; qu’aux termes de l’article L. 242-2 du code des juridictions financières : " Lorsque la chambre régionale des comptes est saisie en application des dispositions du chapitre II du titre III relatif au contrôle des actes budgétaires et de l’exécution du budget, l’ordonnateur ou son représentant peut, à sa demande, présenter oralement ses observations. Il peut être assisté d’une personne de son choix " ; qu’aux termes de l’article 94 du décret du 23 août 1995, dont les dispositions ont été reprises à l’article R. 1612-32 du code général des collectivités territoriales : " La saisine de la chambre régionale des comptes (...) doit être motivée, chiffrée et appuyée de toutes justifications utiles... Le président de la chambre communique la demande au ministère public. Il en informe le représentant de la collectivité ou de l’établissement public " ;
Considérant qu’il résulte de ces dispositions que la chambre régionale des comptes, saisie par le comptable public de la collectivité demandant l’inscription d’office d’une dépense obligatoire au budget d’une autre collectivité territoriale, dispose d’un mois pour statuer sur cette demande ; qu’elle est tenue, dans ce délai, de mettre l’ordonnateur de la collectivité visée par cette demande en mesure de présenter oralement, s’il le souhaite, ses observations ; qu’elle n’est pas tenue, en revanche, avant de prendre cette décision administrative, d’entendre un représentant de la collectivité au bénéfice de laquelle a été présentée la demande, laquelle doit être motivée ; que, par suite, la cour n’a pas commis d’erreur de droit en jugeant que la circonstance que la chambre régionale des comptes du Nord-Pas-de-Calais n’avait pas invité le SIVS à présenter ses observations avant d’émettre les avis contestés n’était pas de nature à entacher ces avis d’irrégularité ;
En ce qui concerne le bien-fondé des avis de la chambre régionale des comptes :
Considérant qu’il ressort des dispositions précitées de l’article L. 1612-15 du code général des collectivités territoriales que la chambre régionale des comptes ne peut constater qu’une dépense est obligatoire pour une collectivité territoriale et mettre celle-ci en demeure de l’inscrire à son budget que si la dépense en question correspond à une dette échue, certaine, liquide, non sérieusement contestée dans son principe ou dans son montant quelle que soit l’origine de l’obligation dont procède la dette ; que, par suite, la cour n’a pas commis d’erreur de droit en jugeant que, alors même que la contribution réclamée par le SIVS revêtait un caractère obligatoire en vertu de l’article L. 5215-20 du même code, la chambre régionale des comptes ne pouvait constater son caractère obligatoire que si elle était en outre liquide et non sérieusement contestée ;
Considérant, d’une part, qu’un syndicat intercommunal ne peut légalement mettre à la charge de ses membres une dépense relative à une activité étrangère à sa mission ; qu’une commune adhérente est donc recevable à se prévaloir de l’illégalité de la délibération réglementaire du conseil syndical ayant eu pour effet de mettre à sa charge une telle dépense, alors même que cette délibération serait devenue définitive ; que, dans ces conditions, la cour administrative d’appel n’a pas commis d’erreur de droit en jugeant que la circonstance qu’aucun recours n’aurait été introduit dans le délai de deux mois devant le tribunal administratif contre les décisions réglementaires du comité syndical et du président du syndicat d’où procèderait le principe de la créance que le syndicat prétendait détenir à l’encontre des communes requérantes n’était pas de nature, par elle-même, à faire obstacle à ce que la chambre régionale des comptes qualifie de sérieuse la contestation présentée par ces dernières ; que la cour n’a pas dénaturé les pièces du dossier en estimant que la contestation portait sur le principe de la créance ; que la cour n’avait pas à statuer sur le caractère sérieux de la contestation en l’absence de moyen en ce sens soulevé devant elle ;
Considérant, d’autre part, qu’en jugeant que le SIVS n’établissait pas le caractère liquide des contributions mentionnées ci-dessus, dont l’absence, relevée par la chambre régionale des comptes, fondait légalement ses avis du 12 mars 1996, la cour a, sans les dénaturer, souverainement apprécié les faits de l’espèce ;
Sur les conclusions tendant à l’application des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative :
Considérant que ces dispositions font obstacle à ce que les communes de Berlaimont, Boussière-sur-Sambre et Hautmont, qui ne sont pas, dans la présente instance, les parties perdantes, soient condamnées à payer au SIVS la somme qu’il demande au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens ;
D E C I D E :
Article 1er : La requête du SYNDICAT INTERCOMMUNAL DU VAL DE SAMBRE est rejetée.
Article 2 : La présente décision sera notifiée au SYNDICAT INTERCOMMUNAL DU VAL DE SAMBRE, à la commune d’Hautmont, à la commune de Berlaimont, à la commune de Boussière-sur-Sambre, au ministre de l’économie, des finances et de l’industrie et au ministre de l’intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales.