CONSEIL D’ETAT
Statuant au contentieux
N° 240938
M. L., ès qualité de syndic de la liquidation des biens de la société des réveils Bayard
M. Keller,
Rapporteur
M. Guyomar
Commissaire du gouvernement
Séance du 10 septembre 2003
Lecture du 29 septembre 2003
REPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
Le Conseil d’Etat statuant au contentieux
(Section du contentieux, 6ème et 4ème sous-section réunies)
Sur le rapport de la 6ème sous-section de la Section du contentieux
Vu la requête, enregistrée le 11 décembre 2001 au secrétariat du contentieux du Conseil d’Etat, présentée pour M. Philippe L., agissant en qualité de syndic de la liquidation des biens de la société des réveils Bayard sise 47, rue Lecat à Rouen (76000) ; M. L. demande au Conseil d’Etat :
1°) d’annuler l’arrêt du 27 septembre 2001 par lequel la cour administrative d’appel de Douai a rejeté sa requête tendant à l’annulation du jugement du 31 décembre 1997 du tribunal administratif de Rouen rejetant sa demande d’annulation de l’arrêté du 27 février 1995 par lequel le préfet de la Seine-Maritime a émis un titre de perception en vue de la consignation entre les mains du Trésor public d’une somme de 4 500 000 F (686 020, 58 euros) représentant le coût des travaux d’assainissement prioritaires des locaux de l’ancienne usine Bayard à Saint-Nicolas d’Aliermont ;
2°) de condamner l’Etat à lui verser la somme de 2 200 euros au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la loi n° 76-663 du 19 juillet 1976 ;
Vu la loi n° 85-98 du 25 janvier 1985 ;
Vu le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
le rapport de M. Keller, Maître des Requêtes,
les observations de Me Blanc, avocat de M. L.,
les conclusions de M. Guyomar, Commissaire du gouvernement ;
Considérant qu’aux termes de l’article 1er de la loi du 19 juillet 1976, relative aux installations classées pour la protection de l’environnement, dont les dispositions sont reprises à l’article L. 511-1 du code de l’environnement : "Sont soumis aux dispositions de la présente loi les usines, ateliers, dépôts, chantiers, carrières et d’une manière générale les installations exploitées ou détenues par toute personne physique ou morale, publique ou privée, qui peuvent présenter des dangers ou des inconvénients soit pour la commodité du voisinage, soit pour la santé, la sécurité, la salubrité publiques, soit pour l’agriculture, soit pour la protection de la nature et de l’environnement, soit pour la conservation des sites et des monuments (...)" ; que l’article 23 de la même loi, dont les dispositions sont reprises à l’article L. 514-1 du code de l’environnement, dispose : "Indépendamment des poursuites pénales qui peuvent être exercées et lorsqu’un inspecteur des installations classées ou un expert désigné par le ministre chargé des installations classées a constaté l’inobservation des conditions imposées à l’exploitant d’une installation classée, le préfet met en demeure ce dernier de satisfaire à ces conditions dans un délai déterminé. Si, à l’expiration du délai fixé pour l’exécution, l’exploitant n’a pas obtempéré à cette injonction, le préfet peut :/ 1° obliger l’exploitant à consigner entre les mains d’un comptable public une somme répondant du montant des travaux à réaliser, laquelle sera restituée à l’exploitant, au fur et à mesure de l’exécution des mesures prescrites (...)" ;
Considérant qu’il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que, par un arrêté du 27 février 1995, dont la légalité est contestée par M. L., en sa qualité de syndic de la liquidation des biens de la société des réveils Bayard, le préfet de la Seine-Maritime a, sur le fondement des dispositions qui précèdent, émis un titre de perception à l’encontre de M. Dulière, alors chargé de la liquidation judiciaire de la même société, en vue de la consignation entre les mains du Trésor public d’une somme de 4 500 000 F (686 020, 58 euros) correspondant au coût des travaux de dépollution d’une usine anciennement occupée par cette société à Saint-Nicolas d’Aliermont (Seine-Maritime) ;
Considérant que si les dispositions des articles 47 à 53 de la loi du 25 janvier 1985, relative au redressement et à la liquidation judiciaires des entreprises, reprises aux articles L. 621-40 à 46 du code de commerce, régissent les conditions dans lesquelles peuvent être produites puis payées les créances détenues sur une entreprise qui fait l’objet d’une procédure collective, elles ne font pas obstacle à ce que l’administration fasse usage de ses pouvoirs, notamment de police administrative, qui peuvent la conduire, dans les cas où la loi le prévoit, à mettre à la charge de particuliers ou d’entreprises, par voie de décision unilatérale, des sommes dues aux collectivités publiques ; que ces dispositions ne font pas davantage obstacle à ce que le juge administratif statue sur les contestations auxquelles ces actes donnent lieu ou sur les litiges qui opposent les particuliers à l’administration en ce qui concerne le principe et l’étendue des droits de cette dernière ; qu’en revanche, il appartient à l’administration, pour obtenir le paiement des sommes qui lui sont dues, de suivre les règles relatives à la procédure judiciaire applicable au recouvrement des créances ; qu’il s’ensuit que la cour, qui n’avait pas à saisir le juge judiciaire d’une question préjudicielle sur ce point, n’a commis aucune erreur de droit en jugeant que le préfet de la Seine-Maritime avait pu à bon droit, sur le fondement de la législation relative aux installations classées, ordonner la consignation contestée ;
Considérant qu’il résulte des dispositions de l’article 152 de la loi du 25 janvier 1985, reprises à l’article L. 622-9 du code de commerce, qu’à dater du jugement qui ouvre ou prononce la liquidation judiciaire, le débiteur est dessaisi de l’administration et de la disposition de ses biens et que ses droits et actions " concernant son patrimoine sont exercés pendant toute la durée de la liquidation judiciaire par le liquidateur" ; qu’ainsi, en jugeant que le préfet avait, à bon droit, imposé la consignation contestée à M. Dulière, ès qualité de liquidateur des biens de la société des réveils Bayard, la cour administrative d’appel, qui n’avait pas à soumettre préalablement une question préjudicielle au juge judiciaire, a fait une exacte application des dispositions précitées ; qu’elle a suffisamment motivé son arrêt sur ce point ;
Considérant qu’il résulte de ce qui précède que le requérant n’est pas fondé à demander l’annulation de l’arrêt attaqué ; qu’il s’ensuit que ses conclusions tendant à ce que l’Etat soit condamné en application de l’article L. 761-1 du code de justice administrative doivent également être rejetées ;
D E C I D E :
Article 1er : La requête de M. L. ès qualité de liquidateur judiciaire de la société des réveils Bayard est rejetée.
Article 2 : La présente décision sera notifiée à M. Philippe L. ès qualité de liquidateur judiciaire de la société des réveils Bayard et au ministre de l’écologie et du développement durable.