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Conseil d’Etat, 3 décembre 2003, n° 236901, Me Nadine B.

Il résulte des dispositions de l’article 152 de la loi du 25 janvier 1985 relative à la liquidation et au redressement judiciaire, désormais reprises à l’article L. 622-9 du code de commerce, qu’à dater du jugement qui ouvre ou prononce la liquidation judiciaire, le débiteur est dessaisi de "l’administration et de la disposition de ses biens" et que ses droits et actions "concernant son patrimoine sont exercés pendant toute la durée de la liquidation judiciaire par le liquidateur". L’ouverture d’une procédure de liquidation judiciaire ne fait pas obstacle à la mise en oeuvre par le préfet des pouvoirs, notamment de police administrative, dont il dispose, en vertu des dispositions précitées du code de l’environnement et du décret du 21 septembre 1977, en vue de la remise en état du site.

CONSEIL D’ETAT

Statuant au contentieux

N° 236901

Me B.

Mme Ducarouge
Rapporteur

M. Lamy
Commissaire du gouvernement

Séance du 5 novembre 2003
Lecture du 3 décembre 2003

REPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

Le Conseil d’Etat statuant au contentieux

(Section du contentieux, 6ème et 4ème sous-section réunies)

Sur le rapport de la 6ème sous-section de la Section du contentieux

Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 3 août et 3 décembre 2001 au secrétariat du contentieux du Conseil d’Etat, présentés pour la SOCIETE PODELVAL LES INNOVATIONS MECANIQUES représentée par Me B., mandataire-liquidateur, demeurant 25, rue Nationale à Tours (37000) ; Me Nadine B., agissant ès-qualité de mandataire liquidateur à la liquidation judiciaire de la SOCIETE PODELVAL LES INNOVATIONS MECANIQUES, demande que le Conseil d’Etat :

1°) annule l’arrêt du 23 mai 2001 par lequel la cour administrative d’appel de Paris a rejeté sa demande tendant, d’une part, à l’annulation du jugement du 23 octobre 1997 par lequel le tribunal administratif de Melun a rejeté sa demande tendant à l’annulation de l’arrêté du 29 janvier 1997 du préfet de Seine-et-Marne la mettant en demeure de procéder à l’évacuation d’urgence des produits et matériaux toxiques entreposés sur le site de l’ancienne usine de la société Traub Sonim à Moret-sur-Loing, et de lui notifier l’arrêt définitif de l’exploitation, ainsi que d’effectuer une étude hydrogéologique du site dans un délai de six mois, et d’autre part à l’annulation du jugement du 27 avril 2000 par lequel le tribunal administratif de Melun a rejeté sa demande tendant à l’annulation de l’arrêté du 22 mai 1998 par lequel le préfet de Seine-et-Marne a décidé l’émission d’un titre de perception à l’encontre de la société PODELVAL LES INNOVATIONS MECANIQUES en vue de la consignation entre les mains du trésorier-payeur général d’une somme de 100 000 F pour la remise en état du site susmentionné à Moret-sur-Loing ;

2°) condamne l’Etat à payer la somme de 3 000 euros en application de l’article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code de commerce ;

Vu le code de l’environnement ;

Vu la loi n° 67-563 du 13 juillet 1967 ;

Vu la loi n° 76-663 du 19 juillet 1976 et le décret n° 77-1133 du 21 septembre 1977 ;

Vu la loi n° 85-98 du 25 janvier 1985 ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de Mme Ducarouge, Conseiller d’Etat,
- les observations de la SCP Nicolaÿ, de Lanouvelle, avocat de Me B.,
- les conclusions de M. Lamy, Commissaire du gouvernement ;

Sur les règles de droit applicables :

Considérant, d’une part, qu’aux termes de l’article L.511-1 du code de l’environnement : "Sont soumis aux dispositions du présent titre les usines, ateliers, dépôts, chantiers, et d’une manière générale les installations exploitées ou détenues par toute personne physique ou morale, publique ou privée, qui peuvent présenter des dangers ou des inconvénients, soit pour la commodité du voisinage, soit pour la santé, la sécurité, la salubrité publiques, soit pour l’agriculture, soit pour la protection de la nature et de l’environnement ..." ; qu’aux termes de l’article L.512-3 du même code : "Les conditions d’installation et d’exploitation jugées indispensables pour la protection des intérêts mentionnés à l’article L. 511-1, les moyens d’analyse et de mesure et les moyens d’intervention en cas de sinistre sont fixés par l’arrêté d’autorisation et, éventuellement par des arrêtés complémentaires pris postérieurement à cette autorisation" ; que, suivant le premier alinéa de l’article L.514-1 de ce code : "I. - Indépendamment des poursuites pénales qui peuvent être exercées et lorsqu’un inspecteur des installations classées ou un expert désigné par le ministre chargé des installations classées a constaté l’inobservation des conditions imposées à l’exploitant d’une installation classée, le préfet met en demeure ce dernier de satisfaire à ces conditions dans un délai déterminé. Si, à l’expiration du délai fixé pour l’exécution, l’exploitant n’a pas obtempéré à cette injonction, le préfet peut : 1°) Obliger l’exploitant à consigner entre les mains d’un comptable public une somme répondant du montant des travaux à réaliser, laquelle sera restituée à l’exploitant au fur et à mesure de l’exécution des mesures prescrites ; il est procédé au recouvrement de cette somme comme en matière de créances étrangères à l’impôt et au domaine. Pour le recouvrement de cette somme, l’Etat bénéficie d’un privilège de même rang que celui prévu à l’article 1920 du code général des impôts ; 2°) Faire procéder d’office aux frais de l’exploitant, à l’exécution des mesures prescrites..." ; qu’aux termes de l’article 34-1 du décret du 21 septembre 1977 modifié pris pour l’application de ces dispositions : "I. -Lorsqu’une installation classée est mise à l’arrêt définitif, son exploitant remet son site dans un état tel qu’il ne s’y manifeste aucun des dangers ou inconvénients mentionnés à l’article 1er de la loi du 19 juillet 1976 susvisée. Le préfet peut à tout moment imposer à l’exploitant les prescriptions relatives à la remise en état du site, par arrêté pris dans les formes prévues à l’article 18 ci-dessus" ;

Considérant, d’autre part, qu’il résulte des dispositions de l’article 152 de la loi du 25 janvier 1985 relative à la liquidation et au redressement judiciaire, désormais reprises à l’article L. 622-9 du code de commerce, qu’à dater du jugement qui ouvre ou prononce la liquidation judiciaire, le débiteur est dessaisi de "l’administration et de la disposition de ses biens " et que ses droits et actions " concernant son patrimoine sont exercés pendant toute la durée de la liquidation judiciaire par le liquidateur" ; que l’ouverture d’une procédure de liquidation judiciaire ne fait pas obstacle à la mise en oeuvre par le préfet des pouvoirs, notamment de police administrative, dont il dispose, en vertu des dispositions précitées du code de l’environnement et du décret du 21 septembre 1977, en vue de la remise en état du site ;

Sur les conclusions relatives à l’arrêté du préfet de Seine-et-Marne du 29 janvier 1997 :

Considérant en premier lieu, qu’il ressort des pièces du dossier soumis au juge du fond, que la société PODELVAL LES INNOVATIONS MECANIQUES a effectivement occupé l’installation et poursuivi l’activité de la société Traub Sonim qu’elle a transférée sur un autre site à compter du 1er juin 1995 ; que, par suite, c’est sans erreur de droit que la cour administrative d’appel a estimé que la SOCIETE PODELVAL LES INNOVATIONS MECANIQUES, qui ne peut utilement, pour s’exonérer de ses obligations au titre de la législation sur les installations classées se prévaloir des circonstances qu’elle ne serait plus propriétaire du terrain, qu’elle n’aurait pas sollicité le transfert de l’autorisation d’installation classée détenue par la société Traub Sonim, et qu’avant la société Traub Sonim, d’autres sociétés auraient déversé des déchets industriels sur le même site, doit être regardée comme ayant la qualité d’exploitant au sens des dispositions de l’article 34 du décret du 21 septembre 1977, sans que la procédure de liquidation judiciaire puisse y faire obstacle ; que la requérante n’est pas fondée à soutenir que la cour administrative d’appel n’aurait pas statué en fonction des circonstances de droit et de fait existant à la date de son arrêt, qui serait ainsi entaché d’erreur de droit ;

Considérant, en deuxième lieu, que les mesures énumérées à l’article L. 514-1 du code de l’environnement, issues de l’article 23 de la loi du 19 juillet 1976, qui sont applicables en l’espèce contrairement à ce que soutient la requérante, ont été instituées pour contraindre les exploitants à prendre les dispositions nécessaires à la sauvegarde des intérêts visés à l’article L. 511-1 ; qu’aussi longtemps que subsiste l’un des dangers ou inconvénients mentionnés à cet article, le préfet peut mettre en oeuvre les différentes mesures prévues par l’article L. 514-1 précité ; que la cour administrative d’appel de Paris ne s’est pas méprise sur le champ d’application de ces dispositions ; que les mesures prescrites par le préfet par arrêté du 29 janvier 1997, et notamment la mise en demeure de procéder à une étude hydrogéologique, sont au nombre de celles qui peuvent être légalement ordonnées à l’exploitant, même mis en liquidation judiciaire, en application des dispositions de l’article 34-1 du décret du 21 septembre 1977, à moins qu’il n’ait cédé son installation et que le cessionnaire se soit régulièrement substitué à lui en qualité d’exploitant, ce qui ne ressort pas des pièces du dossier soumis au juge du fond ; que Me B., mandataire liquidateur n’est dès lors, pas fondée à soutenir que la cour administrative d’appel de Paris aurait fait une inexacte application des dispositions précitées en jugeant que la SOCIETE PODELVAL LES INNOVATIONS MECANIQUES, qu’elle représente, pouvait, sans détournement de procédure, être mise en demeure, en qualité de dernier exploitant, de satisfaire aux conditions imposées par l’arrêté du préfet ;

Considérant, en troisième lieu, que la cour administrative d’appel a relevé, sans dénaturer les faits de l’espèce, qu’il résultait des rapports établis par l’inspecteur des installations classées qu’à la date de la décision attaquée, plusieurs dizaines de fûts contenant des huiles, solvants ou peintures demeuraient sur le site, dont certains à l’air libre ; qu’en estimant que les dispositions prises par le préfet ne constituaient pas des prescriptions nouvelles, qui auraient relevé de l’article L. 512-7, mais étaient au nombre des mesures qui pouvaient être exigées en application de l’article L. 514-1, et n’excédaient pas celles qui pouvaient légalement être prescrites à la SOCIETE PODELVAL LES INNOVATIONS MECANIQUES, en application de l’article 34-1 du décret du 21 septembre 1977, la cour administrative d’appel a porté sur les faits une appréciation souveraine, qui n’est pas entachée de dénaturation et qui ne peut être mise en cause devant le juge de cassation ;

Sur les conclusions relatives à l’arrêté du préfet de Seine-et-Marne du 22 mai 1998 :

Considérant qu’il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que, par un arrêté du 22 mai 1998, dont la légalité est contestée par Me B., le préfet de Seine-et-Marne a, sur le fondement des dispositions précitées, émis un titre de perception à l’encontre de la requérante, en vue de la consignation entre les mains d’un comptable public d’une somme de 100 000 F correspondant au coût des travaux de remise en état du site ;

Considérant que si les dispositions des articles 47 à 53 de la loi du 25 janvier 1985, relative au redressement et à la liquidation judiciaires des entreprises, reprises aux articles L. 621-40 à 46 du code de commerce, régissent les conditions dans lesquelles peuvent être produites puis payées les créances détenues sur une entreprise qui fait l’objet d’une procédure collective, elles ne font pas obstacle à ce que l’administration fasse usage de ses pouvoirs, notamment de police administrative, qui peuvent la conduire, dans les cas où la loi le prévoit, à mettre à la charge de particuliers ou d’entreprises, par voie de décision unilatérale, des sommes dues aux collectivités publiques ; que ces dispositions ne font pas davantage obstacle à ce que le juge administratif statue sur les contestations auxquelles ces actes donnent lieu ou sur les litiges qui opposent les particuliers à l’administration en ce qui concerne le principe et l’étendue des droits de cette dernière ; qu’ en revanche, il appartient à l’administration, pour obtenir le paiement des sommes qui lui sont dues, de suivre les règles relatives à la procédure judiciaire applicable au recouvrement des créances ; qu’il s’ensuit que la cour n’a pas commis d’erreur de droit en jugeant que le préfet de Seine et Marne avait pu à bon droit, sur le fondement de la législation relative aux installations classées, ordonner la consignation contestée ;

Considérant qu’il résulte de ce qui précède que M. B. n’est pas fondé à demander l’annulation de l’arrêt attaqué ; qu’il s’ensuit que ses conclusions tendant à ce que l’Etat soit condamné en application de l’article L. 761-1 du code de justice administrative doivent également être rejetées ;

D E C I D E :

Article 1er : La requête de Me B., ès qualité de liquidateur judiciaire de la SOCIETE PODELVAL LES INNOVATIONS MECANIQUES, est rejetée.

Article 2 : La présente décision sera notifiée à Me Nadine B., ès qualité de liquidateur judiciaire de la SOCIETE PODELVAL LES INNOVATIONS MECANIQUES et au ministre de l’écologie et du développement durable.

 


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