COUR ADMINISTRATIVE D’APPEL DE LYON
N° 00LY02728
GARDE DES SCEAUX
c/ Mme P.
M. CHABANOL
Président de la Cour
M. d’HERVE
Rapporteur
M. CLOT
Commissaire du Gouvernement
Arrêt du 24 juin 2003
REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR ADMINISTRATIVE D’APPEL DE LYON
(Formation plénière),
Vu, enregistré le 28 décembre 2000, sous le n°00LY02728, le recours présenté par le MINISTRE DE LA JUSTICE qui demande à la Cour :
1°) d’annuler le jugement n°964476 en date du 2 novembre 2000 du Tribunal administratif de Grenoble en tant qu’il a annulé la décision refusant de prendre en charge les frais de déplacement exposés par Mme P., conseiller prud’homme, pour exercer son mandat ;
2°) de décider qu’il sera sursis à l’exécution du dit jugement ;
3°) de rejeter la demande présentée par Mme P. devant le Tribunal administratif de Grenoble ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code du travail ;
Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d’appel ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l’audience ;
Après avoir entendu au cours de l’audience publique du 11 juin 2003 :
le rapport de M. d’HERVE, premier conseiller ;
et les conclusions de M. CLOT, commissaire du gouvernement ;
Considérant que par le jugement attaqué, le Tribunal administratif a annulé la décision du 24 octobre 1996 refusant la prise en charge des frais de déplacement exposés depuis avril 1995, date de son déménagement à Cadenet (Vaucluse) par Mme P., élue en 1992 au conseil des prud’hommes de Thonon les Bains, (Haute-Savoie ) et qui demeurait alors à Contamines sur Arve dans ce département ;
Considérant qu’aux termes des dispositions de l’article L. 513-2 du code du travail : " sont éligibles, à condition d’avoir la nationalité française, d’être âgées de vingt et un ans au moins et de n’être l’objet d’aucune interdiction, déchéance ou incapacité relatives à leur droits civiques : 1° Les personnes qui sont inscrites sur les listes électorales prud’homales ou remplissent les conditions requises pour y être inscrites...Les candidats sont éligibles : Dans la section du conseil de prud’hommes où ils sont inscrits, ont été inscrits ou remplissent les conditions pour être inscrits ; dans la section de même nature du ou des conseils limitrophes... ; qu’aux termes de l’article L. 513-3 du même code, " les électeurs sont inscrits sur la liste électorale de la commune dans laquelle ils exercent leur activité professionnelle principale." ; qu’aux termes de l’article L. 51-10-2 du code du travail : " les dépenses de personnel et de fonctionnement des conseils de prud’hommes sont à la charge de l’Etat. Elles comprennent notamment : ... 7 ° les frais de déplacement des conseillers prud’hommes lorsque le siège du conseil est situé à plus de cinq kilomètres de leur domicile ou de leur lieu de travail habituel. " ;
Considérant que les conditions dans lesquelles sont remboursés les frais de déplacement exposés par un conseiller pour remplir son mandat relèvent des garanties qui lui sont données pour l’exercice de ce mandat ;
Considérant que ni le changement en cours de mandat du lieu d’exercice de l’activité salariée au titre de laquelle un conseiller prud’homme a été élu, ni même la perte de cet emploi ne sont au nombre des cas limitativement énumérés dans lesquels un conseiller peut être déclaré démissionnaire de son mandat, dont il demeure dès lors investi et qu’il doit être à même de continuer d’exercer ; qu’un conseiller prud’homme n’est soumis en outre à aucune obligation de résidence liée au ressort dans lequel il a été élu ;
Considérant qu’il suit de là qu’en refusant à Mme P. le remboursement des frais de déplacement qu’elle avait exposés pour continuer à siéger au conseil des Prud’hommes de Thonon après la perte de son emploi et son déménagement dans le Vaucluse, au motif que sa résidence était désormais située hors du ressort des juridictions dans lesquelles elle était éligible lors de son élection, le ministre a ajouté aux conditions résultant du code du travail et par suite méconnu les dispositions précitées de l’article L. 51-10-2 du code du travail ;
Considérant qu’il résulte de ce qui précède que le MINISTRE DE LA JUSTICE n’est pas fondé à soutenir que c’est à tort que par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Grenoble a annulé la décision du 24 octobre 1996 ;
D E C I D E :
ARTICLE 1er : Le recours du MINISTRE DE LA JUSTICE est rejeté.