Vu, 1°, la requête, enregistrée le 23 juin 1998 sous
le n°9804408, présentée pour M. Denis LEBON, et pour
l’ASSOCIATION RAS L’FRONT VITROLLES, par Me Benoît CANDON, avocat
; M. LEBON et l’ASSOCIATION RAS L’FRONT VITROLLES demandent que le Tribunal
:
1°) annule pour excès de pouvoir la délibération
n°98.178 en date du 23 avril 1998 par laquelle le conseil municipal
de Vitrolles a alloué une subvention de 20 000 F à l’association
Fraternité française ;
2°) enjoigne à la commune de Vitrolles de demander à
l’association Fraternité française la restitution de la subvention
de 20 000 F octroyée illégalement, dans un délai d’un
mois à compter de la notification du jugement à intervenir,
sous astreinte de 500 F par jour de retard ;
3°) condamne la commune de Vitrolles à leur verser une somme
de 3 000 F au titre de l’article L. 8-1 du code des tribunaux administratifs
et des cours administratives d’appel ;
Vu, 2°, la requête, enregistrée le 5 janvier 1999 sous
le n°9901083, présentée pour l’ASSOCIATION RAS L’FRONT
VITROLLES, pour Mme Annie MORVAN, pour Mme Simone BESSADE, pour Mme Paquerette
VILLIEN, pour M. Denis LEBON, pour Mme Maria PENA-PAJON, pour Mme Nathalie
JULIEN BLOT, par Me Benoît CANDON, avocat ; l’ASSOCIATION RAS L’FRONT
VITROLLES et autres demandent que le Tribunal :
1°) annule pour excès de pouvoir la décision n°98-431
du maire de Vitrolles, portée à la connaissance du Conseil
municipal lors de sa séance du 6 novembre 1998, "accordant un bail
de location à l’association Fraternité française pour
un loyer annuel d’un franc symbolique non révisable, pour une durée
de douze ans, et prenant en charge les frais de fourniture et de consommation
d’eau, d’électricité et de chauffage, en imputant les recettes
et dépenses au budget de fonctionnement de la commune, ainsi que
tout autre avantage consenti par ladite décision à ladite
association qui n’apparaîtrait pas au compte-rendu du conseil municipal
du 6 novembre 1998" ;
2°) enjoigne à la commune de Vitrolles de résilier
le bail et de demander à l’association Fraternité française
la restitution du local illégalement octroyé, dans un délai
de quinze jours à compter de la notification du jugement à
intervenir, sous astreinte de 500 F par jour de retard ;
3°) condamne la commune de Vitrolles à leur verser une somme
de 3 000 F au titre de l’article L. 8-1 du code des tribunaux administratifs
et des cours administratives d’appel ;
Vu, 3°, la requête enregistrée le 4 mai 1999 sous le
n°9903495, présentée pour l’ASSOCIATION RAS L’FRONT VITROLLES
et pour M. Denis LEBON par Me Benoît CANDON, avocat ; l’ASSOCIATION
RAS L’FRONT VITROLLES et M. LEBON demandent que le Tribunal ;
1°) annule pour excès de pouvoir la délibération
n°99.88 en date du 25 mars 1999 par laquelle le conseil municipal de
Vitrolles a alloué une subvention de 20 000 F à l’association
Fraternité française ;
2°) enjoigne à la commune de Vitrolles, d’une part, de demander
à l’association Fraternité française la restitution
de la subvention de 20 000 F octroyée illégalement, dans
un délai de quinze jours à compter de la notification du
jugement à intervenir, sous astreinte de 500 F par jour de retard
et, d’autre part, de cesser toute forme de soutien à l’association
Fraternité française ;
3°) condamne la commune de Vitrolles à leur verser une somme
de 3 000 F au titre de l’article L. 8-1 du code des tribunaux administratifs
et des cours administratives d’appel ;
Vu l’ordonnance portant clôture de l’instruction au 30 octobre
1999 et en vertu de laquelle, en application de l’article R.156 du code
des tribunaux administratif et des cours administratives d’appel, les mémoires
produits après cette date n’ont pas à être examinée
par le Tribunal ;
Vu les décisions attaquées ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code général des collectivités territoriales
;
Vu le code pénal ;
Vu la loi du 1er juillet 1901 relative au contrat d’association
Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives
d’appel
Considérant que la requête susvisée n°9804408
présentée pour M. LEBON et pour l’ASSOCIATION RAS L’FRONT
VITROLLES, la requête susvisée n°9901083 présentée
pour l’ASSOCIATION RAS L’FRONT VITROLLES et autres, et la requête
susvisée n°9903495 présentée pour l’ASSOCIATION
RAS L’FRONT VITROLLES et pour M. LEBON présentent à juger
les mêmes questions et ont fait l’objet d’une instruction commune
; qu’il y a lieu de les joindre pour statuer par un seul jugement ;
Considérant que les désistements de Mme BESSADE, de M.
LEBON, de Melle PENA-PAJON et de Mme JULIEN BLOT dans l’instance n°9901083
sont purs et simples ; que rien ne s’oppose à ce qu’il en soit donné
acte ;
Sur les fins de non-recevoir opposées par la commune de Vitrolles
:
Considérant que, par les deux délibérations attaquées
en date des 23 avril 1998 et 25 mars 1999, le conseil municipal de Vitrolles
a décidé d’allouer à l’association Fraternité
française deux subventions d’un montant de 20 000 F pour les années
1998 et 1999 ; que le maire de Vitrolles a, par décision n°98.431
prise par délégation du conseil municipal en application
de l’article L. 2122-22 du code général des collectivités
territoriales et portée à la connaissance du conseil municipal
le 6
novembre 1998, décidé de passer un bail avec l’association
Fraternité française, de fixer le montant, non révisable,
du loyer annuel au franc symbolique, de fixer la durée du contrat
à douze ans, et de prendre en charge les frais de fourniture et
de consommation d’eau, d’électricité et de chauffage en imputant
les recettes et dépenses an budget de fonctionnement de la commune
;
Considérant qu’il ressort des pièces du dossier que M.
LEBON, dans les instances n°9804409 et n°9903495, d’une part, et
Mme MORVAN et Mme VILLIEN, dans l’instance n°9901083, d’autre part,
sont contribuables de la commune de Vitrolles ; qu’il sont donc recevables,
en cette qualité, à demander l’annulation, d’une part, des
délibérations en date des 23 avril 1998 et 25 mars 1999 par
lesquelles le conseil municipal de Vitrolles a octroyé ces subventions
et, d’autre part, de la décision n°98.431 par laquelle le maire
a renoncé à la perception par la commune de recettes de la
part de l’association Fraternité française ;
Considérant qu’aux termes de l’article 2 des statuts de l’association
RAS L’FRONT VITROLLES : "Cette association a pour but d’étudier
les causes et les conséquences de la progression de toutes les idées
d’exclusion, d’intolérance, de racisme, de sexisme, de fascisme
et d’agir de toutes les façons possibles pour enrayer cette progression"
; que l’association RAS L’FRONT VITROLLES justifie ainsi d’un intérêt
pour agir contre les décisions attaquées ;
Sur les conclusions à fin d’annulation :
Sans qu’il soit besoin d’examiner les autres moyens des requêtes
:
Considérant qu’aux termes de l’article 2 des statuts de l’association
Fraternité française qui ont été déposés
le 18 janvier 1996 en préfecture d’Isère : " L’association
Fraternité française a pour but d’organiser, toute action
de bienfaisance visant à venir en aide sur les plans moral, juridique,
culturel, social, médical, matériel et alimentaire aux citoyennes
et citoyens français déshérités ou dans le
besoin " et qu’aux termes de l’article 2 des statuts de l’association Fraternité
française - Délégation de Vitrolles, qui ont été
déposés le 27 février 1998 en sous-préfecture
d’Istres : " L’association Fraternité française a pour but
: d’organiser toute action de bienfaisance visant à venir en aide
sur les plans moral, juridique, culturel, médical [aux] citoyens
deshérités ou dans le besoin ... " ; que le siège
local de l’association Fraternité française est situé
à Vitrolles, et son siège national à Grenoble, siège
de l’association homonyme ; que l’association Fraternité française
Délégation de Vitrolles se présente en outre comme
une délégation subordonnée de l’association Fraternité
française située à Grenoble ; que, dans ces conditions,
l’association Fraternité française - Délégation
de Vitrolles doit être regardée comme ayant faite sienne la
distinction pratiquée entre Français et étrangers,
alors même qu’elle n’a pas été expressément
prévue par les statuts ;
Considérant qu’une commune ne peut légalement apporter
son soutien ni octroyer de subvention à une association fondée
sur une cause ou en vue d’un objet illicite, contraire aux lois, aux bonnes
moeurs ou à l’ordre public ; que, par ailleurs, si une association
régie par la loi du 1er juillet 1901, personne morale de droit privé,
n’est pas, sauf lorsqu’elle gère une activité de service
public, tenue de respecter le principe d’égalité dans les
mêmes conditions qu’une personne publique, elle ne peut néanmoins
pratiquer des discriminations contraires à la loi ;
Considérant qu’aux termes de l’article 225-1 du code pénal
: "Constitue une discrimination toute distinction opérée
entre les personnes physiques à raison ... de leur appartenance
ou de leur non-appartenance, vraie ou supposées à ... une
nation ... déterminée ... " et qu’aux termes de l’article
225-2 du même code : "La discrimination définie à l’article
225- 1, commise à l’égard d’une personne physique on
morale, est punie de deux ans d’emprisonnement et de 200 000 F d’amende
lorsqu’elle consiste . 1°) à refuser la fourniture d’un bien
ou d’un service ;... 4°) à subordonner la fourniture d’un bien
on d’un service à une condition fondée sur l’un des éléments
visés à l’article 225-1 ., " ;
Considérant qu’il résulte de ce qui précède
que la distinction entre Français et étrangers pratiquée
par l’association Fraternité française dans son action de
bienfaisance présente le caractère d’une discrimination contraire
a la loi ; que par suite, la commune de Vitrolles ne pouvait légalement
ni mettre un local à sa disposition à titre gratuit ni lui
allouer deux subventions de fonctionnement d’un montant de 20 000 F pour
les années 1998 et 1999 ; que, dès lors, la décision
n°98.431 du maire doit être annulée ; que les délibérations
du conseil municipal en date des 23 avril 1998 et 25 mars 1999 sont également,
dans cette mesure, entachées d’excès de pouvoir et doivent
être annulées, en tant qu’elles allouent les subventions litigieuses
à l’association Fraternité française ;
Sur les conclusions aux fins d’injonction et d’astreinte :
Considérant qu’aux termes de l’article L. 8-2 du code des tribunaux
administratifs et des cours administratives d’appel : "Lorsqu’un jugement
... implique nécessairement qu’une personne morale de droit public
... prenne une mesure d’exécution dans un sens déterminé,
le tribunal administratif ... , saisi de conclusions en ce sens, prescrit
cette mesure, assortie, le cas échéant, d’un délai
d’exécution, par le même jugement ... " et qu’aux termes de
l’article L. 8-3 : "Saisi de conclusions, en ce sens, le tribunal ... peut
assortir, dans la même décision, l’injonction prescrite en
application de l’article L. 8-2 d’une astreinte qu’il prononce dans les
conditions prévues au quatrième alinéa de l’article
L. 8-4 et dont il fixe la date d’effet" ;
Considérant que, l’interdiction de toute forme de soutien à
l’association Fraternité française ne peut pas être
regardée comme la conséquence nécessaire de l’annulation
des décisions attaquées au sens des dispositions précitées
de l’article L. 8-2 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives
d’appel ; qu’en revanche, l’exécution du présent jugement
implique nécessairement que la commune de Vitrolles, d’une part,
fasse restituer par l’association Fraternité française qui
en a été bénéficiaire, le montant des subventions
de 20 000 F qui lui ont été versées pour les années
1998 et 1999 et, d’autre part, résilie le contrat de location conclu
avec cette association et fasse procéder au remboursement par celle-ci
des sommes correspondant au montant des consommations d’eau, de chauffage
et d’électricité que la commune a exposées pour son
compte au titre du local qu’elle a mis gratuitement à la disposition
de ladite association ; qu’il y a lieu d’enjoindre à cette collectivité
de prendre une décision en ce sens dans le délai de deux
mois à compter de la notification du présent jugement ; qu’en
outre, il y a lieu, compte tenu des circonstances de l’affaire, de prononcer
contre la commune de Vitrolles, a défaut pour elle de justifier
de l’exécution de la présente décision dans le délai
imparti, une astreinte de 500 F par jour jusqu’à la date à
laquelle le présent jugement aura reçu exécution ;
Sur l’application de l’article L.8-1 du code des tribunaux administratifs
et des cours administratives d’appel :
Considérant qu’il y a lieu, dans les circonstances de l’espèce,
de condamner la commune de Vitrolles à payer à M. LEBON,
à L’ASSOCIATION RAS L’FRONT VITROLLES, à Mme MORVAN et à
Mme VILLIEN une somme globale de 5 000 F au titre des frais exposés
par eux et non compris dans les dépens ;
Considérant qu’en vertu des dispositions de l’article L. 8-1
du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d’appel,
le Tribunal ne peut pas faire bénéficier la partie tenue
aux dépens ou la partie perdante du paiement par l’autre partie
des frais qu’elle a exposés à l’occasion du litige soumis
au juge ; que les conclusions présentées à ce titre
par la commune de Vitrolles doivent dès lors être rejetées
;