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Conseil d’Etat, 28 octobre 2002, n° 227610, Sarl Lobelle

Pour l’application du principe de rétroactivité de la loi pénale plus douce, il y a lieu de comparer, non pas le montant total des sommes mises à la charge du contribuable, mais uniquement celui des majorations présentant un caractère de sanction à l’exclusion des sommes dues au titre des intérêts de retard.

CONSEIL D’ETAT

Statuant au contentieux

N° 227610

SARL LOBELLE

M. Mahé
Rapporteur

M. Vallée
Commissaire du gouvernement

Séance du 9 octobre 2002
Lecture du 28 octobre 2002

REPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

Le Conseil d’Etat statuant au contentieux

(Section du contentieux, Sème et 10ème sous-sections réuni es-)

Sur le rapport de la 9ème sous-section de la Section du contentieux

Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 30 novembre 2000 et 29 mars 2001 au secrétariat du contentieux du Conseil d’Etat, présentés pour la SARL LOBELLE, dont le siège est 7, rue Joséphine à La Madeleine (59110) ; la SARL LOBELLE demande au Conseil d’Etat :

1°) d’annuler l’arrêt du 28 septembre 2000 par lequel la cour administrative d’appel de Douai a rejeté sa requête tendant à l’annulation du jugement du 9 novembre 1995 du tribunal administratif de Lille en tant qu’il a rejeté ses conclusions tendant à la décharge des cotisations supplémentaires à l’impôt sur les sociétés ainsi que des pénalités y afférentes auxquelles elle a été assujettie au titre des années 1981 à 1984, et de la taxe sur la valeur ajoutée mise à sa charge au titre de la période du 1er juillet 1981 au 31 décembre 1985 ;

2°) d’ordonner la décharge des impositions contestées ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code général des impôts ;

Vu la loi n° 87-502 du 8 juillet 1987 ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de M. Mahé, Maître des Requêtes,
- les observations de la SCP Piwnica, Molinié, avocat de la SARL LOBELLE,
- les conclusions de M. Vallée, Commissaire du gouvernement ;

Considérant qu’aux termes de l’article 1733 du code général des impôts, dans sa rédaction antérieure à l’entrée en vigueur de la loi susvisée du 8 juillet 1987 : "En cas de taxation d’office à défaut de déclaration dans les délais prescrits, les droits mis à la charge du contribuable sont majorés du montant de l’intérêt de retard prévu à l’article 1728, sans que ce montant puisse être inférieur à 10 % des droits dus pour chaque période d’imposition. La majoration est de 25 si la déclaration n’est pas parvenue à l’administration dans un délai de trente jours à partir de la notification par pli recommandé d’une mise en demeure d’avoir à la produire dans ce délai. Si la déclaration n’est pas parvenue dans un délai de trente jours après une nouvelle mise en demeure notifiée par l’administration dans les mêmes formes, la majoration est de 100 %" ; qu’aux termes de l’article 1734 du même code, dans sa rédaction alors en vigueur : "Les intérêts de retard sont calculés à partir du premier jour du mois suivant celui au cours duquel l’impôt aurait dû être acquitté... Le calcul des intérêts de retard est arrêté le dernier jour du mois de paiement" ;

Considérant qu’il ressort des pièces du dossier soumis au juge du fond que la SARL LOBELLE n’a déposé que les 13 et 20 mars 1984 ses déclarations afférentes à l’impôt sur les sociétés dû au titre des exercices clos respectivement le 30 juin 1982 et le 30 juin 1983 ; que le 29 mai 1986, l’administration a établi au titre de ces deux exercices des impositions complémentaires de 63 325 F et 8 595 F, mises en recouvrement le 30 juin 1987 et assorties de la majoration de 100 % prévue en cas de déclaration tardive par l’article 1733 précité ; que les droits résultant des déclarations en date des 13 et 20 mars 1984, soit 123 755 F et 126 420 F, ont également été frappés d’une pénalité de 100 % pour déclaration tardive, mise en recouvrement le 31 décembre 1990 ;

Considérant que, dans la comparaison qu’implique la mise en oeuvre du principe de rétroactivité de la loi pénale plus douce, la SARL LOBELLE fait grief à l’arrêt attaqué d’avoir jugé que les pénalités qui lui ont été infligées en vertu de l’article 1733 précité étaient plus légères que celles qu’elle aurait encourues en application de l’article 1728 nouveau du code général des impôts, dans sa rédaction issue de la loi du 8 juillet 1987 susvisée ;

Considérant qu’aux termes du 1 de l’article 1728 du code général des impôts, dans sa rédaction issue de ladite loi du 8 juillet 1987 : "Lorsqu’une personne physique ou morale ou une association tenue de souscrire une déclaration ou de présenter un acte comportant l’indication d’éléments à retenir pour l’assiette ou la liquidation de l’un des impôts, droits, taxes, redevances ou sommes établis ou recouvrés par la direction générale des impôts s’abstient de souscrire cette déclaration ou de présenter cet acte dans les délais, le montant des droits mis à la charge du contribuable ou résultant de la déclaration ou de l’acte déposé tardivement est assorti de l’intérêt de retard visé à l’article 1727 et d’une majoration de 10 %" ; qu’aux termes du 2 du même article : "Le décompte de l’intérêt de retard est arrêté soit au -dernier jour du mois de la notification de redressement, soit au dernier jour du mois au cours duquel la déclaration ou l’acte a été déposé" ; qu’aux termes du 3 du même article : "La majoration visée au 1 est portée à ... 80 % lorsque le document n’a pas été déposé dans les trente jours suivant la réception d’une deuxième mise en demeure" ;

Considérant, en premier lieu, que lorsque l’administration redresse des bases d’imposition déclarées plus de trente jours après une deuxième mise en demeure, la pénalité de 80 % prévue par l’article 1728 précité, dans sa rédaction issue de la loi du 8 juillet 1987, s’applique, contrairement à ce que soutient la requérante, à l’ensemble des droits dus par le contribuable, qu’ils résultent de la déclaration déposée tardivement ou du redressement effectué après cette déclaration tardive ; que c’est donc sans commettre d’erreur de droit que la cour administrative d’appel de Douai a jugé que le montant des pénalités auxquelles la société requérante aurait été soumise en application des dispositions nouvelles issues de la loi du 8 juillet 1987 devait être calculé en appliquant un taux de 80 % à l’ensemble des droits mis à la charge du contribuable et non uniquement à ceux qui résultaient de ses déclarations ; que, dès lors, il y a lieu d’écarter le moyen tiré de ce que la cour n’a pas relevé d’office qu’à l’occasion du redressement du 29 mai 1986, l’administration n’avait retenu à l’encontre de la société contribuable ni la qualification de mauvaise foi, ni celle de manoeuvre frauduleuse ;

Considérant, en second lieu, que pour l’application du principe de rétroactivité de la loi pénale plus douce, il y a lieu de comparer, non pas le montant total des sommes mises à la charge du contribuable, mais uniquement celui des majorations présentant un caractère de sanction à l’exclusion des sommes dues au titre des intérêts de retard ; qu’il ne ressort pas des pièces du dossier soumis aux juges du fond que la majoration effectivement appliquée, au taux de 100 % alors prévu par l’article 1733 du code général des impôts, aux droits mis à la charge de la société requérante excéderait, après défalcation des intérêts de retard qui auraient été encourus à défaut de cette majoration, la pénalité de 80 % prévue par l’article 1728 du code général des impôts, dans sa rédaction issue de la loi du 8 juillet 1987 ; que la cour administrative d’appel n’a donc pas méconnu le principe de la loi répressive plus douce, en jugeant qu’il n’y avait pas lieu de faire application à la requérante des dispositions issues de la loi du 8 juillet 1987, alors même que le montant global des pénalités et des intérêts supportés par la requérante sous l’empire de ces nouvelles dispositions serait supérieur à la majoration de 100 % qu’elle aurait simplement encourue en application des anciennes dispositions de l’article 1733 ;

Considérant qu’il résulte de ce qui précède que la SARL LOBELLE n’est pas fondée à demander l’annulation de l’arrêt attaqué ;

D E C I D E :

Article 1er : La requête de la SARL LOBELLE est rejetée.

Article 2 : La présente décision sera. notifiée à la SARL LOBELLE et au ministre de l’économie, des finances et de l’industrie.

 


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