format pour impression
(imprimer)

DANS LA MEME RUBRIQUE :
Conseil d’Etat, 15 octobre 2003, n° 250593, M. Hocine M.
Conseil d’Etat, 20 janvier 1995, n° 136632, Hoke
Conseil d’Etat, 10 avril 2002, n° 227746, Groupe d’information et de soutien des immigrés (GISTI)
Conseil d’Etat, 11 juin 2004, n° 249473, Ministre de l’intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales c/ M. K. K. B.
Conseil d’Etat, 6 novembre 2002, n° 248774, Ministre de l’intérieur de la sécurité intérieure et des libertés locales c/ M. M.
Conseil d’Etat, 18 février 2008, n° 306238, Ministre de l’intérieur, de l’outre-mer et des collectivités territoriales c/ M. B I.
Conseil d’Etat, 14 mars 2003, n° 229020, M. Y. C. M. 
Conseil d’Etat, 15 mars 2002, n° 236539, Ministre de l’Intérieur c/ M. B.
Cour administrative d’appel de Lyon, 24 juillet 2003, n° 98LY01695, Mme Marie-Antoinette F.
Cour administrative d’appel de Bordeaux, 17 février 2004, n° 01BX02617, Mle J.




Tribunal administratif de Lille, référé, 3 juillet 2002, n° 022435, M. Rodolfo M. c/ Préfet du Pas-de-Calais

A elle seule la conclusion d’un pacte civil de solidarité par un ressortissant étranger soit avec un ressortissant français soit avec un ressortissant étranger en situation régulière, n’emporte pas la délivrance de plein droit d’une carte de séjour temporaire. La conclusion d’un tel contrat constitue cependant pour l’autorité administrative un élément de la situation personnelle de l’intéressé, dont elle doit tenir compte, pour apprécier si un refus de délivrance de la carte de séjour sollicitée par le demandeur, compte tenu de l’ancienneté de la vie commune avec son partenaire, n’entraînerait pas une atteinte excessive à son droit au respect de sa vie privée. Si tel est le cas, l’autorité préfectorale ne saurait légalement prendre à son encontre un arrêté ordonnant se reconduite à la frontière.

TRIBUNAL ADMINISTRATIF DE LILLE

N° 022435

M. Rodolfo M.
c/ Préfet du Pas-de-Calais

M. Jaosidy
Magistrat délégué

Jugement du 3 juillet 2002

REPUBLIQUE FRANCAJSE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LE CONSEILLER DELEGUE PAR LE PRESIDENT DU TRIBUNAL ADMINISTRATIF DE LILLE

Vu la requête, enregistrée le 29 juin 2002 à 8h35, présentée par M. Rodolfo M. ; M. M. demande au Tribunal :

- d’annuler pour excès de pouvoir de l’arrêté n° 02620952 du 19 juin 2002, notifié par voie postale le 26 juin 2002, par lequel le préfet du Pas-de-Calais a ordonné sa reconduite à la frontière ;
- d’annuler la décision du même jour du préfet du Pas-de-Calais fixant les Philippines comme pays de destination ;

Il soutient :
- que la décision de reconduite à la frontière méconnaît son droit à la vie privée et familiale ;

Vu le mémoire en défense, enregistré au greffe du tribunal le 3 juillet 2002, présenté par le préfet du Pas-de-Calais le défendeur conclut au rejet de la requête ;

Il soutient :
- que l’arrêté décidant la reconduite à la frontière du requérant a été pris par une autorité compétente ;
- que le requérant ne peut justifier dune ancienneté de vie commune avec un ressortissant français d’au mois 3 années ;

Vu les décisions attaquées ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales ;

Vu l’ordonnance n° 45-2658 du 2 novembre 1945, modifiée, relative aux conditions d’entrée et de séjour des étrangers en France ;

Vu la loi n° 99-944 du 15 novembre 1999 relative au pacte civil de solidarité ;

Vu le code de justice administrative ;

Vu la décision en date du 2 janvier 2002 par laquelle le président du Tribunal a délégué les pouvoirs qui lui sont attribués par l’article 22 bis de l’ordonnance n° 45-2658 du 2 novembre 1945, modifiée, à M. Jaosidy, conseiller ;

Vu les pièces figurant au dossier attestant que les parties ont été régulièrement averties du jour de l’audience ;

Après avoir entendu au cours de l’audience publique du 3 juillet 2002 :
- le rapport de M. Jaosidy, conseiller délégué, assisté de M. Rétif, greffier ;
- les observations de Maitre Vandermeeren, avocat, qui confirme les conclusions et moyens de la requête et soutient en outre que la décision a été prise par une autorité incompétente, que ladite décision est insuffisamment motivée et que l’administration ne justifie pas avoir procédé à un examen de la situation personnelle du requérant ;
- les observations de M. M., qui confirme ses moyens et conclusions ;

Sur les conclusions dirigées contre l’arrêté ordonnant la reconduite à la frontière du requérant :

Sans qu’il soit besoin de statuer sur les autres moyens de la requête :

Considérant qu’aux termes de l’article 22-I de l’ordonnance n° 45-2658 du 2 novembre 1945, modifiée : "Le représentant de l’Etat dans le département et, à Paris, le préfet de police peuvent, par arrêté motivé, décider qu’un étranger sera reconduit à la frontière dans les cas suivants : ...3° Si l’étranger, auquel la délivrance ou le renouvellement d’un titre de séjour a été refusé ou dont le titre de séjour a été retiré, s’est maintenu sur le territoire au-delà du délai d’un mois à compter de la date de notification du refus ou du retrait." ;

Considérant que M. M., de nationalité philippine, est entré en France sous couvert d’un visa de court séjour délivré le 11 août 2001 ; qu’il s’est irrégulièrement maintenu sur le territoire français après l’expiration dudit visa ; qu’il a sollicité le 20 mars 2002 la délivrance d’une carte de séjour "vie privée et familiale" en arguant de la circonstance qu’il avait conclu un pacte civil de solidarité avec un ressortissant français le 13 décembre 2001 ; que par une décision en date du 26 mars 2002 devenue définitive, le préfet du Pas-de-Calais a refusé de faire droit à sa demande de titre de séjour et l’a invité â quitter le territoire, en application des dispositions susvisées de l’article 22 de l’ordonnance du 2 novembre 1945 ;

Considérant qu’aux termes de l’article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme : "Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. Il ne peut y avoir ingérence d’une autorité publique dans l’exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu’elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l’ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d’autrui" ;

Considérant qu’aux termes de l’article 12 de la loi n° 99-944 du 15 novembre 1999 : "La conclusion d’un pacte civil de solidarité constitue l’un des éléments d’appréciation des liens personnels en France, au sens du 7° de l’article 12 bis de l’ordonnance n° 45-2658 du 2 novembre 1945 relative aux conditions d’entrée et de séjour des étrangers en France, pour l’obtention d’un titre de séjour" ; que les dispositions de l’ordonnance n° 45-2658 du 2 novembre 1945 auxquelles il est ainsi fait référence prévoient que, sauf si la présence du demandeur constitue une menace pour l’ordre public, la carte de séjour portant la mention "vie privée et familiale" est délivrée de plein droit a l’étranger "dont les liens personnels et familiaux en France sont tels que le refus d’autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus" ;

Considérant qu’il résulte de ces dispositions, éclairées par les débats parlementaires qui ont précédé l’adoption de la loi du 15 novembre 1999, qu’à elle seule la conclusion d’un pacte civil de solidarité par un ressortissant étranger soit avec un ressortissant français soit avec un ressortissant étranger en situation régulière, n’emporte pas la délivrance de plein droit d’une carte de séjour temporaire ; que la conclusion d’un tel contrat constitue cependant pour l’autorité administrative un élément de la situation personnelle de l’intéressé, dont elle doit tenir compte, pour apprécier si un refus de délivrance de la carte de séjour sollicitée par le demandeur, compte tenu de l’ancienneté de la vie commune avec son partenaire, n’entraînerait pas une atteinte excessive à son droit au respect de sa vie privée ; que si tel est le cas, l’autorité préfectorale ne saurait légalement prendre à son encontre un arrêté ordonnant se reconduite à la frontière ;

Considérant qu’il ressort des pièces du dossier que M. M. justifie entretenir depuis le mois d’août 2001 une relation d’une stabilité suffisante avec la personne avec laquelle il a conclu un pacte civil de solidarité ; qu’il a en outre à de nombreuses reprises manifesté son intention de s’intégrer dans la société française, notamment par sa participation à des cours de français ; qu’eu égard aux effets d’une mesure de reconduite à la frontière, il est ainsi fondé à soutenir que la décision attaquée a porté au droit au respect de sa vie privée une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels elle a été prise ;

Considérant qu’il résulte de ce qui précède que la décision du Préfet du Pas-de-Calais ordonnant la reconduite à la frontière de M. M. doit être annulée ; que par voie de conséquence, il en va de même de la décision fixant le pays de destination du requérant ;

D E C I D E

Article 1er : La décision du préfet du Pas-de-Calais ordonnant la reconduite â la frontière de M. M., ensemble la décision fixant le pays de renvoi sont annulées.

Article 2 : Le présent jugement sera notifié à M. M. Rodolfo. à M. le préfet du Pas-de-Calais.

 


©opyright - 1998 - contact - Rajf.org - Revue de l'Actualité Juridique Française - L'auteur du site
Suivre la vie du site