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Conseil d’Etat, référé, 18 mars 2002, n° 244081, GIE Sport Libre et autre

La solution du litige est liée à la question de savoir si la relation en direct par voie radiophonique d’une compétition sportive relève des « droits d’exploitation » prévus par ces dispositions et si les règles qui, pour la télévision, découlent de ces dernières sont également applicables à la radiodiffusion. A cet égard ces dispositions comportent une ambiguïté en raison de l’emploi simultané, au deuxième alinéa de l’article 18-2, des termes « services de communication audiovisuelle » et « images ».

CONSEIL D’ETAT

Statuant au contentieux

N° 244081

GIE SPORT LIBRE et autre

Ordonnance du 18 mars 2002

REPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

LE JUGE DES REFERES

Vu, enregistrée au secrétariat du contentieux du Conseil d’Etat, le 14 mars 2002, la requête présentée pour le GIE SPORT LIBRE, Groupement d’intérêt économique, dont le siège social est situé 116 avenue du Président Kennedy à (75220) Paris Cédex 16, et pour la Société Nationale de Radiodiffusion Radio France, Société Nationale de Programme au capital de 1.560.000 euros, dont le siège social-est situé 116 avenue du Président Kennedy à (75220) Paris Cédex 16, et tendant à ce que, sur le fondement de l’article L.521-2 du code de justice administrative, le juge des référés du Conseil d’Etat

- enjoigne à la Ligue Nationale de football de ne conférer aucune exclusivité à aucune radio, service ou entreprise de communication radiophonique pour les manifestations et compétitions qu’elle organise, de ne procéder à cet égard à aucune cession et de maintenir la possibilité de rendre compte librement en direct par voie radiophonique de ces manifestations et compétitions ;

- suspende l’exécution de la délibération du 20 décembre 2001 ;

- condamne la Ligue Nationale de football à lui verser la somme de 4 000 euros sur le fondement de l’article L.761-1 du code de justice administrative ;

Ils soutiennent qu’il y a urgence dès lors que la Ligue a demandé aux radios de déposer leurs offres au plus tard le 22 mars 2002 et a annoncé son intention de prendre sa décision dans les trente jours suivants ; que la délibération du 20 décembre 2001, porte atteinte à toutes les composantes de la liberté de l’information, tant vis-à-vis des auditeurs que vis-à-vis des journalistes et des médias ; que si les articles 18-1 et suivants de la loi du 16 juillet 1984 ont prévu, au profit des fédérations sportives une exclusivité du droit d’exploitation des compétitions qu’elles organisent, ces définitions ne valent que pour la transmission d’images et non pour les services de radiodiffusion ;

Vu, enregistrées le 15 mars 2002 les observations présentées pour la Ligue Nationale de football, qui tendent d’une part au rejet de la demande et, d’autre part à ce que les requérants soient condamnés à lui payer une amende de 5 500 euros au titre de l’article L.761-1 du code de justice administrative ; la Ligue Nationale de football soutient que la juridiction administrative n’est pas compétente, aucune prérogative de puissance publique n’étant en cause ; qu’il n’y a pas urgence dès lors que le lancement d’une procédure d’appel d’offres constitue une mesure préparatoire insusceptible de recours, que la date limite pour le dépôt des candidatures a été repoussée au 2 avril et que des discussions sont en cours ; qu’aucune atteinte illégale à la liberté d’information ne résulterait de la commercialisation éventuelle du droit d’exploitation des compétitions organisées par la Ligue ; que les articles 18-1 et suivants de la loi du 16 juillet 1984 autorisent implicitement la commercialisation ou la retransmission en direct des matches de football, non seulement par les télévisions mais aussi par les radios ; que l’exclusivité de la retransmission en direct des matches respecterait le droit à l’information et notamment le libre accès des journalistes ;

Vu la loi n° 84-610 du 16 juillet 1984 ;

Vu la loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986 ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir convoqué à une audience publique, d’une part, le Groupement d’intérêt économique Sport Libre, d’autre part la Société Nationale de Radiodiffusion Radio France ;

Vu le procès-verbal de l’audience publique du 16 mars 2002 à 10 heures à laquelle ont été entendus :
- Me VIER, avocat au Conseil d’Etat et à la Cour de cassation, avocat du GIE SPORT LIBRE et de la Société Nationale de Radiodiffusion Radio France,
- Me THIRIEZ, avocat au Conseil d’Etat et à la Cour de cassation, avocat de la Ligue Nationale de football,

Sur l’exception d’incompétence de la juridiction administrative invoquée par la Ligue Nationale de football :

Considérant qu’en exécution d’une délibération du 20 décembre 2001 de son conseil d’administration, la Ligue Nationale de football a lancé, le 22 février 2002, une procédure d’appel d’offres pour la commercialisation des « droits radiophoniques » liés aux compétitions qu’elle organise ;

Considérant que la décision, révélée par cette délibération et cet appel d’offres, de réserver la possibilité de relater en direct par voie radiophonique les matches des compétitions que la Ligue organise à un ou plusieurs services radiophoniques auxquels des droits exclusifs auraient été conférés par contrat à titre onéreux tend à modifier unilatéralement l’état du droit ; que sa légalité ne peut dès lors être appréciée qu’au regard des prérogatives de puissance publique que la Ligue Nationale de football tient de la loi du 16 juillet 1984 ; qu’ainsi, et quelle que soit la nature des contrats qui seraient conclus dans ce cadre, la Ligue Nationale de football n’est pas fondée à soutenir que la demande du GIE SPORT LIBRE et de la Société Nationale de Radiodiffusion Radio France ne relèverait pas de la compétence de la juridiction administrative ;

Au fond :

Considérant que la mise en oeuvre par le juge des référés des pouvoirs prévus à l’article L.521-2 du code de justice administrative est subordonnée notamment à la condition qu’une atteinte « manifestement illégale » soit portée à une liberté fondamentale ;

Considérant qu’en l’état de l’instruction l’éventuel fondement légal de la décision de la Ligue Nationale de football doit être recherché dans les dispositions des articles 18-1 et 18-2 de la loi du 16 juillet 1984 ;

Considérant qu’aux termes du 1er alinéa de l’article 18-1 de cette loi : « Les fédérations visées aux articles 16 et 17, ainsi que les organisateurs tels que définis à l’article 18, sont seuls propriétaires du droit d’exploitation des manifestations ou compétitions sportives qu’ils organisent » ; qu’aux termes du 1er alinéa de l’article 18-2 : « la cession du droit d’exploitation d’une manifestation ou d’une compétition sportive à un service de communication audiovisuelle ne peut faire obstacle à l’information du public par les autres services de communication audiovisuelle. » ; qu’aux termes enfin du 2ème alinéa du même article 18-2 : « Le vendeur ou l’acquéreur de ce droit ne peuvent s’opposer à la diffusion, par d’autres services de communication audiovisuelle, de brefs extraits prélevés à titre gratuit parmi les images du ou des services cessionnaires et librement choisis par le service non cessionnaire du droit d’exploitation qui les diffuse. » ;

Considérant que la solution du litige est liée à la question de savoir si la relation en direct par voie radiophonique d’une compétition sportive relève des « droits d’exploitation » prévus par ces dispositions et si les règles qui, pour la télévision, découlent de ces dernières sont également applicables à la radiodiffusion ;

Considérant qu’à cet égard ces dispositions comportent une ambiguïté en raison de l’emploi simultané, au deuxième alinéa de l’article 18-2, des termes : « services de communication audiovisuelle » et « images » ; qu’eu égard à cette ambiguïté, l’illégalité qui serait susceptible d’entacher la décision de la Ligue Nationale de football n’est, en tout cas, pas « manifeste » ;

Considérant, dès lors, et sans qu’il y ait lieu de rechercher si les autres conditions de mise en oeuvre de l’article L.521-2 du code de justice administrative sont remplies, que la demande présentée sur ce fondement doit être rejetée ;

Sur l’application des dispositions de l’article L.761-1 du code de justice administrative

Considérant, d’une part, que ces dispositions font obstacle à ce que la Ligue Nationale de football, qui n’est pas dans la présente instance la partie perdante, soit condamnée à payer au GOE SPORT LIBRE et à la Société Nationale de Radiodiffusion Radio France la somme que ceux-ci demandent au titre des frais exposés par eux et non compris dans les dépens ;

Considérant, d’autre part, que dans les circonstances de l’espèce, il n’y a pas lieu de condamner le GIE SPORT LIBRE et la Société Nationale de Radiodiffusion Radio France à payer à la Ligue Nationale de football la somme que celle-ci demande au même titre ;

O R D O N N E :

Article 1 : La demande du GIE SPORT LIBRE et de la Société Nationale de Radiodiffusion Radio France est rejetée.

Article 2 : Les conclusions de la Ligue Nationale de football tendant à l’application de l’article L.761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 3 : La présente ordonnance sera notifiée au GIE SPORT LIBRE, à la Société Nationale de Radiodiffusion Radio France et à la Ligue Nationale de football. Copie en sera adressée, pour information au ministre de la jeunesse et des sports et au Conseil supérieur de l’audiovisuel.

Fait à Paris, le 18 mars 2002

Signé : D. Labetoulle

Pour expédition conforme,

Pour le Secrétaire

 


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