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Cour administrative d’appel de Paris, 6 mai 2004, n° 99PA03747, Elisabeth B.

Aucune disposition du code des communes de la Polynésie française n’autorise le maire, en l’absence de péril imminent, à s’immiscer dans l’exercice de la police spéciale des installations classées que le code de l’aménagement de la Polynésie française attribue au président du gouvernement. Ainsi, il n’appartenait pas au maire de Papara, dès lors que le fonctionnement irrégulier de la porcherie ne menaçait pas gravement la santé et la salubrité publiques dans la commune, de se substituer aux autorités du Territoire pour faire respecter, par l’exploitant de la porcherie, les dispositions législatives et réglementaires relatives aux installations classées.

COUR ADMINISTRATIVE D’APPEL DE PARIS

N° 99PA03747

Mme B.

Mme TRICOT
Président

M. DUPOUY
Rapporteur

M. HAÏM
Commissaire du Gouvernement

Séance du 22 avril 2004
Lecture du 6 mai 2004

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR ADMINISTRATIVE D’APPEL DE PARIS

VU, enregistrée au greffe de la cour le 12 novembre 1999, la requête présentée pour Mme Elisabeth B., par la SCP LE BRET-LAUGIER, avocat au Conseil d’Etat et à la Cour de cassation ; Mme B. demande à la cour :

1°) de réformer le jugement du 6 juillet 1999 en tant que, par ce jugement, le tribunal administratif de Papeete a, d’une part, prononcé la mise hors de cause de la commune de Papara et, d’autre part, limité à la somme de 1 000 000 FCP l’indemnité due en réparation du préjudice qu’elle a subi du fait des nuisances et pollutions provoquées par l’élevage porcin exploité par M. Chin Foo ;

2°) de condamner le territoire de la Polynésie française et la commune de Papara, conjointement et solidairement, à lui verser la somme de 13 745 445 FCP, augmentée des intérêts au taux légal et de la capitalisation de ces intérêts ;

3°) de condamner le territoire de la Polynésie française et la commune de Papara à lui verser une somme de 12 000 F au titre des frais irrépétibles ;

VU les autres pièces du dossier ;

VU la loi n° 96-312 du 12 avril 1996 portant statut d’autonomie de la Polynésie française ;

VU la loi n° 96-313 du 12 avril 1996 complétant le statut d’autonomie de la Polynésie française ;

VU le code des communes de la Polynésie française ;

VU le code de l’aménagement de la Polynésie française ;

VU le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l’audience ;

Après avoir entendu au cours de l’audience publique du 22 avril 2004 :
- le rapport de M. DUPOUY, premier conseiller,
- les observations de Me FLORENTIN, avocat, pour Mme B., et celles de Me de BAILLIENCOURT, avocat, pour le gouvernement de la Polynésie française,
- et les conclusions de M. HAÏM, commissaire du Gouvernement ;

Considérant qu’il résulte de l’instruction que Mme TCHEN, épouse B., a, par acte notarié du 16 avril 1976, acquis un terrain sur la commune de Papara (Tahiti) afin d’y établir une exploitation agricole ; que la mise en valeur de ce terrain a été contrariée par les nuisances provoquées par l’exploitation d’une porcherie voisine, autorisée par arrêté du 2 juillet 1975 sous réserve de l’obtention d’un permis de travaux immobiliers de nature à permettre son fonctionnement dans des conditions réglementaires ; qu’il est constant que, dans le délai de validité de cette autorisation conditionnelle, ce permis n’a pas été demandé et les travaux en cause n’ont pas été réalisés ;

Sur la responsabilité :

En ce qui concerne la commune de Papara :

Considérant qu’aucune disposition du code des communes de la Polynésie française n’autorise le maire, en l’absence de péril imminent, à s’immiscer dans l’exercice de la police spéciale des installations classées que le code de l’aménagement de la Polynésie française attribue au président du gouvernement ; qu’ainsi, il n’appartenait pas au maire de Papara, dès lors que le fonctionnement irrégulier de la porcherie ne menaçait pas gravement la santé et la salubrité publiques dans la commune, de se substituer aux autorités du Territoire pour faire respecter, par l’exploitant de la porcherie, les dispositions législatives et réglementaires relatives aux installations classées ; que, par suite, le gouvernement de la Polynésie française n’est pas fondé à soutenir que, faute pour le maire d’être intervenu pour faire constater les infractions dont il avait connaissance et faire cesser les causes de la pollution, la commune de Papara serait entièrement responsable des dommages dont Mme B. a demandé réparation ; que cette dernière n’est pas davantage fondée à demander que la commune soit déclarée responsable desdits dommages conjointement et solidairement avec le territoire de la Polynésie française ;

En ce qui concerne le territoire de la Polynésie française :

Considérant que Mme B. a fait constater par huissier le 23 janvier 1991 l’existence de nuisances provoquées par la porcherie, se manifestant par des odeurs nauséabondes et des rejets, notamment sur le terrain de la requérante, de lisiers, d’eaux usées et de déchets divers ; que la délégation à l’environnement, après une visite des lieux effectuée le 3 juin 1991, décidait d’accorder à l’exploitant de la porcherie un délai expirant le 10 juin 1994 pour la mise en place d’un système d’assainissement avec construction d’une fosse provisoire ; que, par décision en date du 1er juillet 1994, le ministère de l’environnement accordait à l’exploitant un délai supplémentaire, devant s’achever le 16 février 1995, pour la mise en conformité de son installation ; qu’un rapport de la délégation à l’environnement établi à la suite d’une nouvelle visite des lieux effectuée le 17 avril 1997 constatait la disparition presque complète de la pollution liée à l’exploitation de la porcherie ;

Considérant qu’il résulte de l’instruction que, si les nuisances subies par la propriété de Mme B. ont été directement causées par les conditions d’exploitation de la porcherie voisine, le ministère de l’environnement de la Polynésie française, en laissant se poursuivre l’exploitation, pendant une période anormalement longue, dans des conditions non conformes aux prescriptions de l’arrêté d’autorisation, a commis une faute de nature à engager la responsabilité du Territoire ; que, dès lors, le gouvernement de la Polynésie française n’est pas fondé à soutenir que c’est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Papeete a déclaré le Territoire responsable du préjudice subi par Mme B. ;

Sur l’appréciation du préjudice :

Considérant, en premier lieu, que Mme B. demande l’indemnisation du préjudice matériel résultant pour elle de la présence de la porcherie et des conditions irrégulières d’exploitation jusqu’en 1997 ; que la perte de valeur de la propriété, acquise postérieurement à l’installation de la porcherie, ne constitue pas un préjudice certain et donc indemnisable ; qu’il est établi, en revanche, que les conditions d’exploitation du terrain de Mme B. ont été affectées par la proximité de la porcherie ; que, compte-tenu des pièces justificatives d’achat produites relatives aux équipements amortissables nécessaires à l’exploitation, les frais liés à l’immobilisation prolongée du matériel agricole acquis pour la mise en valeur du terrain peuvent être évalués à la somme de 2 010 212 FCP ; que les pertes de revenus d’exploitation alléguées ne sont assorties d’aucune justification chiffrée ;

Considérant, en second lieu, que Mme B. a subi pendant plusieurs années les inconvénients résultant de l’exploitation irrégulière de la porcherie, qui se sont aggravés à partir du début des années 1990 ; qu’eu égard à l’importance des nuisances subies, il ne sera pas fait une excessive appréciation des troubles de jouissance de toute nature subis de ce chef en allouant à la requérante une somme de 2 000 000 FCP ;

Sur les intérêts et les intérêts des intérêts :

Considérant que Mme B. a droit aux intérêts au taux légal afférents à la somme de 4 010 212 FCP à compter du 8 août 1996, date de la présentation de sa demande d’indemnité ; que Mme B. a demandé le 12 novembre 1999 la capitalisation des intérêts ; qu’à cette date, les intérêts étaient dus pour une année entière ; qu’il y a lieu, dès lors, de faire droit à cette demande tant à cette date qu’à chaque échéance annuelle à compter de cette date ;

Sur les conclusions tendant à l’application de l’article L.761-1 du code de justice administrative :

Considérant, d’une part, qu’il y a lieu, dans les circonstances de l’espèce, en application des dispositions de l’article L.761-1 du code de justice administrative, de condamner le territoire de Polynésie française à payer à Mme B. une somme de 1 800 euros au titre des frais exposés par cette dernière et non compris dans les dépens ; qu’il y a lieu, en revanche, de rejeter les conclusions présentées à ce même titre par Mme B. contre la commune de Papara et par le commune contre Mme B. ;

Considérant, d’autre part, que les dispositions de l’article L.761-1 font obstacle à ce que Mme B., qui n’est pas, dans la présente instance, la partie perdante, soit condamnée à verser au territoire de Polynésie française la somme que demande le territoire au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens ;

D E C I D E

Article 1er : La somme de 1 000 000 FCP que le territoire de la Polynésie française a été condamné à verser à Mme B. par le jugement du tribunal administratif de Papeete en date du 6 juillet 1999 est portée à 4 010 212 FCP. Cette somme portera intérêt au taux légal à compter du 8 août 1996. Les intérêts échus le 12 novembre 1999 puis à chaque échéance annuelle à compter de cette date seront capitalisés à chacune de ces dates pour produire eux-mêmes intérêts.

Article 2 : Le jugement du tribunal administratif de Papeete du 6 juillet 1999 est réformé en ce qu’il a de contraire au présent arrêt.

Article 3 : Le territoire de la Polynésie française versera à Mme B. une somme de 1 800 euros au titre de l’article L.761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête de Mme B. et l’appel incident du territoire de la Polynésie française sont rejetés.

Article 5 : Les conclusions du territoire de la Polynésie française et de la commune de Papara tendant à l’application de l’article L.761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

 


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