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Conseil d’Etat, 3 mai 2004, n° 252926, Coordination rurale - Union nationale

S’il résulte des dispositions précitées de l’article L. 133-1 du code du travail qu’un accord ne peut être étendu à l’ensemble des entreprises comprises dans son champ d’application, y compris lorsqu’elles constituent une branche d’activité distincte, que s’il a été négocié et conclu par les organisations représentatives dans ce champ d’application et, le cas échéant, dans cette branche, la circonstance qu’un accord a été en outre signé par une ou des organisations non représentatives ne fait pas légalement obstacle à son extension.

CONSEIL D’ETAT

Statuant au contentieux

N° 252926

COORDINATION RURALE - UNION NATIONALE

Mme de Salins
Rapporteur

M. Stahl
Commissaire du gouvernement

Séance du 5 avril 2004
Lecture du 3 mai 2004

REPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

Le Conseil d’Etat statuant au contentieux

(Section du contentieux, 1ère et 6ème sous-sections réunies)

Sur le rapport de la 1ère sous-section de la Section du contentieux

Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 27 décembre 2002 et 28 avril 2003 au secrétariat du contentieux du Conseil d’Etat, présentés pour le syndicat COORDINATION RURALE - UNION NATIONALE, dont le siège est 15, rue Paul Descomps à Auch (32022) ; la COORDINATION RURALE - UNION NATIONALE demande au Conseil d’Etat d’annuler pour excès de pouvoir l’arrêté du ministre de l’agriculture, de l’alimentation, de la pêche et des affaires rurales en date du 28 octobre 2002 portant extension d’un accord collectif national de travail sur les saisonniers, sur diverses dispositions sur les contrats à durée déterminée et sur l’organisation de la gestion prévisionnelle de l’emploi en agriculture ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code du travail ;

Vu le code rural ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de Mme de Salins, Maître des Requêtes,
- les observations de la SCP Peignot, Garreau, avocat de la COORDINATION RURALE - UNION NATIONALE,
- les conclusions de M. Stahl, Commissaire du gouvernement ;

Sur la recevabilité de la requête :

Considérant que, alors que l’article 18, deuxième alinéa, des statuts de la COORDINATION RURALE - UNION NATIONALE prévoit que toute action en justice est intentée par son président, sous sa responsabilité et sous celle du comité directeur qui l’autorise à cet effet, l’assemblée générale de cette Union, qui réunit l’ensemble des organisations adhérentes et, au surplus, est convoquée par le comité directeur qui en fixe l’ordre du jour, a, par une délibération du 27 novembre 2002, décidé à l’unanimité de ses membres, d’autoriser le président à introduire une demande de référé suspension ainsi qu’un recours pour excès de pouvoir contre l’arrêté en date du 28 octobre 2002 par lequel le ministre chargé de l’agriculture et de la pêche a étendu l’accord collectif national de travail sur les saisonniers, sur diverses dispositions sur les contrats à durée déterminée et sur l’organisation de la gestion prévisionnelle de l’emploi en agriculture ; que, dans ces conditions, le président de cette Union doit être regardé comme ayant été valablement autorisé à introduire la présente action ; que, par suite, la fin de non-recevoir opposée par le ministre et tirée de l’absence de qualité à agir du président de la COORDINATION RURALE - UNION NATIONALE doit être écartée ;

Sur les moyens relatifs à la régularité de la procédure d’extension de l’accord :

Considérant, d’une part, qu’en vertu de l’article L. 133-8 du code du travail, l’arrêté étendant un accord ou une convention doit être pris après avis motivé de la commission nationale de la négociation collective ; qu’il résulte des dispositions de l’article L. 136-3 du code du travail que, lorsque cette commission doit donner un avis motivé sur l’extension d’un accord concernant uniquement les professions agricoles, la sous-commission compétente se réunit en une formation spécifique qui, en vertu de l’article R. 136-11 du même code, comprend cinq membres titulaires représentant les salariés des professions agricoles et cinq membres titulaires représentant les employeurs, dont les deux représentants des professions agricoles à la commission nationale et trois autres membres proposés par les représentants des employeurs à la commission nationale et choisis parmi les représentants titulaires ou suppléants des employeurs ;

Considérant qu’il est constant qu’aucun des deux représentants des professions agricoles siégeant, à la date de la décision attaquée, au titre des employeurs au sein de la commission nationale de la convention collective, conformément aux dispositions de l’article R. 136-3 du code du travail qui précisent que l’un est désigné sur proposition de la FNSEA et l’autre sur proposition de la Confédération nationale de la mutualité, de la coopération et du crédit agricoles, n’est membre de la COORDINATION RURALE - UNION NATIONALE et que les règles de désignation des autres membres de cette sous-commission en formation spécifique, ci-dessus rappelées, excluent que les trois autres représentants des employeurs qui y siègent puissent appartenir à une organisation représentant des employeurs du secteur agricole ; qu’ainsi, le syndicat requérant ne tire d’aucun texte le droit de siéger au sein de la sous-commission en formation spécifique et n’est, dès lors, pas fondé à soutenir que la procédure a été irrégulière du fait qu’aucun de ses représentants ne siégeait au sein de cette sous-commission ; que la circonstance que seuls trois des cinq représentants des employeurs ont effectivement siégé au sein de la formation spécifique de la sous-commission qui a émis un avis sur l’extension de l’accord en cause n’est pas de nature, par elle-même, à porter atteinte au principe de parité de la composition de cette sous-commission ni, par voie de conséquence, à entacher d’irrégularité l’avis ainsi émis ;

Considérant, d’autre part, que si l’article L. 133-14 du code du travail prévoit que l’extension d’un accord doit être précédée de la publication au Journal officiel d’un avis relatif à l’extension de l’accord envisagé, invitant les organisations et personnes intéressées à faire connaître leurs observations, l’article R. 133-1 du même code leur impartissant un délai de quinze jours pour formuler ces observations, ces dispositions n’ont ni pour objet ni pour effet d’imposer que la commission nationale de la négociation collective soit réunie après l’expiration de ce délai de quinze jours et que lui soient soumises les éventuelles observations formulées à la suite de la publication de cet avis ; qu’enfin, les dispositions de l’article L. 133-11 du code du travail qui prévoient qu’en cas d’opposition écrite et motivée de deux organisations d’employeurs représentées au sein de la commission nationale de la négociation collective le ministre doit consulter à nouveau cette commission, ne trouvaient pas à s’appliquer en l’espèce au seul motif que la COORDINATION RURALE - UNION NATIONALE a formulé une opposition écrite et motivée à cet accord, celle-ci n’étant pas au nombre des organisations d’employeurs représentées au sein de ladite commission ;

Considérant qu’il résulte de ce qui précède que les moyens tirés de l’irrégularité de la procédure de consultation de la commission nationale de la négociation collective doivent être écartés ;

Sur les conditions de conclusions de l’accord collectif :

Considérant qu’aux termes de l’article L. 133-1 du code du travail : " La convention de branche ou l’accord professionnel ou interprofessionnel, leurs avenants ou annexes doivent, pour pouvoir être étendus, avoir été négociés et conclus en commission composée des représentants des organisations syndicales d’employeurs et de salariés représentatives dans le champ d’application considéré " ; que l’article 1er de l’accord du 18 juillet 2002 sur les saisonniers, sur diverses dispositions sur les contrats à durée déterminée et sur l’organisation de la gestion prévisionnelle de l’emploi en agriculture prévoit que cet accord est applicable sur l’ensemble du territoire français (métropole et départements d’outre-mer) aux salariés et employeurs des exploitations et entreprises agricoles ayant une activité définie à l’article L. 722-1, 1° (à l’exception des centres équestres et des parcs zoologiques), 2° (à l’exception des entreprises de paysagisme, réalisation, entretien de parcs et jardins) et 4° du code rural ainsi qu’aux coopératives d’utilisation de matériel agricole ;

Considérant, d’une part, que s’il résulte des dispositions précitées de l’article L. 133-1 du code du travail qu’un accord ne peut être étendu à l’ensemble des entreprises comprises dans son champ d’application, y compris lorsqu’elles constituent une branche d’activité distincte, que s’il a été négocié et conclu par les organisations représentatives dans ce champ d’application et, le cas échéant, dans cette branche, la circonstance qu’un accord a été en outre signé par une ou des organisations non représentatives ne fait pas légalement obstacle à son extension ;

Considérant, d’autre part, que, pour établir sa représentativité dans le champ de l’accord en litige, la COORDINATION RURALE - UNION NATIONALE ne peut utilement se prévaloir de ce qu’elle figure sur la liste des organisations syndicales à vocation générale d’exploitations agricoles habilitées à siéger au sein des commissions, comités ou organismes à caractère national mentionnés au I de l’article 2 de la loi du 9 juillet 1999 ; que la seule circonstance qu’elle a obtenu 12, 48 % des suffrages exprimés aux dernières élections aux chambres d’agriculture, sans qu’il soit possible d’identifier dans ce pourcentage la part des seuls exploitants agricoles en activité et employant un ou des salariés, ne permet pas de regarder comme établie sa représentativité dans le champ spécifique de l’accord, lequel ne concerne que les exploitants agricoles qui emploient un ou des salariés, alors qu’il ressort des seules autres informations figurant au dossier que le nombre de ses adhérents ne représente pas plus de 0, 55 % des exploitations agricoles recourant à l’emploi de main-d’œuvre saisonnière ; que, faute pour la COORDINATION RURALE - UNION NATIONALE d’établir sa représentativité dans le champ de l’accord, le moyen tiré de ce que l’arrêté d’extension serait intervenu en méconnaissance des dispositions de l’article L. 133-1 du code du travail doit être écarté ;

Sur les moyens tirés de ce que l’accord litigieux ne pouvait faire l’objet d’un arrêté d’extension en raison de l’illégalité des stipulations de l’article 6 :

Considérant que l’extension d’un accord collectif, qui a pour effet, en vertu de l’article L. 133-8 du code du travail, de le rendre obligatoire à l’égard d’autres employeurs que ceux qui sont membres des organisations signataires, ne saurait légalement inclure celles des clauses de cet accord qui réserveraient le produit de la cotisation qu’il institue aux seules organisations qui l’ont signé ;

Considérant que les paragraphes A et B de l’article 6 de l’accord prévoient, d’une part, l’institution d’une cotisation de 0, 20 % de la masse des salaires versés par les employeurs de salariés d’exploitation et d’entreprises agricoles, d’autre part, l’affectation des sommes ainsi prélevées à une association, dénommée Provea, chargée de financer des études et des recherches dans le domaine de la gestion prévisionnelle de l’emploi en agriculture ; que le paragraphe C du même article stipule que, après déduction des " éventuels " frais de gestion et de fonctionnement de Provea, les cotisations collectées sont reversées aux " organisations représentatives au plan national et signataires de l’accord " à raison de 75 % pour les organisations représentatives d’employeurs et de 25 % pour celles représentatives de salariés ; qu’en étendant cet accord qui instaure une cotisation sur l’ensemble des entreprises entrant dans son champ d’application, sans exclure de cette extension la clause du paragraphe C de l’article 6 qui limite le bénéfice du reversement de ces fonds aux seules organisations d’employeurs ou de salariés qui en sont signataires, le ministre de l’agriculture, de l’alimentation, de la pêche et des affaires rurales a méconnu les pouvoirs qu’il tient de l’article L. 133-8 du code du travail ; que si l’extension de cette clause n’est pas divisible de l’extension des autres stipulations de l’article 6, l’extension de cet article est divisible des autres dispositions de l’arrêté d’extension critiqué ;

Considérant qu’il résulte de tout ce qui précède, et sans qu’il soit besoin d’examiner les autres moyens relatifs à l’article 6, que la COORDINATION RURALE - UNION NATIONALE est seulement fondée à demander l’annulation de l’arrêté en date du 28 octobre 2002, en tant qu’il a étendu l’article 6 de l’accord collectif national de travail du 18 juillet 2002 sur les saisonniers, sur diverses dispositions sur les contrats à durée déterminée et sur l’organisation de la gestion prévisionnelle de l’emploi en agriculture ;

D E C I D E :

Article 1er : L’arrêté en date du 28 octobre 2002 portant extension d’un accord collectif national de travail du 18 juillet 2002 sur les saisonniers, sur diverses dispositions sur les contrats à durée déterminée et sur l’organisation de la gestion prévisionnelle de l’emploi en agriculture est annulé en tant qu’il étend l’article 6 de cet accord.

Article 2 : Le surplus des conclusions de la requête de la COORDINATION RURALE - UNION NATIONALE est rejeté.

Article 3 : La présente décision sera notifiée à la COORDINATION RURALE - UNION NATIONALE et au ministre de l’agriculture, de l’alimentation, de la pêche et des affaires rurales.

Copie en sera adressée pour information au ministre de l’emploi, du travail et de la cohésion sociale.

 


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