LE CONSEIL DE LA CONCURRENCE,
Vu la lettre de saisine du ministre d’Etat, ministre de l’économie,
des finances et de la privatisation en date du 16 février 1987 ;
Vu les ordonnances n° 45-1483 et 45-1484 du 30 juin 1945 ;
Vu l’ordonnance n° 86-1243 du 1er décembre 1986 relative
à la liberté des prix et de la concurrence, modifiée,
ensemble le décret n° 86-1309 du 29 décembre 1986 fixant
les conditions d’application de cette ordonnance
Vu les pièces du dossier ;
Le rapporteur, le commissaire du Gouvernement, le rapporteur général
et les parties entendus,
Retient les constatations (I) et adopte la décision (II) ci-après
exposées :
I. - Constatations
Les faits se sont déroulés de juillet à octobre
1986. L’évolution des prix des pains était alors soumise
aux dispositions de l’engagement de lutte contre l’inflation n° 86-105
agréé le 24 janvier 1986 et de son avenant du 10 juillet
1986. Cet engagement avait prévu les augmentations suivantes
pour les prix des pains
+ 0,05 F sur le pain de 200 g
+ 0,10 F sur le pain de 500 g
Stabilité des prix pour toutes les autres catégories de
pains.
Au début du mois de juillet 1986, un grand nombre de boulangers
du département des Côtes-du-Nord ont pratiqué les augmentations
des prix suivantes
+ 0,15 F sur le pain de 200 g ,
+ 0,20 F sur le pain de 400 g ,
+ 0,40 F sur le pain de 900 g.
Une enquête menée au cours du mois d’août 1986 a
permis de constater que ces augmentations étaient appliquées
par vingt-quatre boulangers sur trente et un ayant fait l’objet d’une vérification.
Une autre enquête effectuée du 29 septembre au 3 octobre
1986 a montré que, sur cinquante-sept boulangers artisanaux, quarante
et un pratiquaient pour la flûte de 200 g un prix de vente de 2,60
F au lieu du prix maximum de 2,50 F découlant de la hausse de 0,05
F prévue par l’avenant à l’engagement de lutte contre l’inflation.
Un certain nombre de boulangers du département ont témoigné
au cours de l’enquête que les hausses de prix à appliquer
leur avaient été communiquées par le syndicat, le
plus souvent verbalement par l’intermédiaire des délégués
cantonaux de cette organisation.
Par ailleurs, dans une lettre adressée le 21 janvier 1987 au
ministre chargé de l’économie, le président du syndicat
mis en cause reconnaît que le syndicat a « préconisé
» des prix, tout en précisant que ces prix « indiqués
» s’apparentent à des prix conseillés et ne peuvent
être considérés comme des prix imposés, l’indication
de prix conseillés lui paraissant pouvoir « servir de références
à des boulangers qui ne sont pas toujours en mesure de calculer
très exactement leur prix de revient... »
II. - A la lumière des constatations qui précèdent,
le Conseil de la concurrence :
Considérant que les faits ci-dessus décrits étant
antérieurs à l’entrée en vigueur de l’ordonnance du
1er décembre 1986, les articles 50 et 51 de l’ordonnance n°
45-1483 du 30 juin 1945 demeurent applicables en l’espèce ;
Considérant que le fait pour le syndicat, qui déclare
rassembler les trois quarts des boulangers du département, d’avoir
indiqué à ceux-ci, même de manière verbale,
des hausses de prix à appliquer sur différentes catégories
de pain constitue une pratique concertée qui a eu en l’espèce
pour effet de restreindre le jeu de la concurrence en favorisant la hausse
artificielle des prix ,
Considérant que l’argument avancé par le président
du syndicat, selon lequel l’indication de prix sert de référence
aux boulangers qui ne sont pas en mesure de calculer leur prix de revient,
ne peut être retenu ; qu’en effet une telle indication ne peut au
contraire qu’inciter les artisans concernés à ne pas se préoccuper
d’établir leurs prix de vente sur la base des éléments
propres à chaque entreprise ;
Considérant qu’à supposer qu’il soit établi le
fait que les prix des pains étaient plus élevés dans
un département voisin est sans incidence sur le caractère
anticoncurrentiel des pratiques constatées ; que ce fait ne peut
non plus être invoqué aux fins de bénéficier
des dispositions de l’article 51 de l’ordonnance n° 45-1483 du 30 juin
1945 ;
Considérant qu’il ressort du dossier que le syndicat n’a pas
donné suite à la lettre de mise en garde qui lui a été
adressée le 31 juillet 1987 par la Confédération nationale
de la boulangerie et boulangerie-pâtisserie française ;
Considérant que les pratiques ainsi constatées tombaient
sous le coup de l’article 50 de l’ordonnance n° 45-1483 du 30 juin
1945 ; que de telles pratiques sont également contraires aux dispositions
de l’article 7 de l’ordonnance n° 86-1243 du 1er décembre 1986
;