LE CONSEIL DE LA CONCURRENCE,
Vu les demandes du groupe Adira à l’encontre des sociétés
Soprofilms-AAA et AMLF, présentées le 6 août 1987 et
complétées le 16 novembre 1987 ;
Vu l’ordonnance n° 86-1243 du 1er décembre 1986 relative
à la liberté des prix et de la concurrence, modifiée,
ensemble le décret n° 86-1309 du 29 décembre 1986 pris
pour son application ;
Vu les observations du médiateur du cinéma présentées
le 16 novembre 1987 ;
Vu les observations de la société Soprofilms-AAA présentées
le 17 novembre 1987 ;
Vu les observations de la société AMLF présentées
le 17 novembre 1987 ;
Le commissaire du Gouvernement et les parties entendus ;
Considérant que le groupe Adira, exploitant indépendant
de salles de cinéma à Lyon, Grenoble, Chalon-sur-Saône
et Montélimar, demande au Conseil de la concurrence de prendre les
dispositions nécessaires, sur le fondement, notamment, des articles
11, 12 et 13 de l’ordonnance n° 86-1243 du 1er décembre 1986,
pour imposer à la société Soprofilms-AAA d’assurer
une répartition équitable de la distribution de ses Films
à Grenoble, Lyon et Chalons-sur-Saône ; qu’une demande du
même jour vise en des termes identiques la société
AMLF ; qu’il y a lieu de joindre les deux demandes ;
Considérant que l’ordonnance susvisée s’applique, aux
termes de son article 53, « à toutes les activités
de production, de distribution et de services, y compris celles qui sont
le fait de personnes publiques » ; que le cinéma est un art,
mais aussi une industrie ; qu’il consiste en la production, la distribution
et l’exploitation d’oeuvres cinématographiques ; qu’ainsi, nonobstant
l’existence d’une réglementation spécifique, cette activité
est soumise aux dispositions de l’ordonnance susvisée ;
Considérant que les dispositions de l’article 12 de l’ordonnance
ne sont applicables que si les pratiques visées par la demande sont
susceptibles d’entrer dans le champ d’application des articles 7 et 8 ;
Considérant qu’à l’appui de sa demande, le groupe Adira
invoque les mesures discriminatoires dont il serait l’objet de la part
des deux sociétés en cause, distributrices de films ; que
ces mesures consisteraient en refus de location de films ; qu’elles seraient
le fait de sociétés disposant chacune d’une position dominante
sur une partie substantielle du marché intérieur de la distribution
de films ; qu’au surplus, le demandeur serait vis-à-vis de chacune
d’elles dans un état de dépendance économique sans
pouvoir disposer de solution équivalente ; qu’enfin, au vu du mémoire
complémentaire déposé le 16 novembre 1987, les sociétés
en cause feraient bénéficier d’autres exploitants de salles
de cinéma, concurrents du groupe Adira à Grenoble, de la
quasi totalité des films qu’elles distribuent ;
Considérant que, selon les documents versés au dossier,
des arrangements globaux seraient conclus à l’échelon national
entre les sociétés en cause et les grands circuits d’exploitation,
tels Gaumont, Pathé, UGC ; que ceux-ci, grâce à leur
poids économique, n’accepteraient de passer un film dans leurs grandes
salles parisiennes qu’à la condition que celles-là attribuent
le film aux salles provinciales leur appartenant ; qu’ainsi, dans les villes
où le groupe Adira exploite des salles de cinéma, le demandeur
serait en situation de concurrence avec ces grands circuits , que, dans
ces conditions, les éventuelles pratiques de refus de location de
Films par les sociétés en cause sont susceptibles, sous réserve
d’un examen au fond, de limiter le libre exercice de la concurrence ; que,
et sans qu’il soit besoin d’examiner les moyens tirés de l’application
de l’article 8, elles sont susceptibles d’entrer dans le champ d’application
de l’article 7 de l’ordonnance susvisée ;
Considérant que, en application de l’article 12 de l’ordonnance,
des mesures conservatoires ne peuvent être prononcées que
si les pratiques dénoncées portent une atteinte grave et
immédiate à l’économie générale, à
celle du secteur intéressé, à l’intérêt
des consommateurs ou à l’entreprise plaignante ;
Considérant que les pertes d’exploitation qu’invoquent les sociétés
du groupe Adira peuvent être dues à d’autres causes que les
pratiques alléguées ; qu’elles peuvent notamment s’expliquer
par les mauvais résultats Financiers enregistrés par une
des sociétés dudit groupe, la S.A.R.L. Anémone Lyon
La Scala qui exploite à Lyon, depuis décembre 1985, un complexe
de salles cédé par le groupe UGC ; que, dans ces conditions,
il n’est pas établi que la situation dans laquelle se trouve l’entreprise
plaignante soit directement imputable aux pratiques dont il s’agit ;