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19 mai 2002

Décision n° 87-D-28 du 1er septembre 1987 concernant la situation de la concurrence sur le marché de la parfumerie

LE CONSEIL DE LA CONCURRENCE,

Vu les lettres des 15 juillet et 9 septembre 1985 par lesquelles l’Association fédérale des nouveaux consommateurs a saisi la commission de la concurrence de restrictions de concurrence dans la distribution de produits de la parfumerie ;

Vu les éléments d’information communiqués le 26 juillet 1985 par le conseil de la société Shop 8 Expansion relatifs, en particulier, aux difficultés d’approvisionnement de cette dernière et sur la base desquels, le 26 septembre 1985, la commission de la concurrence a pris la décision de se saisir d’office  ;

Vu les ordonnances n°s45-1483 et 45-1484 du 30 juin 1945 modifiées respectivement relatives aux prix et à la constatation, la poursuite et la répression des infractions à la législation économique ;

Vu l’ordonnance n°86-1243 du 1er décembre 1986 modifiée relative à la liberté des prix et de la concurrence, ensemble le décret n°86-1309 fixant les conditions d’application de cette ordonnance ;

Vu la décision n°84-13-DC du ministre de l’économie, des finances et du budget relative à la situation de la concurrence dans le secteur de la distribution sélective des produits de la parfumerie ;

Vu les observations présentées par les parties sur le rapport qui leur a été communiqué le 25 septembre 1986 ;

Le rapporteur, le commissaire du Gouvernement, le rapporteur général et les parties entendus ;

Retient les constatations (I) et adopte la décision (II) ci-après exposées :

I. - Les circonstances de fait

La vente des produits de parfumerie s’opère généralement par le biais de contrats de distribution sélective. La
situation de la concurrence dans le secteur de la distribution sélective des produits de parfumerie a fait l’objet de la décision n°84-13-DC du ministre de l’économie, des finances et du budget prise sur l’avis rendu par la commission de la concurrence le 1er décembre 1983.

Dans sa décision, le ministre a estimé que « l’organisation de la distribution dans le secteur de la parfumerie de luxe fondée sur la sélectivité n’(était) pas en elle-même... incompatible avec les dispositions de l’article 50 de l’ordonnance n°45-1483 du 30 juin 1945 ». Mais le ministre a enjoint à la fédération française de l’industrie des produits de parfumerie, de beauté et de toilette de modifier les clauses « Ventes » et «  Approvisionnement » du contrat type qu’elle avait élaboré et qu’un grand nombre de fabricants avaient adopté. En outre, il a demandé à la fédération d’entamer une concertation avec ses services pour la révision des dispositions du contrat type interdisant la revente entre distributeurs agréés.  Il a enfin enjoint à la fédération d’inviter ses membres pratiquant une distribution sélective à modifier, en conséquence, leurs documents contractuels et à respecter les règles de la concurrence, notamment quant à la définition et à la mise en oeuvre des conditions d’agrément des distributeurs.

La décision ministérielle a donné lieu à une concertation entre la profession et l’administration pour la révision du contrat type de distributeur. A l’issue du processus engagé, le président de la fédération a adressé à ses membres une lettre en date du 7 mars 1986 dans laquelle il leur a indiqué les points sur lesquels il convenait d’aménager les conditions générales de vente et les contrats de distributeur agréé.

Observant en juillet 1985 le mode de distribution des produits de parfumerie, l’Association fédérale des nouveaux consommateurs estime que les « contrats et conditions générales de vente (des producteurs de parfums), dont le parallélisme est organisé, " alignés " par la fédération de la parfumerie, comportent diverses clauses qui, en elles-mêmes ou par combinaison, assurent un verrouillage de la concurrence ». A cet égard, l’auteur de la saisine dénonce en particulier les clauses « lieu de vente potentiel de clientèle », « interdiction de rétrocession  » ayant « pour effet de s’opposer à l’établissement ou au développement de distributeurs qui entendent faire profiter les consommateurs de gains de productivité engendrés par leur dynamisme commercial sans porter atteinte à l’image de marque des fabricants ».

Par ailleurs, l’auteur de la saisine estime que des refus de livrer ou d’ouverture de comptes opposés à la société Shop 8 Expansion par certains producteurs de parfums « constituent la preuve de la volonté farouche (de ces producteurs) d’empêcher le développement d’une chaîne de parfumerie spécialisée en France » et « témoignent de l’entêtement des grandes marques qui font fi des décisions du ministre, de la commission et de la direction générale de la concurrence, laquelle... a notifié à leur fédération que leurs pratiques actuelles étaient illicites ».

La société Shop 8 Expansion a, de son côté, soumis à la commission de la concurrence des éléments sur la base desquels cette dernière s’est saisie d’office.  Cette société dénonce l’utilisation, selon elle abusive et discriminatoire, des contrats de distribution sélective par «  les grandes marques organisées et dirigées par la fédération de la parfumerie, avec comme chefs de file Guerlain et Yves-SaintLaurent aidés de plusieurs autres » en vue de « décourager les efforts créatifs » de ce distributeur. A l’appui de ses allégations, la société Shop 8 Expansion fait valoir que ces grandes marques s’étaient opposées aux demandes d’ouverture de comptes qu’elle avait formulées en 1983 pour des magasins situés à Avignon et à Saint-Etienne et à des demandes de transferts de comptes à Lyon, Marseille et Toulon.  En outre, la société Shop 8 Expansion soutient que des marques l’auraient contrainte à fermer, en 1985, un entrepôt acquis en 1983 à Vaulx-en-Velin, tant parce que certaines d’entre elles refusaient la vente à certains des points de vente qui devaient être approvisionnés par l’intermédiaire de cet entrepôt, que parce que d’autres, et en particulier Guerlain, Saint-Laurent, Charles of the Ritz, Hermès, Paco Rabanne, Azzaro et Lagerfeld, refusaient d’y regrouper les commandes des magasins de la société.

Ala suite de l’acquisition en janvier et en février 1983, à Marseille, des parfumeries « Berangere » et « JehaneFerault  », Shop 8 Expansion a obtenu pour ces lieux de vente les contrats de distributeur agréé. Envisageant, à la fin de février 1983, l’ouverture d’une nouvelle parfumerie à Marseille à l’enseigne « Shop 8 », cette société a demandé à différents fournisseurs le bénéfice d’ouvertures de compte dans le cadre d’une extension. En présence de cette requête, l’attitude des fournisseurs dans le courant du mois de mars 1983, a été contrastée ; ou bien ils n’ont pas répondu, ou bien ils ont subordonné leur réponse définitive à l’ouverture préalable du nouveau magasin.  Le 6 avril 1983 les dirigeants de la société Shop 8 Expansion ont informé les fournisseurs de leur intention de fermer la parfumerie « Jehane-Ferault » et d’en transférer l’activité dans le magasin Shop 8 qui devait être ouvert le 1er avril 1983.  Si les sociétés Guerlain, Saint-Laurent, Charles of the Ritz, Hermès, Rochas, ont refusé le transfert, les autres marques, au nombre de vingt et un, l’ont accepté.

Un mois après l’acquisition en février 1983, à Lyon, de la parfumerie « Les Jacobines » pour laquelle les contrats de distributeur agréé ont été obtenus par Shop 8 Expansion, cette société a formulé auprès des marques des demandes d’ouverture de compte par voie d’extension au bénéfice d’une nouvelle parfumerie qu’elle entendait ouvrir à l’enseigne « Shop 8 l’Univers Beauté ». Dans le courant des mois de mars et avril 1983 certaines marques ont subordonné leur décision à l’ouverture et à l’inauguration de la nouvelle parfumerie, cependant que d’autres n’ont pas répondu.  La société a informé alors les marques, le 9 avril 1983, de son intention de transférer son activité de la parfumerie « Les Jacobines » à la parfumerie « Shop 8 l’Univers Beauté ». Si les sociétés Gueriain, SaintLaurent, Ritz, Rochas, ont refusé le transfert, les autres marques, au nombre de vingt-deux, l’ont accepté.

Toujours en février 1983, la société Shop 8 Expansion a acquis à Toulon la parfumerie « Marie-Celyne » pour laquelle elle a obtenu les contrats de distributeur agréé.  Elle a formulé alors en avril 1983 des demandes d’ouverture de compte dans le cadre d’une extension pour une deuxième parfumerie qu’elle se proposait d’ouvrir dans la même ville a l’enseigne « Shop 8 l’Univers Beauté ». Cependant que certaines marques ont subordonné leur décision à l’ouverture et à l’inauguration du second point de vente, les marques Lancaster, Azzaro, Courrèges, Caron, Cacharel, Cardin, Bogard, ont accordé l’extension demandée. Par la suite, en juillet 1983, la société envisageant de fermer la parfumerie « Marie-Celyne » a demandé le transfert de la totalité des marques dans le nouveau point de vente. Si les sociétés Guerlain, Yves-Saint-Laurent, Rochas, Hermès et Chanel ont refusé le transfert, les autres marques, au nombre de vingt-cinq, l’ont accepté.

A Cagnes-sur-Mer, à la suite de l’acquisition de la parfumerie « Sylvia », en février 1983, les vingt et une marques pour lesquelles cette parfumerie avait un agrément, et notamment Guerlain, Saint-Laurent, Charles of the Ritz et Rochas, ont renouvelé avec Shop 8 Expansion les contrats de distributeur agréé qui avaient précédemment été conclus.

Ayant acquis, en mars 1983, à Avignon un local commercial pour y créer une parfumerie à l’enseigne « Shop 8 l’Univers Beauté », la société Shop 8 Expansion a formulé, en juin 1983, vis-à-vis de nombreux fournisseurs, des demandes d’ouverture de compte. Ce point de vente a été inauguré le 19 août 1983. Entre août 1983 et la fin du premier semestre 1984, 35 des fournisseurs sollicités, dont les sociétés Guerlain, Saint-Laurent, Charles of the Ritz, Rochas et Dior, ont alors inscrit, avec un numéro d’ordre, ce nouveau point de vente sur leurs listes départementales de demande d’ouvertures de compte ; quatre fournisseurs, Stendhal Balenciaga, Roger et Gallet et Bogard, ont proposé un contrat de distribution sélective sans délai ; quatre fournisseurs, Van Cleef, Baimain, Ungaro et Patou, n’ont pas répondu  ; trois fournisseurs, enfin, Paco Rabanne, Cacharel et Azzaro, ont refusé l’ouverture de compte.

A Saint-Etienne, à la suite de l’achat, en mai 1983, de la parfumerie « L’Orchidée » par la société Shop 8 Expansion, les marques anciennement présentes dans ce point de vente ont accepté le renouvellement de leurs contrats de distribution. Des demandes d’ouverture de compte complémentaires n’ayant pas permis d’obtenir de nouveaux contrats de distribution, la société Shop 8 Expansion a décidé de fermer cette parfumerie à la fin de juillet 1984.

Ayant acheté à Grenoble, en décembre 1983, la parfumerie « Alexandre », la société Shop 8 Expansion a obtenu de vingt-huit marques, dont Guerlain, Dior, Saint-Laurent, Hermès et Chanel, le renouvellement des contrats de distributeur agréé pour ce point de vente. L’agrandissement, en avril 1984, de la parfumerie de 30 mètres carrés à 200 mètres carrés et la modification de son enseigne qui est devenu « Shop 8 l’Univers Beauté » n’a pas entraîné de difricultés avec les marques.

Enfin, en janvier 1983, la société Shop 8 Expansion s’est dotée, à Vaulx-en-Velin, d’un entrepôt de 1 200 mètres carrés destiné à assurer l’approvisionnement de vingt-cinq parfumeries. Cet entrepôt a été fermé en août 1985. Après avoir, dans un premier temps, refusé de livrer les marchandises commandées ailleurs que dans les points de vente auxquelles elles étaient destinées, le directeur commercial de la société Hermès a indiqué, par lettre en date du 9 juin 1983, à la société Shop 8 Expansion qu’il avait donné toutes instructions à son service livraison pour que les commandes de cette société soient livrées au dépôt de Vault-en-Velin. De son côté, la société Yves-Saint-Laurent a confirmé, par lettre en date du 22 mars 1983, son accord pour livrer à l’entrepôt de la société Shop 8 Expansion les commandes globales concernant les points de vente de cette société pour lesquels elle avait accordé un contrat de distributeur agréé (parfumerie « Marie-Celyne » à Toulon, « Sylvia » à Cagnes-sur-Mer, « Jehane-Ferault » à Marseille, «  Les Jacobines » à Lyon). La société Charles of the Ritz a donné, par lettre en date du 22 mars 1983, à la société Shop 8 Expansion, son accord pour opérer toute livraison à l’entrepôt de Vault-en-Velin.

II. - A la lumière des constatations qui précèdent

LE CONSEIL DE LA CONCURRENCE,

Considérant que la procédure d’instruction a respecté les dispositions de l’article 52 de l’ordonnance n°45-1483 du 30 juin 1945, qu’en particulier, les parties ont été mises en mesure de présenter leurs observations sur le rapport qui leur a été régulièrement communiqué.

Considérant qu’au début de l’année 1985, les contrats de distributeur agréé proposés par les grandes marques n’avaient pas été modifiés et qu’ainsi les clauses litigieuses n’avaient pas été amendées, qu’à l’époque la nécessité d’assurer la distribution continue des produits a contraint les fabricants à définir avant la notification de la décision ministérielle du 26 décembre 1984 des clauses contractuelles concernant l’année 1985 ; que le fait pour les fabricants d’avoir repris les clauses du contrat-type élaboré par la Fédération en 1980 ne peut être considéré comme une pratique distincte de celle ayant déjà donné lieu à la décision du 26 décembre 1984.

Considérant qu’ultérieurement l’attitude de la Fédération et des fabricants a été conforme aux injonctions ministérielles  ; qu’ainsi contrairement à ce qu’allèguent l’Association fédérale des nouveaux consommateurs et la société Shop 8 Expansion, ni la concertation engagée par la fédération avec l’administration au début de 1985 et poursuivie pendant toute cette année, ni le fait que cette fédération n’ait invité ses membres à modifier les clauses de leurs contrats de distribution sélective, qu’à l’issue de cette concertation, ni le fait que les fabricants n’aient pas modifié leurs contrats avant l’issue de la concertation engagée, ne peuvent être considérés comme des éléments établissant l’existence d’une « entente illicite entre les marques en vue de l’adoption de clauses dont le principe est condamnable et condamné  » ou « d’une volonté manifeste des personnages déjà rappelés à l’ordre ou sanctionnés de faire fi de l’avis de la commission et de la décision du ministre de l’économie  » ;

Considérant que la plupart des détenteurs de marque ont reconduit avec la société Shop 8 Expansion les contrats de distributeur agréé qui avaient antérieurement été conclus avec les dirigeants des parfumeries « Bérangère  » et « Jehane-Ferault » (Marseille), « Les Jacobines  » (Lyon), « Marie-Celyne » (Toulon), « Sylvia » (Cagnes-sur-Mer), « L’Orchidée » (Saint-Etienne) et « Alexandre » (Grenoble) ; que les demandes d’ouverture de compte formulées à la suite de l’acquisition du local commercial d’Avignon ont abouti à des inscriptions sur la liste départementale conformément aux usages de la profession ; que, dans leur ensemble, les fournisseurs de parfums n’ont pas fait obstacle aux demandes de transfert de compte dont ils ont été saisis pas plus qu’ils ne se sont opposés aux modifications apportées à l’établissement de vente de Grenoble, qu’il ne résulte pas davantage de l’instruction que les fabricants aient entendu par une action concertée, contrecarrer le fonctionnement de l’entrepôt de Vaulx-en-Velin , qu’enfin, si à certains égards et notamment lors des demandes d’ouverture de compte dans le cas d’extension (Marseille, Lyon et Toulon) des similitudes de comportement ont pu être constatées de la part de fournisseurs confrontés à des situations analogues, il ne résulte pas de l’instruction que ces similitudes aient été le résultat d’une politique concertée des grandes marques « organisées et dirigées par la fédération de la parfumerie, avec comme chefs de file Guerlain et Yves-Saint-Laurent » ; qu’ainsi l’attitude des fabricants dans leurs relations commerciales avec la société Shop 8 Expansion pendant les années 1983 et 1984 ne permet pas d’établir l’existence d’une entente entre eux destinée à éliminer cette société du marché ou à entraver son développement,

D E C I D E  :

Il n’est pas établi que les faits de l’espèce tombent sous le coup des dispositions de l’article 50 de l’ordonnance n°45-1483 du 30 juin 1945.

Délibéré en section sur le rapport de M. A.P. WEBER dans sa séance du 1er septembre 1987 où siégeaient  : M. BETEILLE, vice-président, présidant ; MM. BON, CERRUTI, Mme LORENCEAU, MM. MARTIN-LAPRADE et SCHMIDT.

 


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