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19 mai 2002

Décision n° 87-D-15 du 9 juin 1987 relative à la situation de la concurrence dans la distribution en pharmacie de certaine produits cosmétiques et d’hygiène corporelle

LE CONSEIL DE LA CONCURRENCE,

Vu la décision de la Commission de la concurrence en date du 14 décembre 1986 de se saisir d’office ;

Vu l’article 85 du Traité de Rome et le règlement n°17-62 du Conseil modifié, pris pour son application ;

Vu les ordonnances n°45-1483 et n°45-1484 modifiées du 30 juin 1945 relatives respectivement aux prix et à la constatation, la poursuite et la répression des infractions à la législation économique ;

Vu la loi n°77-806 du 19 juillet 1977 relative au contrôle de la concentration économique et à la répression des ententes illicites et des abus de position dominante, ensemble le décret n°86-1309 pris pour son application ;

Vu l’ordonnance n°86-1243 du 1er décembre 1986 relative à la liberté des prix et de la concurrence ;

Vu les articles L. 511 à L. 658 et R. 5014 à R. 5054 du code de la santé publique ;

Vu la loi n°75-604 du 10 juillet 1975 modifiant le livre V du code de la santé publique et concernant la fabrication, le conditionnement, l’importation et la mise sur le marché des produits cosmétiques et des produits d’hygiène corporelle (art. L. 658-1 à L. 658-10 du code de la santé publique) et les textes pris pour son application ;

Vu la loi n°83-660 du 21 juillet 1983 relative à la sécurité des consommateurs ;

Vu les observations présentées par les parties sur le rapport qui leur a été notifié le 25 septembre 1986  ;

Le commissaire du Gouvernement, le rapporteur général et les parties entendus ;

Retient les constatations (I) et adopte la décision (II) ci-après exposées :

I. - Constatations

a) Les caractéristiques du marché.

Parmi les produits non soumis à une autorisation de mise sur le marché, dont les pharmaciens peuvent, en application de l’article L. 569 du code de la santé publique, faire le commerce sans en avoir le monopole légal, figurent les produits cosmétiques et d’hygiène corporelle, seuls concernés par la présente décision.

Les produits cosmétiques et d’hygiène corporelle se décomposent en une cinquantaine de familles. En France, les ventes hors taxes de cette industrie se sont élevées en 1985 à 27,2 milliards de francs, dont 11,2 milliards à l’exportation. Ces ventes progressent régulièrement en volume depuis plusieurs années.

Les entreprises fabriquant ces produits sont nombreuses et de tailles variées. Les principales font partie de groupes importants à vocation internationale qui contrôlent chacun plusieurs marques.

Parmi celles qui distribuent exclusivement leurs produits en pharmacie, la concentration est assez élevée puisque les trois premiers groupes réalisent 39 p. 100 du chiffre d’affaires (19 p. 100 pour L’Oréal, 12 p. 100 pour Pierre Fabre et 8 p. 100 pour Roc du groupe Moët-Hennessy).

Seuls les fabricants les plus importants sont présents sur tous les segments du marché. Les autres offrent généralement quelques produits en complément d’une gamme de médicaments.  Pour certaines marques, la prescription des produits par le corps médical joue un rôle non négligeable dans les ventes réalisées et le recours à des visiteurs médicaux constitue souvent le moyen exclusif de promotion.

Les produits sont vendus sous de multiples marques dont le principal critère de différenciation est leur mode de distribution.  On distingue quatre circuits : la pharmacie, qui représente 11,3 p. 100 des ventes, la diffusion sélective (21,6 p. 100), la grande diffusion (56,5 p. 100) et la vente directe (10,6 p. 100). La part respective des ventes effectuées par chaque mode de distribution varie cependant en fonction des segments du marché.

Tous les produits cosmétiques et d’hygiène corporelle, quel que soit leur mode de distribution, sont soumis aux mêmes exigences de contrôle et de fabrication avant leur mise sur le marché, en application de la loi n°75-604 du 10 juillet 1975, et aux mêmes impératifs en ce qui concerne la sécurité des consommateurs, en application de l’article L. 658-4 du code de la santé publique et de la loi n°83-660 du 21 juillet 1983.

Certains produits vendus exclusivement en pharmacie peuvent être plus élaborés et faire l’objet de contrôles de fabrication plus stricts que ceux qui sont distribués dans d’autres circuits de distribution, ou même avoir des propriétés particulières.
Les niveaux moyens de prix observés dans les divers circuits de distribution sont très différents. Selon une étude récente de la société Secodip, les prix en grande diffusion sont généralement inférieurs de moitié à ceux qui sont pratiqués par la pharmacie, lesquels sont eux-mêmes nettement inférieurs à ceux de la distribution sélective.

Plusieurs autres études versées au dossier montrent que le consommateur attribue à chaque circuit de distribution des qualités spécifiques. Le choix d’un circuit de distribution par la clientèle semble étroitement dépendant de l’image de marque qui s’attache aux produits. Mais cette image est elle-même fonction du mode de diffusion des produits et de l’importance des investissements publicitaires.

Si la part des ventes réalisées par chaque circuit de distribution est globalement stable depuis plusieurs années, la pharmacie a cependant perdu des parts de marché sur certains segments (par exemple, sur les produits spécifiques de soin et de traitement pour les bébés : de 73,1 p. 100 en 1978 à 48,9 p. 100 en 1985) et en a gagné sur d’autres (par exemple, sur les produits à démaquiller de 26 p. 100 à 30 p. 100).

b) Les caractéristiques de la distribution en pharmacie des produits cosmétiques et d’hygiène corporelle.

Les sociétés Biopha, Expanscience, Goupil, Guigoz, Pierre Fabre Cosmétiques, Lachartre, Lutsia, Monot, Pharmygiène, Pharmeurop, Roc, Ruby d’Anglas et Vichy diffusent tous leurs produits exclusivement en pharmacie.

La plupart des marques présentes en pharmacie sont distribuées par ce canal depuis de nombreuses années et souvent depuis leur création. Pour justifier l’exclusivité accordée à l’officine pharmaceutique, les fabricants avancent cinq arguments principaux utilisés conjointement ou alternativement.

En premier lieu, les produits cosmétiques et d’hygiène corporelle seraient des produits de soins dermatologiques et de cosmétique médicale qui peuvent être prescrits comme des médicaments.

En second lieu, ces produits seraient fabriqués et contrôlés, conformément aux normes et techniques de la science pharmaceutique et donc, seul, un homme de l’art pouffait comprendre leur formulation et l’information scientifique diffusée à leur sujet,

En troisième lieu, la pharmacie serait le canal de distribution normal pour des laboratoires qui produisent essentiellement des médicaments, et accessoirement des produits cosmétiques et d’hygiène corporelle.

En quatrième lieu, la pharmacie serait un point de passage obligé pour introduire des produits nouveaux liés aux soins et à la santé. Elle assurerait aussi la « remontée de l’information » vers le producteur.

En cinquième lieu, le couple produit-pharmacie serait l’élément fondamental de l’image des produits auprès des consommateurs.
Tous les fabricants exigent de leurs revendeurs qu’ils aient la qualité de pharmacien d’officine inscrit au tableau de l’ordre ; la société Roc exige seulement, quant à elle, la possession du « diplôme de pharmacien ».

Plusieurs fabricants estiment qu’il n’est pas nécessaire de faire Figurer dans un contrat de distribution leurs exigences à l’égard de leurs revendeurs. Pour eux, le pharmacien d’officine remplit, par nature, les conditions nécessaires à une distribution adéquate de leurs produits en raison des contraintes légales auxquelles il est soumis.

En revanche, la société Guigoz a signé, en octobre 1985, un « contrat de distribution officinale » avec la fédération des syndicats pharmaceutiques de France et l’Union nationale des pharmacies de France. Les sociétés Goupil depuis 1964, Vichy à partir de septembre 1984, Klorane, Ducray et Galenic du groupe Pierre Fabre Cosmétiques, Biopha et Monot à partir de 1985, ont, pour leur part, établi et lait signer aux pharmaciens un contrat de distribution sélective.

c) Les relations entre entreprises et avec les organisations professionnelles.

Il résulte du dossier que, dès septembre 1983, avant toute sollicitation du groupement d’achat des centres Leclerc (Galec), les sociétés Lutsia, Roc, Vichy, Monot, Expanscience, Ruby d’Anglas, Pierre Fabre Cosmétiques, Pharmygiène, Lachartre, Biopha et le Syndicat national de la dermopharmacie échangent des informations sur leur attitude vis-à-vis de demandes éventuelles de ce groupement (pièces n°s 79 et 81 annexées au rapport) , que ces échanges se sont poursuivis, lors d’une réunion du Syndicat national de dermopharmacie le 1er mars 1984 (pièces n°s 37 et 82), puis le 22 mars 1984, au sujet des actions entreprises contre les centres Leclerc et de l’origine des approvisionnements de ce distributeur (pièces n°s 43, 45, 59, 83, 107 et 1 10) ; que le refus d’agréer des centres Leclerc comme revendeurs est constant depuis 1983 (pièce n°78).
La coopérative d’exploitation et de répartition pharmaceutique (C.E.R.P. Rouen), les établissements pharmaceutiques de répartition O.C.P. répartition (O.C.P.) et le groupement de répartition pharmaceutique (G.R.P.), qui sont des grossistes répartiteurs, et le syndicat des pharmaciens de Seine-et-Marne et l’Ordre national des pharmaciens se sont associés aux actions contre les centres Leclerc et ont participé avec les sociétés Vichy et Pierre Fabre Cosmétiques à la recherche des pharmaciens qui auraient pu les approvisionner (pièces n°s 85, 87, 88, 90 et 97).

La fédération des syndicats pharmaceutiques, le syndicat des pharmaciens de Seine-et-Marne et le Conseil national de l’ordre ont demandé sous différentes formes à plusieurs reprises, en 1983 et 1984, aux fabricants de confirmer leur attachement à l’exclusivité de la distribution de leurs produits en officine et de s’expliquer sur la présence des produits de leurs marques dans les centres Leclerc. Des menaces de représailles ont été proférées par certains pharmaciens au cours de plusieurs réunions professionnelles auxquelles participaient de nombreux fabricants  ; (pièces n°s 30, 31, 35, 36, 37, 41, 43, 45, 59, 60 à 63, 68, 84, 85, 86, 93, 96, 102, 103, 106, 107, 113 et 116).

Il résulte également du dossier que la fédération des syndicats pharmaceutiques s’est opposée jusqu’en mars 1985 au souhait des fabricants de supprimer la diffusion de prix conseillés de revente (pièces n°s 40, 41, 44, 45, 51 bis, 59, 99, 107, 113 et 116) en raison des « risques d’une concurrence anormale au sein du circuit pharmaceutique qui aurait pu remonter au niveau du médicament et déstabiliser l’ensemble de la profession » (pièces n°s 20, 26, 35 à 39). Les sociétés Lutsia, Roc, Vichy, Expanscience, Pierre Fabre Cosmétiques, Ruby d’Anglas, Monot, Evian, Biopha, Pharmygiène et Lachartre ont renoncé à supprimer ces prix conseillés tant que la fédération des syndicats pharmaceutiques a maintenu son opposition (pièce n°42).  Ensuite, à l’exception de la société Lachartre, elles ont substitué aux prix conseillés des abaques de prix donnant les prix de vente en fonction de différents coefficients multiplicateurs (pièce n°50). Ces abaques, qui comportent le plus souvent des indications de prix maximum, ont été diffusées à partir de septembre 1985, conformément au modèle publié en avril 1985 par la fédération des syndicats pharmaceutiques dans un numéro de son journal Le Pharmacien de France (pièces n°s 46 à 49). La société Pierre Fabre Cosmétiques explique cette substitution par le souci de « négocier et de contrôler cette suppression des prix conseillés afin d’éviter une bataille de prix échevelée  » (pièce n°47).

Les grossistes répartiteurs ont continué à diffuser des prix conseillés auprès des pharmaciens et, en juin 1986, 84 p. 100 des pharmacies pratiquaient un prix égal ou supérieur au prix conseillé ou au prix maximum résultant des abaques diffusées par les producteurs.

Il résulte enfin du dossier que le Conseil national de l’ordre des pharmaciens, l’Union nationale des pharmacies de France, l’association de pharmacie rurale,, la fédération des syndicats pharmaceutiques de France, les sociétés Biopha, Lachartre, Lutsia, Roc, Ruby d’Anglas, Expanscience, Guigoz, Vichy et Pierre Fabre Cosmétiques ont tenu plusieurs réunions et ont eu des échanges pour rechercher et mettre en oeuvre des moyens destinés à assurer la protection de l’exclusivité de l’officine pharmaceutique à l’égard des produits cosmétiques et d’hygiène corporelle diffusés par ces fabricants. C’est à la suite d’une exigence de la fédération des syndicats pharmaceutiques qui craignait, d’une part, l’exclusion de certains pharmaciens des réseaux de distribution, sélection pratiquée notamment par les sociétés Biotherm et Phas du groupe L’Oréal et Galenic, de Pierre Fabre Cosmétiques et, d’autre part, la concurrence par les prix entre les pharmacies, que ces fabricants ont confirmé le principe de l’agrément des seuls mais de tous les pharmaciens (pièces n°s 42, 52 à 57, 60 à 62, 99, 100, 101, 105, 107 et 109). La fédération des syndicats pharmaceutiques a été confortée en cela par le Conseil national de l’ordre des pharmaciens (pièce n°19).

II. - A la lumière des constatations qui précèdent, le Conseil de la concurrence :

Sur la procédure :

Considérant que M. Leclerc, d’une part, coprésident de l’association des centres distributeurs Edouard Leclerc, qui a notamment pour objet de faire valoir, dans un but de défense commune, les droits moraux de ses adhérents et, d’autre part, fondé de pouvoir, secrétaire général de la société coopérative groupement d’achat des centres Leclerc (Galec), a adressé un dossier à la Commission de la concurrence concernant la distribution des produits cosmétiques et d’hygiène corporelle ; que c’est pour ces raisons qu’il a été entendu par le rapporteur ; qu’à la suite de cette audition il est apparu que le Galec avait la qualité de partie intéressée au sens du cinquième alinéa de l’article 52 de l’ordonnance n°45-1483 ; que les parties ont pu avoir connaissance, par la communication du rapport, de l’ensemble des éléments de fait ou de droit retenus par le rapporteur et y répondre dans leurs observations ; que dès lors le caractère contradictoire de la procédure a été respecté ,

Considérant que M. Leclerc n’a eu accès, contrairement à ce que pourraient laisser supposer les termes de sa lettre du 19 juin 1986, à aucune pièce autre que le rapport, conformément aux dispositions en vigueur à l’époque de l’instruction ; que les règles de procédure de l’ordonnance ont donc été respectées ;

Considérant que la divulgation par la presse d’éléments du rapport, en violation des dispositions du sixième alinéa de l’article 52 de l’ordonnance n°45-1483, n’est pas de nature à entacher d’irrégularité la procédure ; que le président de la Commission de la concurrence a déposé plainte contre X, le 4 octobre 1986, pour infraction aux dispositions précitées  ;

Considérant que les entretiens du rapporteur avec MM. Chiaramonti et Calvo, le 6 mars 1986, et MM. Chiaramonti et Peyroutou, le 4 juin 1986, ne constituaient pas des auditions au sens de l’article 15 du décret du 25 octobre 1977 modifié et qu’aucun des éléments recueillis au cours de ces entretiens n’a été utilisé dans le rapport pour établir des griefs ;

Considérant que, si les études Sofres et Synesis n’ont pas été communiquées en annexes du rapport, elles ont cependant été versées au dossier en annexes au mémoire du Syndicat national de la dermopharmacie ; que les parties, en application de l’article 21 de l’ordonnance du 1er décembre 1986, ont pu les consulter quinze jours avant la séance , que si la société Pierre Fabre Cosmétiques estimait que l’annexe n°20 à son mémoire était confidentielle, il lui appartenait, entre la date d’entrée en vigueur des nouvelles règles de procédure et celle de la séance, de demander qu’elle fût écartée du dossier ; qu’aucune demande en ce sens n’a été formulée  ; que les autres informations qui ont été annexées au rapport sont au nombre des éléments visés au cinquième alinéa de l’article 52 de l’ordonnance n°45-1483, lesquels doivent figurer au rapport pour permettre aux parties d’exercer leur droit de défense  ; que dès lors il n’y a pas lieu d’écarter du dossier les pièces susvisées ;

Mais considérant que la lettre de la société Pierre Fabre Cosmétiques à son avocat ainsi que le compte rendu d’une réunion avec celui-ci, qui figurent en annexe du rapport, doivent être considérés comme confidentiels et qu’il convient de les écarter du dossier ; que toutefois ces pièces n’ayant pas servi à étayer des griefs, l’irrégularité n’a pas un caractère substantiel ;

Sur les systèmes de distribution :

Considérant qu’aucune des constatations effectuées avec l’autorité de la chose jugée par le tribunal correctionnel de Paris (3è chambre) le 16 juin 1980 sur la distribution du Bergasol par la société Goupil n’est contredite par celles de la présente décision ;

Considérant, en ce qui concerne l’application de l’article 85 du Traité de Rome, qu’aux termes de l’article 88 du Traité du troisième alinéa de l’article 9 du règlement n°17 du Conseil des communautés européennes, les autorités des Etats membres restent compétentes pour appliquer les dispositions des articles 85, paragraphes 1 et 86, tant que la Commission n’a engagé aucune procédure en application des articles 2, 3 ou 6 du règlement n°17, que selon la jurisprudence de la Cour de justice des Communautés européennes, telle qu’elle résulte de ses arrêts des 30 janvier 1974 (B.R.T. n°127-73) et 30 avril 1986 (transports aériens n°209-84 à 213-84), le Conseil de la concurrence est compétent pour appliquer la législation nationale sur la concurrence ; qu’aucune procédure relative à la présente espèce n’a été ouverte par la Commission des communautés européennes  ; qu’il n’appartient pas, en revanche, au Conseil de la concurrence d’appliquer le paragraphe 3 de l’article 85 du Traité ;

Considérant que certaines des sociétés distribuant leurs produits par le seul canal des pharmacies d’officine n’ont pas établi de contrats de distribution et soutiennent que le choix des distributeurs qu’ils admettent au sein de leur réseau constitue un acte unilatéral qui ne saurait être visé par les dispositions prohibant certaines conventions ayant pour objet ou pouvant avoir pour effet de limiter la concurrence ; que, cependant, l’agrément d’un distributeur par un producteur est un acte de nature à garantir le respect du contrat, explicite ou tacite, entre ce producteur et tous ses distributeurs agréés  ; que dès lors cet acte est de nature contractuelle au sens des articles 50 de l’ordonnance n°45-1483 et 85 du Traité de Rome  ;

a) Sur l’application des dispositions des articles 50 de l’ordonnance n°45-1483 et 85, paragraphe 1, du Traité de Rome :

Considérant que, dès lors qu’ils préservent le jeu d’une certaine concurrence sur le marché, les systèmes de distribution sélective sont conformes aux dispositions de l’article 50 de l’ordonnance n°45-1483 et à celles du paragraphe 1 de l’article 85 du Traité de Rome si les critères de choix des revendeurs ont un caractère objectif, sont justifiés par les nécessités d’une distribution adéquate des produits en cause, n’ont pas pour objet ou pour effet d’exclure par nature une ou des formes déterminées de distribution et ne sont pas appliqués de façon discriminatoire ;

Considérant, en l’espèce, que les fabricants de produits cosmétiques et d’hygiène corporelle peuvent, dans la limite de ce qui est nécessaire à une distribution adéquate de leurs produits, fixer à leurs revendeurs des conditions relatives à la présentation et au stockage de leurs produits, à l’organisation du conseil à la vente par une personne compétente et à la détention d’un stock déterminé ;

Considérant que divers modes de distribution peuvent satisfaire aux exigences qui viennent d’être énoncées ; que, toutefois, compte tenu des dispositions légales relatives à l’organisation de la profession de pharmacien, l’obligation faite, par les producteurs considérés, aux revendeurs d’avoir la qualité de pharmacien d’officine aboutit à exclure toutes les autres formes de distribution  ; que cette obligation limite, dans les faits, la concurrence entre les revendeurs d’une même marque même si rien n’interdit en droit aux pharmaciens de Fixer librement les prix des produits en cause ;

Considérant que ladite obligation empêche des distributeurs d’un Etat membre de la Communauté économique européenne autre que la France, et qui ne seraient pas pharmaciens d’officine de vendre en France les produits considérés ; que, dès lors, et conformément à la jurisprudence de la Cour de justice, elle constitue une restriction au commerce entre Etats membres ;
Considérant que, dans les conditions actuelles d’organisation et de fonctionnement de la distribution des produits cosmétiques et d’hygiène corporelle, la diffusion par les fabricants et les grossistes répartiteurs de prix conseillés de revente et l’interdiction de rétrocession entre revendeurs agréés, qui n’est pas nécessaire pour assurer une distribution adéquate, introduisent des rigidités ayant également pour effet de limiter la concurrence par les prix entre les distributeurs d’une même marque ;

Considérant que, si des produits similaires sont distribués dans d’autres circuits commerciaux, la concurrence entre les produits cosmétiques et d’hygiène corporelle des marques diffusées en pharmacie et ceux des marques diffusées dans les autres circuits de distribution est, dans les faits, limitée ;

b) Sur l’application des dispositions de l’article 51 de l’ordonnance n°45-1483 :

Considérant que les intéressés font valoir que la distribution de leurs produits dans les seules pharmacies est indispensable, d’une part, pour assurer la protection du consommateur et, d’autre part, pour introduire des produits nouveaux et protéger leur image de marque, notamment en raison du conseil que prodigue le pharmacien aux consommateurs ,

Considérant, en ce qui concerne la protection du consommateur, que, d’une part, la législation assurant cette protection est applicable à tous les revendeurs et que, d’autre part, les fabricants peuvent organiser, selon la nature des produits, une fonction de conseil de la part de leurs revendeurs, fonction qu’ils ne sont pas tenus de réserver aux pharmaciens d’officine ; que d’ailleurs la distribution des produits de certaines des marques considérées est assurée, dans plusieurs pays étrangers, par des revendeurs qui ne sont pas pharmaciens ;

Considérant que les parties n’ont pas justifié que l’ouverture de leurs réseaux de distribution à des revendeurs qui, sans être pharmaciens d’officine, s’engageraient à respecter leurs conditions d’agrément, ne permettrait pas l’introduction sur le marché de produits innovants ou le développement de leur image de marque ;

Considérant qu’il résulte de l’ensemble de ce qui précède que la distribution des produits cosmétiques et d’hygiène corporelle par le seul circuit des pharmacies d’officine tombe sous le coup des dispositions de l’article 50 de l’ordonnance du 30 juin 1945 sans qu’elle puisse relever de son article 51 ; qu’elle tombe également sous le coup de celles du paragraphe 1 de l’article 85 du Traité de Rome ; que de telles pratiques sont également visées par les dispositions de l’article 7 de l’ordonnance n°86-1243 du 1er décembre 1986 ; que, dès lors, il y a lieu d’enjoindre à leurs auteurs d’y mettre fin ;

Sur les pratiques concertés :

Considérant qu’il résulte des pièces du dossier que le Syndicat national de la dermopharmacie, les sociétés Expanscience, Pierre Fabre Cosmétiques, Lachartre, Lutsia, Monot, Roc, Ruby d’Anglas, Biopha, Pharmygiène, Evian et Vichy, les grossistes répartiteurs O.C.P., C.E.R.P. Rouen et G.R.P. se sont dès 1983 concertés pour refuser la vente aux centres Leclerc et rechercher la source de leurs approvisionnements ;

Considérant que la fédération des syndicats pharmaceutiques, le syndicat des pharmaciens de Seine-et-Marne et le Conseil national de l’ordre des pharmaciens ont en 1984 exercé de nombreuses pressions sur les fabricants pour obtenir d’eux l’assurance qu’ils n’avaient pas approvisionné et n’approvisionneraient pas les centres Leclerc , que la réalité de menaces de cessation des commandes par la profession a été reconnue par le président de la section A du Conseil national de l’ordre des pharmaciens ;

Considérant que la fédération des syndicats pharmaceutiques, le Syndicat national de dermopharmacie et les sociétés Biopha, Expanscience, Pierre Fabre Cosmétiques, Evian, Lachartre, Lutsia, Monot, Pharmygiène, Roc et Vichy se sont concertés pour maintenir jusqu’en 1985 des prix conseillés de revente des produits cosmétiques et d’hygiène corporelle ; qu’une nouvelle concertation ayant abouti à remplacer ces prix conseillés par des abaques donnant le prix de vente en fonction de coefficients multiplicateurs a eu, en fait, pour objet de limiter la concurrence par les prix entre les officines pharmaceutiques  ;

Considérant que les sociétés Biopha, Expanscience, Pierre Fabre Cosmétiques, Lachartre, Lutsia, Roc, Ruby d’Anglas, Vichy, la fédération des syndicats pharmaceutiques, l’Union nationale des pharmacies de France, l’association de pharmacie rurale, le syndicat des pharmaciens de Seine-et-Marne et le Conseil national de l’ordre des pharmaciens se sont concertés pour protéger l’exclusivité de l’officine pharmaceutique dans la distribution des produits cosmétiques et d’hygiène corporelle des marques considérées ; qu’à la suite de cette concertation les fabricants ont choisi un système de distribution qui comprend tous les pharmaciens sans exception et eux seuls ; que ce choix résulte d’une exigence de la fédération des syndicats pharmaceutiques et du Conseil national de l’ordre des pharmaciens  ; que la société Guigoz a signé un contrat de distribution avec deux organisations professionnelles de pharmaciens ;

Considérant qu’il résulte de tout ce qui précède que ces pratiques d’ententes tombent sous le coup des dispositions de l’article 50 de l’ordonnance n°45-1483 du 30 juin 1945 ; qu’il n’est ni établi ni allégué que l’article 51 soit applicable ; que de telles pratiques sont également visées par les dispositions de l’article 7 de l’ordonnance n°86-1243 du 1er décembre 1986 ;
Considérant que la fédération des syndicats pharmaceutiques, le Conseil national de l’ordre des pharmaciens et, à un moindre degré, le syndicat des pharmaciens de Seine-et-Marne ont suscité plusieurs de ces ententes illicites et y ont pris une part active,

D E C I D E :

Article premier. - Il est enjoint aux sociétés Biopha, Expanscience, Goupil, Guigoz, Pierre Fabre Cosmétiques, Lachartre, Lutsia, Monot, Pharmygiène, Ruby d’Anglas et Vichy de cesser de subordonner l’agrément de leurs distributeurs à la détention de la qualité de pharmacien d’officine.

Article 2. - Il est enjoint aux sociétés Vichy et Goupil de modifier leurs contrats en supprimant la clause qui interdit aux revendeurs de rétrocéder des produits à un autre revendeur agréé.

Article 3. - Il est enjoint aux sociétés Biopha, Expanscience, Guigoz, Pierre Fabre Cosmétiques, Lachartre, Lutsia, Monot, Pharmygiène, Roc et Vichy et aux grossistes répartiteurs O.C.P. répartition, C.E.R.P. Rouen et G.R.P. de cesser de diffuser auprès des pharmaciens des indications directes ou indirectes de prix conseillés.

Article 4. - Il est enjoint à la société Guigoz de renoncer à son contrat de distribution sélective avec les organisations professionnelles de pharmaciens.

Article 5. - Il est enjoint à la fédération des syndicats pharmaceutiques de France, à l’Ordre national des pharmaciens, dans l’exercice de ses compétences autres que juridictionnelles, au syndicat des pharmaciens de Seine-et-Marne et au syndicat national de la dermapharmacie de s’abstenir à l’avenir de toute ingérence dans le comportement des fabricants et des pharmaciens en matière de prix et d’agrément des distributeurs.

Article 6. - Il est infligé à la fédération des syndicats pharmaceutiques de France une sanction pécuniaire de 200 000 F, à l’Ordre national des pharmaciens une sanction pécuniaire de 100 000 F, au syndicat des pharmaciens de Seine-et-Marne une sanction pécuniaire de 50 000 F.

Article 7. - Dans un délai maximum d’un mois à compter de la date de la notification de la présente décision, le texte intégral de celle-ci sera publiée, à leurs frais .

-par la fédération des syndicats pharmaceutiques de France dans le Quotidien des pharmaciens, La Tribune de l’économie et Le Figaro ;

-par le Conseil national de l’ordre des pharmaciens dans Le Moniteur des pharmaciens, Les Echos et Le Monde, - par le syndicat des pharmaciens de Seine-et-Marne dans le Journal des pharmaciens et des laboratoires.

Délibéré en formation plénière, sur le rapport de M. LEPETIT, dans sa séance du 9 juin 1987 où siégeaient : MM. LAURENT, président, BETEILLE, PINEAU, vice-présidents  ; MM. CABUT, CORTESSE, FLECHEUX, GAILLARD, Mme LORENCEAU, MM. MARTIN-LAPRADE, SCHMIDT, URBAIN, membres.

 


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