LE CONSEIL DE LA CONCURRENCE, siégeant en formation plénière
le 17 mars 1987, saisi par le ministre d’Etat, ministre de l’économie,
des finances et de la privatisation, sur le fondement du deuxième
alinéa de l’article 1er de l’ordonnance du 1er décembre 1986,
d’une demande d’avis portant sur un projet de décret ayant pour
objet la réglementation des tarifs applicables aux courses de taxi
;
Vu la lettre de saisine en date du 11 février 1987
Vu l’ordonnance n°86-1243 du 1er décembre 1986 relative à
la liberté des prix et de la concurrence ;
Vu le décret n°86-1309 du 29 décembre 1986 fixant
les conditions d’application de l’ordonnance n°86-1243 ;
Vu la loi du 13 mars 1937 modifiée ayant pour objet l’organisation
de l’industrie du taxi ;
Vu le décret n°73-225 du 3 mars 1973 relatif à l’exploitation
des taxis et des voitures de remise ;
Vu le décret n°78-363 du 13 mars 1978 réglementant
la catégorie d’instruments de mesure dénommés taximètres
;
Vu la loi n°82-1153 du 30 décembre 1982 d’orientation des
transports intérieurs ;
Vu le décret n°85-891 du 16 août 1985 relatif aux transports
urbains de personnes et aux transports routiers non urbains de personnes
;
Le commissaire du Gouvernement entendu ;
Considérant qu’aux termes du premier alinéa de l’article
1er de l’ordonnance n°86-1243 du 1er décembre 1986 « l’ordonnance
n°45-1483 du 30 juin 1945 est abrogée. Les prix des biens,
produits et services relevant antérieurement de ladite ordonnance
sont librement déterminés par le jeu de la concurrence »
, que le deuxième alinéa du même article dispose :
« Toutefois, dans les secteurs... où la concurrence par les
prix est limitée en raison... de dispositions législatives
ou réglementaires, un décret en Conseil d’Etat peut réglementer
les prix après consultation du Conseil de la concurrence »
;
En ce qui concerne le principe d’une réglementation :
Considérant que, si la loi du 13 mars 1937 ayant pour objet l’organisation
de l’industrie du taxi, laquelle constitue un service d’intérêt
collectif utilisant la voie publique, a autorisé l’administration
à réglementer les prix des courses de taxis, l’ordonnance
n°45-1483 du 30 juin 1945 l’a implicitement abrogée sur ce point
; que l’abrogation de ladite ordonnance par celle du 1er décembre
1986 n’a pas eu pour effet de remettre en vigueur les dispositions de la
loi de 1937 en matière de tarifs ; que, dès lors, la fixation
de ces tarifs relève aujourd’hui du régime de la liberté
des prix sauf si d’autres dispositions législatives ou réglementaires
limitent la concurrence par les prix dans des conditions qui justifient
la mise en oeuvre des dispositions précitées du deuxième
alinéa de l’article 1er de l’ordonnance du 1er décembre 1986
;
Considérant qu’en fonction de considérations tirées
de la commodité des usagers et de la sécurité de la
circulation sur les voies publiques, les pouvoirs de police générale
ainsi que les dispositions maintenues en vigueur de la loi du 13 mars 1937
et celles du décret du 2 mars 1973 habilitent les préfets
et les maires à réglementer, compte tenu des circonstances
locales, l’organisation et l’exercice de l’industrie du taxi, notamment
le nombre de véhicules en circulation, l’accès à la
profession, les horaires de travail, les modalités de stationnement
et de prise en charge ; que de telles dispositions font obstacle à
ce que puisse être débattu sur la voie publique le prix de
chaque course ;
Considérant qu’il résulte de ce qui précède
que le régime juridique dont relève cette activité
autorise les pouvoirs publics à imposer, pour des motifs d’intérêt
public, des limitations au libre jeu de la concurrence par les prix qui
sont de celles qui justifient l’intervention d’une réglementation
en la matière, par dérogation à la règle posée
au premier alinéa de l’article 1er de l’ordonnance du 1er décembre
1986 susvisée ,
En ce qui concerne les modalités de la réglementation
:
Considérant que, pour les motifs qui viennent d’être exposés,
le Gouvernement peut, par application du deuxième alinéa
de l’article 1er précité de l’ordonnance du 1er décembre
1986, charger les préfets de réglementer les tarifs des taxis
dans la mesure nécessaire à la satisfaction de l’intérêt
public ci-dessus rappelé ; que toutefois, l’exercice de ce pouvoir
ne saurait être subordonné à l’intervention d’accords
entre les syndicats de loueurs et les syndicats de conducteurs, accords
qui ne peuvent trouver de base ni dans les dispositions de la loi du 13
mars 1937, abrogées sur ce point, ni dans celles du décret
du 2 mars 1973, ni dans celles de l’ordonnance du 1er décembre 1986
;
Considérant qu’il y a lieu de préciser le champ d’application
du projet de décret afin d’en exclure les « taxis collectifs
» dont les conditions d’exploitation sont différentes de celles
des taxis au sens des articles 1er et 2 du décret du 2 mars 1973
; qu’en effet les services assurés par les « taxis collectifs
» sont organisés par les collectivités locales et font
l’objet d’une convention et d’un régime de tarification spécifique
fondés sur la loi n°82-1153 du 30 décembre 1982 d’orientation
des transports intérieurs et le décret du 16 août 1985
pris en application de cette loi ; que dès lors, il convient de
substituer, dans le projet de décret, à la référence
à la loi de 1937, la définition des taxis donnée aux
articles 1er et 2 du décret du 2 mars 1973 ;
Considérant enfin, en ce qui concerne l’article 4 du projet de
décret, que la prorogation des arrêtés actuellement
en vigueur fixant les prix doit être assortie d’un délai,
afin que ces prix puissent être librement fixés dans les zones
géographiques où, éventuellement, l’établissement
d’un tarif par voie réglementaire ne serait plus justifié
;
Emet un avis favorable au projet de décret qui lui est soumis,
sous réserve :
1°) Que soit précisé le champ d’application du projet
de décret en vue d’en exclure les « taxis collectifs »
;
2°) Que les trois premiers articles du projet soient remplacés
par des dispositions habilitant les préfets à réglementer
les tarifs des prestations des taxis dans l’intérêt de la
circulation sur les voies publiques et de la commodité des usagers
;
3°) Que soit supprimée toute référence aux
accords mentionnés par la loi du 13 mars 1937 ?
4°) Qu’un terme soit fixé à la période de maintien
en vigueur des arrêtés préfectoraux actuellement applicables.
Délibéré en formation plénière, sur
le rapport de M. B. FARAGO, dans la séance du 17 mars 1987 où
siégeaient : MM. LAURENT, président ; BETEILLE, PINEAU, vice-présidents
; MM. AZEMA, BON, CABUT, CERRUTI, CORTESSE, FLECHEUX, GAILLARD, Mme LORENCEAU,
M. MARTIN-LAPRADE, Mme PINIET, MM. SCHIMDT et URBAIN, membres.