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Conseil d’Etat, 5 décembre 2001, n° 222592, Préfet de Haute-Garonne c/ M. A.

Si l’accord franco-algérien du 27 décembre 1968 régit d’une manière complète les conditions dans lesquelles les ressortissants algériens peuvent être admis à séjourner en France et y exercer une activité professionnelle, ainsi que les règles concernant la nature des titres de séjour qui peuvent leur être délivrés, il n’a toutefois pas entendu écarter, sauf stipulations incompatibles expresses, l’application des dispositions de procédure qui s’appliquent à tous les étrangers en ce qui concerne la délivrance, le renouvellement ou le refus de titres de séjour. Au nombre de ces dispositions, figurent notamment celles qui résultent des articles 12 bis (7°) et 12 quater précités de l’ordonnance qui prévoient que le préfet doit consulter la commission du titre de séjour lorsqu’il envisage de refuser un titre de séjour à un étranger dont les liens personnels et familiaux en France sont tels que ce refus porterait au droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus. Le préfet n’est toutefois tenu de saisir la commission que du seul cas des étrangers qui remplissent effectivement cette condition, et non de celui de tous les étrangers qui s’en prévalent.

CONSEIL D’ETAT

Statuant au contentieux

N° 222592

PREFET DE LA HAUTE-GARONNE
c/ M. Aissat

M. du Marais, Rapporteur

Mme Maugüé, Commissaire du gouvernement

Séance du 7 novembre 2001

Lecture du 5 décembre 2001

REPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

Le Conseil d’Etat statuant au contentieux,

(Section du contentieux, 10ème et 9ème sous-sections réunies)

Vu la requête, enregistrée le 29 juin 2000 au secrétariat du contentieux du Conseil d’Etat, présentée par le PREFET DE LA HAUTE-GARONNE ; le PREFET DE LA HAUTE-GARONNE demande que le Conseil d’Etat ;

1°) annule le jugement du 30 mai 2000 par lequel le conseiller délégué par le président du tribunal administratif de Toulouse a annulé son arrêté du 21 avril 2000 ordonnant la reconduite à la frontière de M. Lakhdar Aissat ;

2°) rejette la demande présentée par M. Aissat devant le tribunal administratif de Toulouse ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales ;

Vu l’accord franco-algérien du 27 décembre 1968 et les avenants qui l’ont modifié et complété ;

Vu l’ordonnance n° 45-2658 du 2 novembre 1945 modifiée relative aux conditions d’entrée et de séjour des étrangers en France ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. du Marais, Maître des Requêtes,

- les conclusions de Mme Maugüé, Commissaire du gouvernement ;

Considérant qu’aux termes du I de l’article 22 de l’ordonnance du 2 novembre 1945 modifiée : "Le représentant de l’Etat dans le département et, à Paris, le préfet de police, peuvent, par arrêté motivé, décider qu’un étranger sera reconduit à la frontière dans les cas suivants : (..) 3° Si l’étranger auquel la délivrance ou le renouvellement d’un titre de séjour a été refusé ou dont le titre de séjour a été retiré, s’est maintenu sur le territoire au-delà du délai d’un mois à compter de la date de notification du refus ou du retrait (..) " ;

Considérant qu’il ressort des pièces du dossier que M. Aissat, de nationalité algérienne, s’est maintenu sur le territoire français plus d’un mois après la notification, le 4 juin 1999, de la décision du 28 mai 1999 par laquelle le PREFET DE LA HAUTE-GARONNE lui a refusé la délivrance d’un titre de séjour ; qu’il se trouvait ainsi dans le cas où, en application du 3° du I de l’article 22 de l’ordonnance du 2 novembre 1945, le préfet peut décider la reconduite d’un étranger à la frontière ;

Considérant que, pour annuler l’arrêté ordonnant la reconduite à la frontière de M. Aissat, le conseiller délégué par le président du tribunal administratif de Toulouse s’est fondé sur ce que cette mesure méconnaissait les stipulations de l’article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales ; que, toutefois, si M. Aissat se prévalait de ce qu’il était entré en France en 1994, de ce qu’il vivait en concubinage avec une compatriote en situation régulière qu’il a épousée le 29 avril 1999 et dont il a eu un enfant le 28 janvier 2000 et de ce qu’il avait reconnu le 19 janvier 1999 un premier enfant de sa compagne né le 2 janvier 1996, il ressort des pièces du dossier que, dans les circonstances de l’espèce, compte tenu notamment de la date récente de son mariage et de la courte durée de son concubinage et eu égard aux effets d’une mesure de reconduite à la frontière, l’arrêté attaqué n’a pas porté au droit de l’intéressé au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels il a été pris ; que, par suite, le PREFET DE LA HAUTE-GARONNE est fondé à soutenir que c’est à tort que le conseiller délégué par le président du tribunal administratif de Toulouse s’est fondé sur le motif susmentionné pour prononcer l’annulation de cet arrêté ;

Considérant, toutefois, qu’il appartient au Conseil d’Etat, saisi de l’ensemble du litige par l’effet dévolutif de l’appel, d’examiner les autres moyens soulevés par M. Aissat devant le tribunal administratif de Toulouse ;

Considérant qu’aux termes de l’article 12 bis de l’ordonnance du 2 novembre 1945 : "Sauf si sa présence constitue une menace pour l’ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention "vie privée et familiale" est délivrée de plein droit : (..) 7°) A l’étranger, ne vivant pas en état de polygamie, qui n’entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial dont les liens personnels et familiaux en France sont tels que le refus porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus ; (..) 11°) A l’étranger résidant habituellement en France dont l’état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d’une exceptionnelle gravité, sous réserve qu’il ne puisse effectivement bénéficier d’un traitement approprié dans le pays dont il est originaire" ; qu’aux termes de l’article 12 quater de la même ordonnance : " Dans chaque département est instituée une commission du titre de séjour (..). La commission est saisie par le préfet lorsque celui-ci envisage de refuser de délivrer ou de renouveler une carte de séjour temporaire à un étranger mentionné à l’article 12 bis ou de délivrer une carte de résident à un étranger mentionné à l’article 15 (..)" ;

Considérant qu’aux termes de l’article 2 de la même ordonnance : "Les étrangers sont, en ce qui concerne leur séjour en France, soumis aux dispositions de la présente ordonnance, sous réserve des conventions internationales" ; que si l’accord franco-algérien du 27 décembre 1968 régit d’une manière complète les conditions dans lesquelles les ressortissants algériens peuvent être admis à séjourner en France et y exercer une activité professionnelle, ainsi que les règles concernant la nature des titres de séjour qui peuvent leur être délivrés, il n’a toutefois pas entendu écarter, sauf stipulations incompatibles expresses, l’application des dispositions de procédure qui s’appliquent à tous les étrangers en ce qui concerne la délivrance, le renouvellement ou le refus de titres de séjour ; qu’au nombre de ces dispositions, figurent notamment celles qui résultent des articles 12 bis (7°) et 12 quater précités de l’ordonnance qui prévoient que le préfet doit consulter la commission du titre de séjour lorsqu’il envisage de refuser un titre de séjour à un étranger dont les liens personnels et familiaux en France sont tels que ce refus porterait au droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus ; que le préfet n’est toutefois tenu de saisir la commission que du seul cas des étrangers qui remplissent effectivement cette condition, et non de celui de tous les étrangers qui s’en prévalent ;

Considérant que, dans les circonstances rappelées ci-dessus, le préfet de la Haute-Garonne n’a pas porté au droit de M. Aissat au respect de la vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus ; que, par suite, M. Aissat n’est pas fondé à soutenir que le préfet de la Haute-Garonne était tenu, sur le fondement des articles 12 bis (7°) et 12 quater précités de l’ordonnance du 2 novembre 1945, de consulter la commission du titre de séjour préalablement à sa décision ;

Considérant, enfin, que si le préfet est également tenu par les dispositions de l’article 12 quater de l’ordonnance du 2 novembre 1945 de consulter la commission du titre de séjour lorsqu’il envisage de refuser un titre de séjour à un "étranger résidant habituellement en France dont l’état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d’une exceptionnelle gravité", la méconnaissance de cette règle de procédure ne saurait être utilement invoquée par un algérien dès lors que l’accord franco-algérien du ? 7 décembre 1968 dans sa rédaction actuellement en vigueur ne comporte aucune stipulation de portée équivalente à celle du 11 ° de l’article 12 bis de l’ordonnance du 2 novembre 1945 ;

Considérant qu’il résulte de tout ce qui précède que le PREFET DE LA HAUTE-GARONNE est fondé à demander l’annulation du jugement attaqué ;

Sur les conclusions tendant à l’application de l’article L. 761-1 du code de justice administrative et de l’article 37 de la loi du 10 juillet 1991

Considérant que les dispositions de l’article L.761-1 du code de justice administrative et de l’article 37 de la loi du 10 juillet 1991 font obstacle à ce que l’Etat, qui n’est pas, dans la présente instance, la partie perdante, soit condamné à payer à M. Aissat et à son conseil les sommes qu’ils demandent au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ;

D E C I D E :

Article 1er : Le jugement du 30 mai 2000 du conseiller délégué par le président du tribunal administratif de Toulouse est annulé.

Article 2 : La demande présentée devant le tribunal administratif de Toulouse par M. Aissat, ainsi que ses conclusions tendant à l’application des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative et de l’article 37 de la loi du 10 juillet 1991 sont rejetées.

Article 3 : La présente décision sera notifiée au PREFET DE LA HAUTE-GARONNE, à M. Lakhdar Aissat et au ministre de l’intérieur.

 


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