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Conseil d’Etat, 30 juillet 2003, n° 236016, Syndicat des avocats de France

Les dispositions de l’ordonnance du 2 novembre 1945 impliquent que, pour permettre l’exercice de leurs droits par les personnes maintenues en rétention et compte tenu notamment de la brièveté du délai de recours contentieux en matière de reconduite à la frontière, l’administration prenne toute disposition pour que les avocats et les interprètes puissent, d’une part, accéder aux centres de rétention à tout moment lorsqu’un étranger en formule la demande et, d’autre part, bénéficier de conditions de travail adéquates pour, notamment, être en mesure de s’entretenir de manière confidentielle avec la personne placée en rétention et faire usage des voies de recours qui lui sont ouvertes.

CONSEIL D’ETAT

Statuant au contentieux

N° 236016

SYNDICAT DES AVOCATS DE FRANCE

M. Thiellay
Rapporteur

M. Guyomar
Commissaire du gouvernement

Séance du 28 mai 2003
Lecture du 30 juillet 2003

REPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

Le Conseil d’Etat statuant au contentieux

(Section du contentieux, 6ème et 4ème sous-section réunies)

Sur le rapport de la 6ème sous-section de la Section du contentieux

Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 13 juillet et 13 novembre 2001 au secrétariat du contentieux du Conseil d’Etat, présentés pour le SYNDICAT DES AVOCATS DE FRANCE, dont le siège est 21 bis, rue Victor Massé à Paris (75009) ; le SYNDICAT DES AVOCATS DE FRANCE demande au Conseil d’Etat :

1°) d’annuler l’arrêté interministériel du 24 avril 2001 précisant les conditions d’application des articles 2, 6 et 8 du décret n° 2001-236 du 19 mars 2001 relatif aux centres et locaux de rétention administrative, ensemble les annexes I et II de cet arrêté ;

2°) de condamner l’Etat à lui verser une somme de 2 500 euros au titre des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales ;

Vu l’ordonnance n° 45-2658 du 2 novembre 1945 ;

Vu le décret n° 2001-236 du 19 mars 2001 ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de M. Thiellay, Maître des Requêtes,
- les observations de la SCP Masse-Dessen, Thouvenin, avocat du SYNDICAT DES AVOCATS DE FRANCE,
- les conclusions de M. Guyomar, Commissaire du gouvernement ;

Considérant qu’aux termes de l’article 35 bis de l’ordonnance du 2 novembre 1945, dans sa rédaction alors en vigueur : " Peut être maintenu, s’il y a nécessité, par décision écrite motivée du représentant de l’Etat dans le département, dans les locaux ne relevant pas de l’administration pénitentiaire, pendant le temps strictement nécessaire à son départ, l’étranger qui : / 1° soit, devant être remis aux autorités compétentes d’un Etat de la Communauté européenne en application de l’article 33, ne peut quitter immédiatement le territoire français ; / 2° soit, faisant l’objet d’un arrêté d’expulsion, ne peut quitter immédiatement le territoire français ;/ 3° soit, devant être reconduit à la frontière, ne peut quitter immédiatement le territoire français (...). Dès le début du maintien, l’intéressé peut demander l’assistance d’un interprète, d’un médecin, d’un conseil et peut, s’il le désire, communiquer avec son consulat et avec une personne de son choix ; il en est informé au moment de la notification de la décision de maintien ; mention en est faite sur le registre prévu ci-dessus émargé par l’intéressé. Il peut, le cas échéant, bénéficier de l’aide juridictionnelle " ;

Considérant que le Premier ministre a, par un décret du 19 mars 2001, fixé les règles applicables aux centres et locaux de rétention administrative et a notamment prévu, aux articles 2, 6 et 8, qu’un arrêté interministériel déterminerait la liste des centres, un modèle de règlement intérieur précisant notamment les modalités pratiques de l’exercice de leurs droits par les étrangers retenus et un modèle de registre de rétention ; que, par suite, le moyen tiré de ce que les ministres de l’intérieur, de l’emploi et de la solidarité, de la justice et de la défense n’auraient pas été compétents pour prendre l’arrêté du 24 avril 2001 doit être écarté ;

Considérant que, contrairement à ce que soutient le syndicat requérant, les dispositions de l’article 19 de l’annexe II de l’arrêté contesté, relative au modèle de règlement intérieur des centres de rétention, selon lesquelles les personnes souhaitant pénétrer dans les centres doivent se soumettre au contrôle de sécurité, ne portent atteinte ni à la dignité de la profession d’avocat, ni au secret professionnel ; que l’arrêté du 24 avril 2001 pouvait légalement prévoir, compte tenu de la différence de situation entre ces personnes, que les représentants des autorités consulaires soient admis dans les centres de rétention dans des conditions différentes, à cet égard, de celles applicables aux avocats et aux interprètes ;

Considérant toutefois que les dispositions de l’ordonnance du 2 novembre 1945 impliquent que, pour permettre l’exercice de leurs droits par les personnes maintenues en rétention et compte tenu notamment de la brièveté du délai de recours contentieux en matière de reconduite à la frontière, l’administration prenne toute disposition pour que les avocats et les interprètes puissent, d’une part, accéder aux centres de rétention à tout moment lorsqu’un étranger en formule la demande et, d’autre part, bénéficier de conditions de travail adéquates pour, notamment, être en mesure de s’entretenir de manière confidentielle avec la personne placée en rétention et faire usage des voies de recours qui lui sont ouvertes ; qu’il ressort d’ailleurs des pièces du dossier que les règlements intérieurs régissant les centres de rétention administrative en application de l’arrêté du 24 avril 2001 prévoient des conditions d’accès différentes, avec des horaires variables, et parfois restreints, pour les avocats et les interprètes ; que par suite, en ne prévoyant pas, à l’article 19 de l’annexe II, que les avocats et les interprètes ont accès à tout moment aux centres de rétention administrative lorsqu’un étranger en formule la demande, et qu’un local adapté, équipé notamment d’une ligne téléphonique et d’un télécopieur, y permet la confidentialité des échanges entre les personnes placées en rétention et leurs avocats, les auteurs de l’arrêté du 24 avril 2001 n’ont pas fait une exacte application des dispositions prises par le législateur pour garantir les droits des étrangers placés en rétention administrative ;

Sur les conclusions tendant à l’application de l’article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant qu’il y a lieu, dans les circonstances de l’espèce, de faire application de l’article L. 761-1 du code de justice administrative et de condamner l’Etat à verser au SYNDICAT DES AVOCATS DE FRANCE une somme de 2 500 euros au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens ;

D E C I D E :

Article 1er : L’article 19 de l’annexe II, fixant le modèle de règlement intérieur applicable aux centres de rétention administrative, de l’arrêté interministériel du 24 avril 2001 est annulé en tant qu’il ne prévoit pas que les avocats et les interprètes ont accès à tout moment, lorsqu’un étranger en formule la demande, aux centres de rétention administrative et que, dans chaque centre, un local adapté, équipé notamment d’une ligne téléphonique et d’un télécopieur, permet la confidentialité des échanges entre les avocats et les étrangers placés en rétention.

Article 2 : L’Etat versera au SYNDICAT DES AVOCATS DE FRANCE une somme de 2 500 euros au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le surplus des conclusions de la requête du SYNDICAT DES AVOCATS DE FRANCE est rejeté.

Article 4 : La présente décision sera notifiée au SYNDICAT DES AVOCATS DE FRANCE, au ministre de l’intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales, au ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité, au garde des sceaux, ministre de la justice et au ministre de la défense.

 


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