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Conseil d’Etat, 9 février 2004, n° 243514, Préfet de Police c/ M. D.

La conclusion d’un pacte civil de solidarité par un étranger soit avec un Français soit avec un autre étranger en situation régulière, n’emporte pas, à elle seule, délivrance de plein droit d’une carte de séjour temporaire. La conclusion d’un tel pacte constitue toutefois un élément de la situation personnelle de l’intéressé, dont l’autorité administrative doit tenir compte pour apprécier si un refus de délivrance de carte de séjour n’entraînerait pas, compte tenu de l’ancienneté de la vie commune du demandeur avec son partenaire, une atteinte excessive à son droit au respect de sa vie privée et familiale ; que si tel est le cas, l’autorité préfectorale ne saurait légalement prendre à l’encontre de l’intéressé un arrêté ordonnant sa reconduite à la frontière.

CONSEIL D’ETAT

Statuant au contentieux

N° 243514

PREFET DE POLICE
c/ M. D.

Mme Artaud-Macari
Rapporteur

Mme Prada Bordenave
Commissaire du gouvernement

Séance du 16 janvier 2004
Lecture du 9 février 2004

REPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

Le Conseil d’Etat statuant au contentieux

(Section du contentieux, 2ème et 7ème sous-sections réunies)

Sur le rapport de la 2ème sous-section de la Section du contentieux

Vu la requête, enregistrée le 25 février 2002 au secrétariat du contentieux du Conseil d’Etat, présentée par le PREFET DE POLICE ; le PREFET DE POLICE demande au Conseil d’Etat d’annuler le jugement du 12 décembre 2001 par lequel le magistrat délégué par le président du tribunal administratif de Paris a annulé son arrêté du 29 août 2001 décidant la reconduite à la frontière de M. Seydou D. ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu l’ordonnance n° 45-2658 du 2 novembre 1945 modifiée relative aux conditions d’entrée et de séjour des étrangers en France ;

Vu la loi n° 99-944 du 15 novembre 1999, notamment son article 22 ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de Mme Artaud-Macari, Conseiller d’Etat,
- les conclusions de Mme Prada Bordenave, Commissaire du gouvernement ;

Considérant qu’aux termes de l’article 12 de la loi du 15 novembre 1999 : "La conclusion d’un pacte civil de solidarité constitue l’un des éléments d’appréciation des liens personnels en France, au sens du 7° de l’article 12 bis de l’ordonnance du 2 novembre 1945 relative aux conditions d’entrée et de séjour des étrangers en France, pour l’obtention d’un titre de séjour" ; que les dispositions de l’ordonnance du 2 novembre 1945 auxquelles il est ainsi fait référence prévoient que, sauf si la présence du demandeur constitue une menace pour l’ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention "vie privée et familiale" est délivrée de plein droit à l’étranger "dont les liens personnels et familiaux en France sont tels que le refus d’autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus" ;

Considérant qu’il résulte de ces dispositions, éclairées par les débats parlementaires qui ont précédé l’adoption de la loi du 15 novembre 1999, que la conclusion d’un pacte civil de solidarité par un étranger soit avec un Français soit avec un autre étranger en situation régulière, n’emporte pas, à elle seule, délivrance de plein droit d’une carte de séjour temporaire ; que la conclusion d’un tel pacte constitue toutefois un élément de la situation personnelle de l’intéressé, dont l’autorité administrative doit tenir compte pour apprécier si un refus de délivrance de carte de séjour n’entraînerait pas, compte tenu de l’ancienneté de la vie commune du demandeur avec son partenaire, une atteinte excessive à son droit au respect de sa vie privée et familiale ; que si tel est le cas, l’autorité préfectorale ne saurait légalement prendre à l’encontre de l’intéressé un arrêté ordonnant sa reconduite à la frontière ;

Considérant qu’il ressort des pièces du dossier que M. D., de nationalité malienne, a conclu avec un ressortissant français un pacte civil de solidarité, le 3 août 2000 ; qu’il a présenté, le 29 mai 2001, une demande de titre de séjour sur le fondement des dispositions précitées de l’article 12 bis 7° de l’ordonnance du 2 novembre 1945 susvisée, laquelle a été rejetée par le PREFET DE POLICE ; qu’après avoir constaté que M. D. s’était maintenu sur le territoire français plus d’un mois après la notification qui lui a été faite, le 29 mai 2001, du refus d’une carte de séjour, le PREFET DE POLICE a ordonné, le 29 août 2001, sa reconduite à la frontière par application des dispositions du 3° du I de l’article 22 de l’ordonnance du 2 novembre 1945 ;

Considérant qu’il ressort des pièces du dossier que M. D. a rencontré le ressortissant français avec lequel il a ensuite conclu un pacte civil de solidarité, en avril 1997, à Bamako ; qu’ils ont ensuite effectué des séjours communs dans divers pays lors de congés ; que leur vie commune a débuté dès l’entrée régulière en France de M. D., le 13 octobre 1998 ; que la relation dont se prévaut M. D. durait ainsi depuis quatre ans à la date de la décision attaquée ; que M. D. apporte des éléments établissant la réalité et la stabilité de sa relation ; que, par suite, compte tenu des effets d’une mesure de reconduite à la frontière, l’arrêté préfectoral du 29 août 2001 a porté au droit de M. D. au respect de sa vie privée une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels il a été pris ; que le PREFET DE POLICE n’est, par suite, pas fondé à soutenir que c’est à tort que le magistrat délégué par le président du tribunal administratif de Paris s’est fondé, pour annuler l’arrêté de reconduite à la frontière pris à l’encontre de M. D., sur ce que cette décision avait méconnu les stipulations de l’article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales ;

Sur les conclusions de M. D. tendant à l’application des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant qu’il y a lieu, dans les circonstances de l’espèce, de faire application des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative et de condamner l’Etat à payer à M. D. la somme de 1 500 euros que demande celui-ci au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens ;

D E C I D E :

Article 1er : La requête du PREFET DE POLICE est rejetée.

Article 2 : L’Etat est condamné à payer à M. D. la somme de 1 500 euros.

Article 3 : La présente décision sera notifiée au PREFET DE POLICE, à M. Seydou D. et au ministre de l’intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales.

 


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