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Conseil d’Etat, 17 novembre 2008, n° 294215, Entreprise Aubelec et M. A.

Le refus persistant et non justifié de l’administration d’acquitter les factures de travaux commandés par elle et réalisés par l’entreprise requérante, est constitutif d’un mauvais vouloir manifeste.

CONSEIL D’ETAT

Statuant au contentieux

N°s 294215, 294216

ENTREPRISE AUBELEC
M. A.

M. Philippe Mettoux
Rapporteur

M. Nicolas Boulouis
Commissaire du gouvernement

Séance du 10 octobre 2008
Lecture du 17 novembre 2008

REPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

Le Conseil d’Etat statuant au contentieux

(Section du contentieux, 7ème et 2ème sous-sections réunies)

Sur le rapport de la 7ème sous-section de la Section du contentieux

Vu 1°, sous le numéro 294215, la requête, enregistrée le 9 juin 2006 au secrétariat du contentieux du Conseil d’Etat, présentée pour l’ENTREPRISE AUBELEC, dont le siège est 5 avenue Clemenceau, BP 1489 à Djibouti, République de Djibouti ; l’ENTREPRISE AUBELEC demande au Conseil d’Etat :

1°) de condamner l’Etat à lui verser la somme de 2 772 619 euros (554 512 836 francs djiboutiens) au titre du règlement de livraisons de fournitures, travaux de remise en état et d’entretien d’installations électriques effectués à Djibouti, d’une part, au sein du centre hospitalier des armées Bouffard, d’autre part, dans des bâtiments relevant de l’armée de terre (10ème BCS quartier Borgnis-Debordes, Montclar, résidence du COMFOR, DA 188 villas 1-2-3), avec intérêts moratoires et intérêts de droit ;

2°) de condamner l’Etat à lui verser la somme de 4 715 255 euros (960 872 779 francs djiboutiens) au titre de l’indemnisation des préjudices résultant du retard fautif de l’Etat à procéder au règlement des travaux réalisés ;

3°) de mettre à la charge de l’Etat une somme de 10 000 euros au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Vu 2°, sous le numéro 294216, la requête, enregistrée le 9 juin 2006 au secrétariat du contentieux du Conseil d’Etat, présentée pour M. Mohamed Omar A., ès qualités de dirigeant de l’ENTREPRISE AUBELEC, domicilié 5, avenue Clemenceau, BP 1489 à Djibouti, République de Djibouti ; M. A. demande au Conseil d’Etat :

1°) de condamner l’Etat à lui verser la somme de 583 053 euros (121 330 167 francs djiboutiens) au titre de l’indemnisation des préjudices résultant du comportement fautif du ministère de la défense et 1 500 000 euros (3 000 000 francs djiboutiens) en réparation du préjudice moral et des troubles dans les conditions d’existence subis de ce même fait ;

2°) de mettre à la charge de l’Etat une somme de 5 000 euros au titre de l’article L.761-1 du code de justice administrative ;

Vu les autres pièces des dossiers ;

Vu le code civil ;

Vu le code des marchés publics ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Philippe Mettoux, Conseiller d’Etat,

- les observations de la SCP Piwnica, Molinié, avocat de l’ENTREPRISE AUBELEC et de M. A.,

- les conclusions de M. Nicolas Boulouis, Commissaire du gouvernement ;

Considérant que les requêtes susvisées présentent à juger des questions connexes ; qu’il y a lieu de les joindre pour statuer par une seule décision ;

Sur les conclusions présentées par l’ENTREPRISE AUBELEC :

Considérant qu’il résulte de l’instruction que l’ENTREPRISE AUBELEC, société de droit djiboutien a, d’avril 1993 à octobre 1994, effectué un certain nombre de travaux de remise en état et d’entretien d’installations électriques de divers bâtiments de l’armée française à Djibouti ; que certains de ces travaux ont été réalisés en urgence à la suite de dégâts occasionnés par plusieurs inondations, sur la base de lettres d’intention de commande, leur réalisation ayant été confirmée par des certificats administratifs ; que le règlement de ces travaux et prestations, renvoyé par l’administration à la mise en place de crédits de paiement dans le cadre de marchés de régularisation, n’est jamais intervenu, malgré les réclamations réitérées de l’entreprise ; qu’il n’est pas contesté que la créance de la requérante s’élève à ce titre à la somme de 257 370 450 francs djiboutiens, à leur valeur au 7 novembre 1994, date à laquelle la société a adressé une réclamation d ’ensemble à l’autorité militaire, soit 1 165 229 euros ; qu’ainsi l’Etat doit être condamné à payer cette somme à l’ENTREPRISE AUBELEC sur le terrain de l’enrichissement sans cause ; que si l’entreprise requérante demande les intérêts sur cette somme au taux contractuel en application de l’article 178 du code des marchés publics alors applicable, cette demande, en l’absence de tout contrat, ne peut qu’être rejetée ; que cependant elle a droit, dans la limite de ce qu’elle a demandé, aux intérêts au taux légal, dès lors que, contrairement à ce que soutient l’administration, les factures adressées par l’entreprise aux autorités militaires françaises à Djibouti valaient sommation de payer ;que le montant de ces intérêts s’élève à la somme non contestée de 167 968 663 francs djiboutiens, au titre des intérêts échus au 31 mars 2003, soit 918 788 euros ;

Considérant qu’il ressort de l’instruction que le refus persistant et non justifié de l’administration d’acquitter les factures de travaux commandés par elle et réalisés par l’entreprise requérante, est constitutif d’un mauvais vouloir manifeste ; que la société requérante est par suite fondée à demander des dommages-intérêts distincts des intérêts moratoires de sa créance ; qu’il sera fait une juste appréciation de la réparation qui lui est due à ce titre en lui allouant une somme de 400 000 euros ;

Sur les conclusions présentées par M. Mohamed Omar A. :

Considérant que M. A., gérant de la société AUBELEC, sollicite le versement de dommages et intérêts en réparation du refus persistant et non justifié de l’administration d’acquitter les factures de travaux réalisés par son entreprise, en soutenant que ce refus lui a causé, à titre personnel, un préjudice tant économique que moral et des troubles graves dans ses conditions d’existence ; mais considérant que ce litige n’est pas un litige " en matière de travaux publics au sens de l’article R.421-1 du code de justice administrative et que n’étant dirigée contre aucune décision administrative rejetant implicitement ou expressément une demande de dommages et intérêts pour comportement fautif de l’Etat, la requête de M. A. est irrecevable ;

Sur les conclusions tendant à l’application des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant qu’il y a lieu, dans les circonstances de l’espèce, de faire application des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative et de mettre à la charge de l’Etat la somme de 5 000 euros au titre des frais exposés par l’ENTREPRISE AUBELEC et non compris dans les dépens ;que les mêmes dispositions font obstacle à ce que soit mise à la charge de l’Etat, qui n’est pas la partie perdante dans l’instance l’opposant à M. A., la somme que celui-ci demande au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens ;

D E C I D E :

Article 1er : L’Etat est condamné à verser à l’ENTREPRISE AUBELEC la somme de 2 484 017 euros.

Article 2 : La requête de M. Mohamed Omar A. est rejetée.

Article 3 : L’Etat versera les sommes de 5 000 euros à l’ENTREPRISE AUBELEC au titre des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête de l’ENTREPRISE AUBELEC est rejeté.

Article 5 : La présente décision sera notifiée à l’ENTREPRISE AUBELEC, à M. Mohamed Omar A. et au ministre de la défense.

 


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