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Conseil d’Etat, 6 octobre 2008, n° 299768, Ministre de l’économie, des finances et de l’industrie c/ M. et Mme E.

L’administration peut exercer un droit de communication auprès de la SACEM sans que les dispositions de l’article 82 A de ce livre aient pour objet ou pour effet de restreindre l’utilisation des informations ainsi obtenues à l’imposition des seules personnes qui procèdent au versement ou à l’encaissement des droits d’auteurs ou d’inventeurs qu’elles sont tenues de déclarer en application des dispositions de l’article 241 du code général des impôts.

CONSEIL D’ETAT

Statuant au contentieux

N° 299768

MINISTRE DE L’ECONOMIE, DES FINANCES ET DE L’INDUSTRIE
c/ M. et Mme E.

M. Jean-Marc Anton
Rapporteur

Mme Nathalie Escaut
Commissaire du gouvernement

Séance du 5 septembre 2008
Lecture du 6 octobre 2008

REPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

Le Conseil d’Etat statuant au contentieux

(Section du contentieux, 8ème et 3ème sous-sections réunies)

Sur le rapport de la 8ème sous-section de la section du contentieux

Vu le pourvoi, enregistré le 15 décembre 2006 au secrétariat du contentieux du Conseil d’Etat, du MINISTRE DE L’ECONOMIE, DES FINANCES ET DE L’INDUSTRIE ; le MINISTRE DE L’ECONOMIE, DES FINANCES ET DE L’INDUSTRIE demande au Conseil d’Etat :

1°) d’annuler l’arrêt du 31 octobre 2006 par lequel la cour administrative d’appel de Bordeaux, faisant droit à l’appel formé par M. et Mme Roger E. contre le jugement du 30 juin 2003 du tribunal administratif de Pau, a annulé ce jugement et déchargé M. et Mme E. des cotisations supplémentaires d’impôt sur le revenu et des pénalités correspondantes auxquelles ils avaient été assujettis au titre des années 1993 à 1995 ainsi que du complément de taxe sur la valeur ajoutée et des pénalités correspondantes qui leur avaient été réclamés pour la période du 1er octobre 1992 au 30 septembre 1995 ;

2°) réglant l’affaire au fond, de prononcer le rétablissement de ces impositions ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la note en délibéré, enregistrée le 5 septembre 2008, présentée pour M. et Mme E. ;

Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

Vu l’ordonnance n° 2005-1512 du 7 décembre 2005 ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Jean-Marc Anton, Auditeur,

- les observations de la SCP Bachellier, Potier de la Varde, avocat de M. et Mme E.,

- les conclusions de Mme Nathalie Escaut, Commissaire du gouvernement ;

Considérant qu’il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond qu’à la suite d’une vérification de comptabilité relative à son activité d’exploitant de podiums pour des spectacles portant sur la période du 1er octobre 1992 au 30 septembre 1994 pour les bénéfices industriels et commerciaux et jusqu’au 30 septembre 1995 en matière de taxe sur la valeur ajoutée, M. E. a été assujetti à des compléments de taxe sur la valeur ajoutée pour la période du 1er octobre 1992 au 30 septembre 1995 et à des cotisations supplémentaires d’impôt sur le revenu pour les années 1993 à 1995 ainsi qu’aux pénalités correspondantes ; que le tribunal administratif de Pau a été saisi de quatre demandes tendant à la décharge de ces compléments de taxe sur la valeur ajoutée et de ces cotisations supplémentaires d’impôt sur le revenu pour chacune des années 1993 à 1995 ; qu’après avoir joint ces quatre demandes, le tribunal les a rejetées par un jugement en date du 30 juin 2003 ; que le MINISTRE DE L’ECONOMIE, DES FINANCES ET DE L’INDUSTRIE se pourvoit en cassation contre l’arrêt de la cour administrative d’appel de Bordeaux qui a annulé ce jugement et déchargé les contribuables de ces impositions ;

Sans qu’il soit besoin d’examiner les autres moyens du pourvoi ;

Considérant que le tribunal administratif a statué par un seul jugement, d’une part sur une demande, émanant de M. E., tendant à la décharge des compléments de taxe sur la valeur ajoutée auxquels il a été assujetti à raison de l’exercice de ses activités professionnelles et sur deux demandes tendant à le décharger des cotisations supplémentaires d’impôt sur le revenu mis à sa charge au titre des années 1993 et 1994 et, d’autre part, sur une demande présentée par M. et Mme E. et tendant à la décharge des cotisations supplémentaires d’impôt sur le revenu auxquels ils ont été assujettis au titre de l’année 1995, année de leur mariage ; que, compte tenu de la nature de l’impôt sur le revenu et de celle de la taxe sur la valeur ajoutée, et quels que fussent en l’espèce les liens de fait et de droit entre ces impositions, le tribunal administratif devait statuer par deux décisions séparées à l’égard, d’une part, de M. E. en tant que seul redevable de la taxe sur la valeur ajoutée et des impositions supplémentaires d’impôt sur le revenu pour 1993 et 1994 et, d’autre part, de M. et Mme E. en ce qui concerne le litige relatif aux impositions établies au titre de 1995 ; que c’est en méconnaissance de cette règle d’ordre public que le tribunal administratif de Pau a prononcé la jonction des instances ; qu’en n’annulant pas ce jugement en tant qu’il a statué sur les droits de taxe sur la valeur ajoutée et des compléments d’impôt sur le revenu auxquels seul M. E. était assujetti, en même temps que sur des compléments d’impôt sur le revenu de M. et Mme E., la cour administrative de Bordeaux a commis une erreur de droit ; que par suite, le ministre est fondé à demander l’annulation de l’arrêt attaqué ;

Considérant que, dans les circonstances de l’espèce, il y a lieu, par application des dispositions de l’article L. 821-2 du code de justice administrative, de régler l’affaire au fond ;

Considérant que le tribunal administratif, qui devait statuer par deux décisions séparées à l’égard, d’une part, de M. E. en tant que seul redevable de la taxe sur la valeur ajoutée et des impositions supplémentaires d’impôt sur le revenu pour 1993 et 1994 et, d’autre part, de M. et Mme E. au titre de 1995, a prononcé la jonction des instances en méconnaissance de cette règle d’ordre public ; que, par suite, ce jugement doit être annulé ;

Considérant qu’il y a lieu, pour le Conseil d’Etat, dans les circonstances de l’affaire, d’une part, d’évoquer les demandes présentées devant la cour administrative d’appel de Bordeaux en tant qu’elles concernent le complément de la taxe sur la valeur ajoutée due par M. E. et les cotisations supplémentaires d’impôt sur le revenu au titre des années 1993 et 1994, d’autre part, après que les mémoires et pièces produites dans les écritures relatives au litige correspondant à l’impôt sur le revenu auront été enregistrés par le secrétariat du contentieux du Conseil d’Etat sous un numéro distinct, de statuer par l’effet dévolutif de l’appel sur les conclusions relatives aux compléments d’impôt sur le revenu contestés par M. et Mme E. au titre de l’année 1995 ;

Considérant, en premier lieu, qu’il résulte de l’instruction que le vérificateur s’est fondé, pour redresser les bases d’imposition de M. E., sur les renseignements obtenus, dans l’exercice de son droit de communication, en consultant dans les registres de la Société des Auteurs, Compositeurs et Editeurs de Musique (SACEM) les déclarations de recettes des spectacles auxquels concourait l’activité de M. E., rémunérée au pourcentage de ces recettes ; qu’après avoir informé M. E., par les notifications des redressements, de l’origine et de la teneur de ces renseignements, l’administration a opposé, à la demande du contribuable d’avoir communication des documents contenant ces informations, la circonstance qu’elle ne détenait aucun de ces documents ; qu’elle en a suffisamment précisé l’origine en indiquant qu’ils provenaient de la SACEM, qui les détenait, et, par suite, n’a pas commis d’erreur de droit ;

Considérant, en deuxième lieu, qu’il résulte de l’instruction qu’après les notifications de redressement adressées au contribuable, l’administration a recoupé les renseignements qu’elle avait obtenus de la SACEM auprès des comités des fêtes et organisations des spectacles auxquels concourait l’activité de M. E. ; qu’il incombe à l’administration d’informer avec une précision suffisante un contribuable de l’origine et de la teneur des renseignements obtenus auprès de tiers dont elle s’est prévalue au cours de la procédure d’imposition, y compris lors de la procédure devant la commission départementale des impôts directs et des taxes sur le chiffre d’affaires et qu’elle a utilisés pour établir l’imposition afin de permettre à l’intéressé, notamment, de discuter utilement leur provenance ou de demander que les documents qui, le cas échéant, contenaient ces renseignements soient mis à sa disposition avant la mise en recouvrement des impositions qui en procèdent ; qu’il résulte de l’instruction que l’administration a satisfait à cette obligation avant la mise en recouvrement des impositions ; que, par suite, M. E., qui ne peut utilement invoquer dans le présent litige les dispositions de l’article L. 76 B du livre des procédures fiscales issues de l’article 27 de l’ordonnance du 7 décembre 2005, n’est pas fondé à soutenir que la procédure d’imposition serait irrégulière ;

Considérant, en troisième lieu, qu’aux termes des dispositions de l’article 241 du code général des impôts : "Les entreprises, sociétés ou associations qui procèdent à l’encaissement et au versement des droits d’auteur ou d’inventeur sont tenues de déclarer, dans les conditions prévues aux articles 87, 87 A, 89 et 89 A, le montant des sommes qu’elles versent à leurs membres ou à leurs mandants" ; qu’aux termes de l’article L. 81 du livre des procédures fiscales, inséré au chapitre II relatif au droit de communication : "Le droit de communication permet aux agents de l’administration, pour l’établissement de l’assiette et le contrôle des impôts, d’avoir connaissance des documents et des renseignements mentionnés aux articles du présent chapitre dans les conditions qui y sont précisées. Le droit prévu au premier alinéa s’exerce quel que soit le support utilisé pour la conservation des documents (.)" ; qu’aux termes des dispositions de l’article L. 82 A du même livre : "Les personnes qui doivent souscrire la déclaration prévue à l’article 240 du code général des impôts doivent tenir à la disposition des agents de l’administration les documents comptables permettant de connaître le montant annuel des honoraires et revenus assimilés qu’elles versent à des tiers. La même obligation s’impose aux personnes qui procèdent à l’encaissement et au versement de droits d’auteur ou d’inventeur qu’elles sont tenues de déclarer en application de l’article 241 du même code" ; qu’aux termes de l’article L. 102 de ce livre, inséré au même chapitre II : "Les sociétés d’auteurs, d’éditeurs, de compositeurs ou de distributeurs et le centre national de la cinématographie doivent communiquer aux agents de l’administration des impôts tous les documents relatifs aux déclarations souscrites par les exploitants de spectacles, y compris les déclarations de recettes établies en vue du paiement des droits d’auteurs, ainsi que toutes les indications recueillies à l’occasion des vérifications opérées dans les salles" ; qu’il résulte de ces dernières dispositions que l’administration peut exercer un droit de communication auprès de la SACEM sans que les dispositions de l’article 82 A de ce livre aient pour objet ou pour effet de restreindre l’utilisation des informations ainsi obtenues à l’imposition des seules personnes qui procèdent au versement ou à l’encaissement des droits d’auteurs ou d’inventeurs qu’elles sont tenues de déclarer en application des dispositions de l’article 241 du code général des impôts ; qu’il résulte de l’instruction que l’administration a accédé aux registres de cette société dans le cadre de l’exercice de son droit de communication ; que, par suite, le moyen tiré de ce qu’elle aurait ainsi méconnu les dispositions de l’article L. 82 A du livre des procédures fiscales doit être écarté ;

Considérant, en quatrième lieu, que le moyen tiré de ce que les impositions contestées auraient été établies sur le fondement de renseignements erronés, obtenus auprès de la SACEM, n’est pas assorti des précisions permettant d’en apprécier le bien-fondé et doit, par suite, être écarté ;

Considérant qu’il résulte de ce qui précède que M. E. n’est pas fondé à demander la décharge des compléments de taxe sur la valeur ajoutée pour la période du 1er octobre 1992 au 30 septembre 1995 et des cotisations supplémentaires d’impôt sur le revenu pour les années 1993 et 1994 ;

Sur les conclusions tendant à l’application des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant que ces dispositions font obstacle à ce que soit mise à la charge de l’Etat, qui n’est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme que demande M. E. au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens ;

D E C I D E :

Article 1er : L’arrêt de la cour administrative d’appel de Bordeaux du 31 octobre 2006 et le jugement du tribunal administratif de Pau du 30 juin 2003 sont annulés.

Article 2 : Les productions de M. et Mme E., en tant qu’elles concernent l’impôt sur le revenu mis à leur charge au titre de l’année 1995, seront rayées du registre du secrétariat du contentieux du Conseil d’Etat pour être enregistrées sous un numéro distinct.

Article 3 : Le surplus des conclusions de M. E. est rejeté.

Article 4 : La présente décision sera notifiée au MINISTRE DU BUDGET, DES COMPTES PUBLICS ET DE LA FONCTION PUBLIQUE et à M. et Mme Roger E..

 


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