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Conseil d’Etat, 13 février 2008, n° 306787, Daniel L.

Le respect du principe de la double incrimination par la législation de l’Etat requérant et par celle de l’Etat requis, résultant de l’article 2-1 précité de la convention européenne d’extradition, n’implique pas que la qualification pénale des faits soit identique dans ces deux législations, mais requiert seulement qu’ils soient incriminés par l’une et l’autre et satisfassent aux pénalités encourues.

CONSEIL D’ETAT

Statuant au contentieux

N° 306787

M. L.

Mme Catherine Chadelat
Rapporteur

Mme Emmanuelle Prada Bordenave
Commissaire du gouvernement

Séance du 16 janvier 2008
Lecture du 13 février 2008

REPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

Le Conseil d’Etat statuant au contentieux

(Section du contentieux, 2ème et 7ème sous-sections réunies)

Sur le rapport de la 2ème sous-section de la Section du contentieux

Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 21 juin et 31 août 2007 au secrétariat du contentieux du Conseil d’Etat, présentés pour M. Daniel L. ; M. L. demande au Conseil d’Etat d’annuler le décret du 14 mai 2007 accordant son extradition aux autorités roumaines ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales ;

Vu la convention européenne d’extradition du 13 décembre 1957 ;

Vu le code pénal ;

Vu le code de procédure pénale ;

Vu la loi du 10 mars 1927 ;

Vu la loi n° 2004-204 du 9 mars 2004 ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de Mme Catherine Chadelat, Conseiller d’Etat,

- les observations de la SCP Waquet, Farge, Hazan, avocat de M. L.,

- les conclusions de Mme Emmanuelle Prada Bordenave, Commissaire du gouvernement ;

Sur la légalité externe du décret attaqué :

Considérant qu’il ressort des pièces du dossier que le décret attaqué a été signé par le Premier ministre et contresigné par le garde des sceaux, ministre de la justice ; que l’ampliation notifiée à M. L. n’avait pas à être elle-même revêtue de ces signatures ; qu’ainsi, le moyen tiré de l’absence de signature du décret attaqué manque en fait ;

Considérant que la demande d’extradition formée par les autorités roumaines contre M. L. porte notamment sur des faits d’aide à l’auteur de l’infraction, susceptibles d’être qualifiés en droit français de recel, qualification figurant au décret attaqué ; que, par suite, le moyen tiré de ce que le décret attaqué vise une infraction n’ayant pas fait l’objet de la demande d’extradition manque en fait ;

Sur la légalité interne du décret attaqué :

Considérant qu’aux termes de l’article 2 de la convention européenne d’extradition du 13 décembre 1957 : " 1- Donneront lieu à extradition les faits punis par les lois de la Partie requérante et de la Partie requise d’une peine privative de liberté. d’un maximum d’au moins un an . Lorsqu’une condamnation à une peine est intervenue . sur le territoire de la Partie requérante, la sanction prononcée devra être d’une durée d’au moins quatre mois (.) " ; qu’aux termes des réserves émises par la France à la même convention : " S’agissant des personnes poursuivies, l’extradition ne sera accordée que pour les faits punis par la loi française et par la loi de l’Etat requérant d’une peine privative de liberté d’un maximum d’au moins deux ans " ;

Considérant que le respect du principe de la double incrimination par la législation de l’Etat requérant et par celle de l’Etat requis, résultant de l’article 2-1 précité de la convention européenne d’extradition, n’implique pas que la qualification pénale des faits soit identique dans ces deux législations, mais requiert seulement qu’ils soient incriminés par l’une et l’autre et satisfassent aux pénalités encourues ;

Considérant que, si M. L. soutient que les faits pour lesquels son extradition a été prononcée ne sont pas incriminés en droit pénal français, il ressort des pièces du dossier que ces faits, tels qu’ils résultent du jugement du 3 mai 2001 du tribunal militaire de Bucarest, consistent à avoir transporté en connaissance de cause des marchandises volées dans un camion que l’intéressé a conduit sans être titulaire d’un permis et reçoivent, en droit français, la qualification de recel de vol, délit prévu et réprimé de 5 ans d’emprisonnement par l’article 321-1 du code pénal et de conduite sans permis de conduire, délit prévu et réprimé d’un an d’emprisonnement par l’article L. 221-2 du code de la route ; que, par suite, le moyen tiré de ce que les faits visés dans la demande d’extradition de M. L. ne satisfont pas à l’article 2-1 de la convention européenne d’extradition du 13 décembre 1957, ne peut qu’être écarté ;

Considérant que, si M. L. soutient qu’en tant qu’il accorde son extradition pour des faits de conduite d’un véhicule automobile sans permis, réprimés par le droit français comme par le droit roumain d’un an maximum d’emprisonnement, le décret attaqué méconnaît les réserves précitées à l’article 2 de la convention, lesdites réserves ne reçoivent pas application lorsque l’extradition est demandée, comme en l’espèce, pour l’exécution d’une condamnation d’ores et déjà prononcée et exécutoire ; que, par suite, le moyen tiré de la violation des réserves précitées ne peut qu’être écarté ;

Considérant que, si M. L. soutient que la condamnation pénale à l’origine du décret attaqué a été prononcée par une juridiction militaire, selon une procédure expéditive et sans qu’il ait été mis en mesure d’assurer sa défense, il ne ressort pas des pièces du dossier que cette juridiction, dont la compétence a été retenue, en application des règles roumaines en matière de connexité, pour juger l’ensemble des prévenus impliqués dans les faits visés par le décret d’extradition litigieux, parmi lesquels figurait l’instigateur des faits, policier ayant la qualité de militaire, ait statué au terme d’une procédure qui n’a pas respecté les garanties fondamentales du procès et les droits de la défense ; que l’intéressé, qui a bénéficié des voies de recours ordinaire comme extraordinaire, était assisté devant la juridiction du second degré par un avocat commis d’office et représenté devant la cour suprême, devant laquelle il ne s’est pas présenté, par un avocat également commis d’office ; que, par suite, la condamnation infligée à M. L. ne peut être regardée comme ayant été prononcée dans des conditions contraires aux stipulations de l’article 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales qui garantissent le droit à un procès équitable et à l’article 1er des réserves émises par la France à l’application de la convention européenne d’extradition quant à la protection des droits de la défense ;

Considérant que, si M. L. soutient qu’en cas d’exécution du décret attaqué, il risquerait de subir des représailles de la part de l’auteur principal des faits délictueux à l’origine de son extradition et de ses complices, il ne ressort pas des pièces du dossier, et notamment du jugement susvisé du 3 mai 2001 dont le contenu était de nature à éclairer suffisamment le gouvernement français sans qu’il ait à recourir à un supplément d’information, qu’en autorisant l’extradition de l’intéressé, le Gouvernement français ait exposé celui-ci à des traitements ou peines inhumains ou dégradants, contraires à l’article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales ;

Considérant qu’il résulte de tout ce qui précède que M. L. n’est pas fondé à demander l’annulation du décret du 14 mai 2007 accordant son extradition aux autorités roumaines ;

D E C I D E :

Article 1er : La requête de M. L. est rejetée.

Article 2 : La présente décision sera notifiée à M. Daniel L. et au garde des sceaux, ministre de la justice.

 


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