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Conseil d’Etat, 13 juin 2003, n° 232362, M. Carlo C.

En limitant la portée de l’extradition à une seule des quatre condamnations prononcées, le Gouvernement n’a pas exercé une compétence que les autorités judiciaires italiennes sont seules à détenir en matière de confusion des peines.

CONSEIL D’ETAT

Statuant au contentieux

N°s 232362,243728

M. C.

Mme de Margerie
Rapporteur

Mme de Silva
Commissaire du gouvernement

Séance du 21 mai 2003
Lecture du 13 juin 2003

REPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

Le Conseil d’Etat statuant au contentieux

(Section du contentieux, 2ème et 1ère sous-section réunies)

Sur le rapport de la 2ème sous-section de la Section du contentieux

Vu 1°/, sous le numéro 232362, la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 9 avril et 26 juin 2001 au secrétariat du contentieux du Conseil d’Etat, présentés pour M. Carlo C. ; M. C. demande au Conseil d’Etat d’annuler pour excès de pouvoir le décret du 12 décembre 2000 accordant son extradition aux autorités italiennes pour l’exécution d’une ordonnance d’unification de peines établie le 23 février 1999 par le procureur général de la République près la cour d’appel de Gênes, à l’exclusion de celles résultant d’un jugement du "préteur" de Gênes du 21 octobre 1994, d’un jugement du "préteur" de Livourne du 10 décembre 1997 et d’un arrêt de la cour d’appel de Gênes du 27 mars 1997 ;

Vu 2°/, sous le numéro 243728, la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés au secrétariat du contentieux du Conseil d’Etat les 4 mars et 17 juin 2002, présentés pour M. Carlo C. ; M. C. demande au Conseil d’Etat d’annuler pour excès de pouvoir le décret du 21 décembre 1999 accordant son extradition aux autorités italiennes sur le fondement d’un ordre d’incarcération établi le 19 octobre 1998 par le procureur général de la République près la cour d’appel de Gênes pour l’exécution d’un reliquat de cinq ans cinq mois sur une peine de sept ans et cinq mois d’emprisonnement prononcée par la cour d’appel de Gênes le 27 mars 1997 pour des faits d’association de malfaiteurs, contrefaçon de sceaux publics et banqueroute frauduleuse ;

Vu les autres pièces des dossiers ;

Vu la Constitution ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950 ;

Vu la convention européenne d’extradition du 13 décembre 1957 ;

Vu la convention d’application de l’Accord de Schengen du 14 juin 1985, signée le 19 juin 1990 ;

Vu la loi du 10 mars 1927 relative à l’extradition des étrangers ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de Mme de Margerie, Maître des Requêtes,
- les observations de la SCP Waquet, Farge, Hazan, avocat de M. C.,
- les conclusions de Mme de Silva, Commissaire du gouvernement ;

Considérant que les requêtes de M. C. présentent à juger des questions liées ; qu’il y a lieu de les joindre pour statuer par une seule décision ;

Sur le décret du 21 décembre 1999 :

Considérant que, par le décret du 21 décembre 1999, le Gouvernement a accordé aux autorités italiennes l’extradition de M. C., ressortissant italien, sur le fondement d’un ordre d’incarcération établi le 19 octobre 1998 par le procureur général de la République près la cour d’appel de Gênes pour l’exécution d’un reliquat d’emprisonnement de cinq ans cinq mois sur une peine d’emprisonnement de sept ans cinq mois prononcée par un arrêt de la cour d’appel de Gênes du 27 mars 1997 pour association de malfaiteurs, contrefaçon de sceaux publics et banqueroute frauduleuse ;

Considérant que, si une ampliation du décret attaqué a été présentée le 6 janvier 2000 à M. C., alors détenu à la maison d’arrêt de Fleury-Mérogis, et si une pièce produite par le garde des sceaux, ministre de la justice mentionne que l’intéressé aurait refusé de signer l’acte de notification qui lui avait été soumis, il ne ressort pas des pièces du dossier que cette ampliation ou cet acte de notification ait comporté la mention des voies et délais du recours contentieux ouvert à l’encontre dudit décret ; qu’ainsi, le garde des sceaux, ministre de la justice, n’est pas fondé à prétendre que la requête de M. C., enregistrée au secrétariat du contentieux du Conseil d’Etat le 4 mars 2002, aurait été introduite après l’expiration du délai du recours contentieux et serait, par suite, irrecevable ;

Considérant que les autorités italiennes ont présenté le 7 octobre 1999, soit avant l’intervention du décret attaqué, une demande d’extradition visant M. C. et fondée sur une ordonnance d’unification de peines établie le 23 février 1999 par le procureur général de la République près la cour d’appel de Gênes pour l’exécution d’une peine d’emprisonnement de huit ans cinq mois vingt-et-un jours résultant de l’arrêt susmentionné du 27 mars 1997, d’un arrêt de la cour d’appel de Gênes du 9 juillet 1996 portant exequatur d’une décision de la Cour royale de Leeds du 9 août 1994 condamnant l’intéressé à une peine d’emprisonnement de neuf ans pour complicité d’escroquerie, faux et vol, d’un jugement du "préteur" de Gênes du 21 octobre 1994 le condamnant à une peine d’emprisonnement de quinze jours pour délivrance de chèques sans provision et d’un jugement du "préteur" de Livourne du 10 décembre 1997 le condamnant à une peine d’emprisonnement de quatre mois pour émission de chèques sans provision ; qu’il ressort des termes même de cette demande que l’extradition de M. C. était poursuivie par les autorités italiennes sur le fondement de l’ordonnance du 23 février 1999 "en substitution" à l’ordre d’incarcération établi le 19 octobre 1998 ; que cette demande devait donc être regardée comme retirant la première demande présentée sur le fondement de l’ordre d’incarcération ; qu’ainsi, postérieurement à la présentation de ladite demande, le Gouvernement ne pouvait plus légalement accorder l’extradition du requérant sur la base de cet ordre ; que, dès lors, et sans qu’il soit besoin d’examiner les autres moyens de la requête, M. C. est fondé à demander l’annulation du décret du 21 décembre 1999 ;

Sur le décret du 12 décembre 2000 :

Considérant que, par le décret du 12 décembre 2000, le Gouvernement a accordé aux autorités italiennes l’extradition de M. C. sur le fondement de l’ordonnance d’unification de peines établie le 23 février 1999, à l’exclusion des peines prononcées par la cour d’appel de Gênes le 27 mars 1997, par le "préteur" de Gênes le 21 octobre 1994 et par le "préteur" de Livourne le 10 décembre 1997 ; qu’ainsi, cette extradition n’a été accordée que pour l’exécution de la peine d’emprisonnement de neuf ans prononcée par la décision de la Cour royale de Leeds du 4 août 1994 ; que, par suite, l’illégalité du décret du 21 décembre 1999, qui est seulement relatif à la condamnation infligée par la cour d’appel de Gênes, est sans incidence sur la légalité du décret du 12 décembre 2000 ;

Considérant qu’en vertu des stipulations de l’article 12 de la convention européenne d’extradition du 13 décembre 1957, la demande d’extradition doit être accompagnée d’une "copie des dispositions légales applicables" ou d’une "déclaration sur le droit applicable" ; que, si la demande présentée par les autorités italiennes le 7 octobre 1999 n’était pas assortie d’une copie des dispositions législatives applicables en Italie et relatives aux faits de faux et de vol pour lesquels M. C. avait été condamné par la Cour royale de Leeds, il ressort des pièces du dossier que cette copie a été communiquée en temps utile aux autorités françaises ; qu’ainsi, le requérant n’est fondé à soutenir ni que le décret attaqué aurait été pris au vu d’une demande d’extradition établie en méconnaissance des stipulations susmentionnées, ni que le Gouvernement n’aurait pas été mis à même de s’assurer du respect des stipulations de l’article 2 de ladite convention aux termes duquel "donneront lieu à extradition les faits punis par les lois... de la Partie requise d’une peine privative de liberté ou d’une mesure de sûreté privative de liberté d’un maximum d’au moins un an ou d’une peine plus sévère" ;

Considérant que, par son ordonnance du 23 février 1999, le procureur général de la République près la cour d’appel de Gênes a procédé non à une confusion des peines, au sens de la législation pénale française, prononcées à l’encontre de M. C., mais à une simple unification de ces peines, en se bornant à additionner les durées de celles-ci sans effectuer une réduction globale de la durée de la peine d’emprisonnement que le requérant était appelé à subir ; qu’ainsi, M. C. ne saurait prétendre qu’en limitant la portée de l’extradition à une seule des quatre condamnations prononcées, le Gouvernement aurait exercé une compétence que les autorités judiciaires italiennes sont seules à détenir en matière de confusion des peines ;

Considérant qu’il appartiendra aux autorités judiciaires italiennes de déterminer, compte tenu de la durée d’emprisonnement déjà effectuée et d’une réduction de peine de deux ans antérieurement prononcée, le reliquat de peine à subir par M. C. au titre de la seule condamnation prononcée par la Cour royale de Leeds ; que, contrairement à ce que soutient le requérant, le décret attaqué ne fait pas obstacle à l’exercice de ce pouvoir par lesdites autorités ;

Considérant que, si M. C. soutient que la Cour royale de Leeds aurait dû commettre d’office un avocat malgré le rejet de sa demande d’aide juridictionnelle et ne pas le laisser assurer seul sa défense, il ressort des pièces du dossier que la décision du 4 août 1994, qui a été au demeurant confirmée en appel au terme d’une audience à laquelle le requérant était représenté par un avocat, a été rendue dans des conditions qui n’étaient pas contraires aux droits de la défense ; que d’ailleurs dans sa décision du 29 août 2000, la Cour européenne des droits de l’homme a déclaré irrecevable le recours de l’intéressé fondé sur une prétendue méconnaissance du droit à un procès équitable garanti par les stipulations de l’article 6-1 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales ; que, par suite, le décret attaqué n’a pas été pris en méconnaissance de l’ordre public français, ni des dispositions de l’article 1er des réserves et déclarations émises par le Gouvernement de la République française lors de la ratification de cette convention ;

Considérant qu’il résulte de ce qui précède que M. C. n’est pas fondé à demander l’annulation du décret du 12 décembre 2000 ;

D E C I D E :

Article 1er : Le décret du 21 décembre 1999 est annulé.

Article 2 : Le surplus des conclusions des requêtes de M. C. est rejeté.

Article 3 : La présente décision sera notifiée à M. Carlo C. et au garde des sceaux, ministre de la justice.

 


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