CONSEIL D’ETAT
Statuant au contentieux
N° 297541
SOCIETE SOGEPARC FRANCE
Mme Caroline Martin
Rapporteur
M. Laurent Olléon
Commissaire du gouvernement
Séance du 12 décembre 2007
Lecture du 14 janvier 2008
REPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
Le Conseil d’Etat statuant au contentieux
(Section du contentieux, 8ème et 3ème sous-sections réunies)
Sur le rapport de la 8ème sous-section de la Section du contentieux
Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 20 septembre et 1er décembre 2006 au secrétariat du contentieux du Conseil d’Etat, présentés pour la SOCIETE SOGEPARC FRANCE, dont le siège est 61, avenue Jules Quentin à Nanterre (92000) ; la SOCIETE SOGEPARC FRANCE demande au Conseil d’Etat :
1°) d’annuler l’arrêt du 11 juillet 2006 par lequel la cour administrative d’appel de Paris, faisant droit à l’appel formé par le ministre de l’économie, des finances et de l’industrie, d’une part, a annulé le jugement du 19 novembre 2003 du tribunal administratif de Paris accordant à la société la décharge des cotisations supplémentaires d’impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie au titre des années 1991 et 1992, d’autre part, a remis à sa charge ces impositions ;
2°) statuant au fond, de rejeter le recours du ministre de l’économie, des finances et du budget devant la cour administrative d’appel de Paris ;
3°) de mettre à la charge de l’Etat une somme de 5 000 euros au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
Vu le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
le rapport de Mme Caroline Martin, Conseiller d’Etat,
les observations de la SCP Célice, Blancpain, Soltner, avocat de la SOCIETE SOGEPARC FRANCE,
les conclusions de M. Laurent Olléon, Commissaire du gouvernement ;
Considérant qu’il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond et notamment des termes des conventions conclues en 1966 et 1973 par la SOCIETE SOGEPARC FRANCE avec les communes de Dijon et de Nice pour la construction de parcs de stationnement, d’une part, que ces parcs sont, dès leur construction par le concessionnaire, la propriété des communes et, d’autre part, que, pour tenir compte de ce que l’amortissement des ouvrages ne peut être assuré qu’à l’expiration d’une période de quarante-cinq ans d’exploitation, les communes s’engagent à verser à l’expiration de la concession, dont la durée est de trente ans, une indemnité correspondant aux 15/45ème du montant de la valeur des installations au moment de leur construction, sauf si elles décident d’accorder au concessionnaire une prorogation de la concession pour une durée de quinze ans ; que la société a pratiqué des amortissements de caducité calculés par annuités de 1/45ème, en estimant qu’elle bénéficierait de la concession pendant quarante-cinq ans ; qu’elle a fait l’objet d’une vérification de comptabilité à l’issue de laquelle l’administration a remis en cause ces amortissements de caducité ; que, devant la cour administrative d’appel de Paris, saisie du recours du ministre de l’économie, des finances et de l’industrie à l’encontre du jugement du tribunal administratif de Paris du 19 novembre 2003 la déchargeant des impositions mises à sa charge, la société a soutenu qu’elle était fondée à pratiquer des amortissements de caducité ou, à défaut, qu’elle pouvait déduire les mêmes sommes soit comme amortissements de ses immobilisations calculés en fonction de la durée prévisible d’utilisation des biens en application des dispositions de l’article 39 D du code général des impôts soit comme amortissements des droits incorporels attachés à la qualité de concessionnaire calculés sur la valeur des immobilisations et sur la durée de la convention ; que la société se pourvoit en cassation contre l’arrêt du 11 juillet 2006 par lequel la cour administrative d’appel de Paris, infirmant le jugement du tribunal administratif de Paris du 19 novembre 2003, a fait droit au recours du ministre et a remis à la charge de la société les cotisations supplémentaires d’impôt sur les sociétés auxquelles celle-ci a été assujettie au titre de ces deux années, aux motifs, d’une part, que la société ne pouvait pas pratiquer d’amortissement de caducité et, d’autre part, qu’elle ne remplissait pas davantage les conditions pour pratiquer des amortissements de droit commun sur ses immobilisations corporelles ou sur ses droits incorporels ;
Sans qu’il soit besoin d’examiner les autres moyens du pourvoi ;
Considérant qu’après avoir jugé que la société n’était pas fondée à déduire des amortissements de caducité dès lors que le contrat prévoyait le versement d’une indemnité au terme d’une durée de trente ans et que, si elle pouvait, en principe, pratiquer des amortissements sur les immobilisations corporelles représentées par les constructions inscrites à son bilan, en application de l’article 39 D du code général des impôts, elle ne justifiait pas la durée probable d’utilisation de ces biens, la cour n’a pu, sans erreur de droit, juger que, pour cette dernière raison, la société ne pouvait pratiquer des amortissements sur ses droits incorporels, alors que ces droits attachés à la qualité de concessionnaire sont amortissables sur la durée de la concession et non sur la durée probable d’utilisation des immobilisations ; que la SOCIETE SOGEPARC FRANCE est, dès lors, fondée à demander l’annulation de l’arrêt attaqué ;
Considérant qu’il y a lieu pour le Conseil d’Etat, dans les circonstances de l’espèce, de faire application de l’article L. 821-2 du code de justice administrative et de régler l’affaire au fond ;
Considérant que le recours présenté par le ministre de l’économie, des finances et de l’industrie expose les moyens de fait et de droit pour lesquels le ministre estime que le jugement attaqué encourt l’annulation ; que la circonstance que ces moyens soient identiques à ceux par lesquels le directeur des services fiscaux concluait au rejet de la demande devant le tribunal administratif n’est pas de nature à rendre irrecevable le recours ;
Considérant que seul un concessionnaire qui est dans l’obligation d’abandonner sans indemnité ses équipements et installations à la collectivité concédante à l’expiration de la durée de la concession peut pratiquer des amortissements de caducité sur ces immobilisations en fonction de la durée de la concession ;
Considérant qu’il résulte de l’instruction qu’en vertu des clauses particulières des conventions litigieuses, à l’expiration de la durée des conventions, fixée à trente ans, et sauf si la durée de la concession était prorogée de quinze ans, la société devait abandonner les parcs de stationnement aux communes et recevait alors une indemnité égale à 15/45ème de leur valeur au jour de la construction dont le montant serait déterminé par deux experts ; que, par suite, c’est à tort que le tribunal administratif a jugé que l’entreprise était en droit de déduire des amortissements de caducité, même en les limitant à 30/45ème de la valeur des immobilisations, au motif qu’aux termes des conventions, le concessionnaire ne bénéficiait d’aucune indemnisation à hauteur des deux tiers de la valeur des ouvrages ;
Considérant, toutefois, qu’il appartient au Conseil d’Etat, saisi de l’ensemble du litige par l’effet dévolutif de l’appel, d’examiner les autres moyens soulevés par la société tant devant le tribunal administratif que devant la cour ;
Considérant qu’aux termes de l’article 39 D du code général des impôts : "L’amortissement des constructions et aménagements édifiés sur le sol d’autrui doit être réparti sur la durée normale d’utilisation de chaque élément" ;
Considérant que, contrairement à ce que soutient le ministre, la SOCIETE SOGEPARC FRANCE était en droit d’amortir ces immobilisations sur leur durée probable d’utilisation, même si elle n’était pas propriétaire des parcs de stationnement et si ces biens n’étaient pas renouvelables ; que la société fait valoir, sans être contestée, que la durée probable d’utilisation des immobilisations était de quarante-cinq ans ; que, par suite, sans qu’il soit besoin d’examiner les autres moyens présentés par la société, le ministre n’est pas fondé à se plaindre de ce que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif a prononcé la décharge des cotisations supplémentaires d’impôt sur les sociétés auxquelles la requérante a été assujettie ;
Considérant qu’il y a lieu, dans les circonstances de l’espèce, de mettre à la charge de l’Etat le versement à la SOCIETE SOGEPARC FRANCE d’une somme de 3 000 euros sur le fondement des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative ;
D E C I D E :
Article 1er : L’arrêt de la cour administrative d’appel de Paris du 11 juillet 2006 est annulé.
Article 2 : Le recours du ministre de l’économie, des finances et de l’industrie devant la cour administrative d’appel de Paris est rejeté.
Article 3 : L’Etat versera une somme de 3 000 euros à la SOCIETE SOGEPARC FRANCE sur le fondement des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : La présente décision sera notifiée à la SOCIETE SOGEPARC FRANCE et au ministre du budget, des comptes publics et de la fonction publique.