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Cour administrative d’appel de Nantes, 19 février 2004, n° 01NT01806, Mutuelle assurance des instituteurs de France

Il résulte de l’ensemble des prescriptions de l’ordonnance du 2 février 1945 relative à l’enfance délinquante, modifiée par la loi du 24 mai 1951, que le législateur a entendu généraliser dans ce domaine des méthodes de rééducation fondées sur un régime de liberté surveillée. Appliquée à un mineur dont la garde a été confiée par le juge des enfants, conformément aux dispositions de l’article 10 de l’ordonnance soit à une institution privée habilitée soit à une "personne digne de confiance", leur emploi crée également un risque spécial et est susceptible en cas de dommages causés aux tiers par ces derniers d’engager, même sans faute, la responsabilité de la puissance publique à leur égard.

COUR ADMINISTRATIVE D’APPEL DE NANTES

N° 01NT01806

Mutuelle assurance des instituteurs de France

M. SALUDEN
Président de chambre

Mme THOLLIEZ
Rapporteur

M. MILLET
Commissaire du gouvernement

Séance du 22 janvier 2004
Lecture du 19 février 2004

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR ADMINISTRATIVE D’APPEL DE NANTES

Vu la requête, enregistrée au greffe de la Cour le 14 septembre 2001, présentée pour la mutuelle assurance des instituteurs de France (MAIF), dont le siège social est situé 200, avenue Salvador Allende, 79038 Niort Cedex, par Me ALLAIN, avocat au barreau de Caen ;

La MAIF demande à la Cour :

1°) de réformer le jugement n° 01-453 du 11 juillet 2001 par lequel le Tribunal administratif de Caen a condamné l’Etat à lui verser une somme de 483 990 F en réparation des conséquences dommageables de l’incendie volontaire de l’habitation de M. L. par le jeune Hamdi qui avait été confié à titre provisoire à l’association "Igloo", son assuré, par ordonnance du juge des enfants du Tribunal de grande instance de Bobigny ;

2°) de condamner l’Etat à lui verser la somme totale de 665 749,14 F avec intérêts au taux légal à compter du 18 septembre 2000, ainsi qu’une somme de 4 000 F au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code des assurances, et notamment son article L.121-12 ;

Vu l’ordonnance n° 45-174 du 2 février 1945, modifiée ;

Vu le décret n° 88-949 du 6 octobre 1988 ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l’audience ;

Après avoir entendu au cours de l’audience publique du 22 janvier 2004 :
- le rapport de Mme THOLLIEZ, premier conseiller,
- et les conclusions de M. MILLET, commissaire du gouvernement ;

Considérant que, dans la nuit du 14 au 15 juin 1998, le jeune Hamdi, qui avait été confié à l’association "Igloo" par une ordonnance du 7 avril 1998 du juge des enfants du Tribunal de grande instance de Bobigny, prise en application de l’ordonnance du 2 février 1945, a intentionnellement provoqué la destruction par incendie d’un immeuble sis à Sallen, appartenant à M. L. ; qu’après avoir assigné l’association "Igloo" et son assureur la mutuelle assurance des instituteurs de France devant le Tribunal de grande instance de Caen pour obtenir réparation du préjudice résultant de la destruction du bien, chiffré à 662 663 F, M. L. et son assureur les assurances du crédit mutuel, se sont désistés de l’instance engagée, la mutuelle assurance des instituteurs de France ayant réglé ladite somme ; que la mutuelle assurance des instituteurs de France, après avoir obtenu du Tribunal administratif de Caen la condam-nation de l’Etat à lui rembourser pour partie seulement de l’indemnité versée relève appel du jugement, le garde des sceaux, ministre de la justice, par le biais d’un appel incident en sollicitant l’annulation ;

Sur la recevabilité :

Considérant que la compagnie d’assurances requérante ayant, ainsi qu’il vient d’être dit ci-dessus, indemnisé la victime et son assureur se trouve, dès lors, subrogée dans les droits que ceux-ci détiennent sur l’Etat, contrairement à ce que soutient le garde des sceaux, ministre de la justice ; que son action est, par suite, recevable ;

Au fond :

Considérant qu’il résulte de l’ensemble des prescriptions de l’ordonnance du 2 février 1945 relative à l’enfance délinquante, modifiée par la loi du 24 mai 1951, que le législateur a entendu généraliser dans ce domaine des méthodes de rééducation fondées sur un régime de liberté surveillée ; qu’appliquée à un mineur dont la garde a été confiée par le juge des enfants, conformément aux dispositions de l’article 10 de l’ordonnance soit à une institution privée habilitée soit à une "personne digne de confiance", leur emploi crée également un risque spécial et est susceptible en cas de dommages causés aux tiers par ces derniers d’engager, même sans faute, la responsabilité de la puissance publique à leur égard ;

Considérant qu’il résulte de l’instruction que le jeune Hamdi, auteur de l’incendie qui a détruit l’immeuble de M. L. avait été confié alors qu’il était déjà sous le coup d’une inculpation pour vols à l’association "Igloo" par le juge des enfants du Tribunal de grande instance de Bobigny ; que si l’association "Igloo" n’était pas habilitée en application du décret du 6 octobre 1988 comme organisme auquel l’autorité judiciaire confie habituellement des mineurs en exécution de mesures les concernant, cette circonstance n’est pas de nature à supprimer la responsabilité de l’Etat ; qu’en l’absence de toute faute commise par l’association, au demeurant non alléguée, l’Etat doit être regardé comme responsable des faits commis par le jeune Hamdi ; qu’il y a lieu, par suite, de le condamner à rembourser à la mutuelle assurance des instituteurs de France la somme de 662 663 F (101 022,32 euros) qu’elle a versée à la compagnie assurances du crédit mutuel, ainsi qu’il ressort des éléments comptables versés en appel ;

Considérant, en revanche, que les conclusions de la mutuelle assurance des instituteurs de France tendant au paiement d’une somme de 3 086,14 F correspondant au montant des frais exposés devant le Tribunal de grande instance de Caen sont nouvelles en appel et doivent, dès lors, être rejetées ;

Considérant qu’il résulte de tout ce qui précède que la mutuelle assurance des instituteurs de France est fondée à soutenir que c’est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Caen a limité à la somme de 483 990 F le montant de l’indemnité qui lui était due par l’Etat ; qu’en revanche, les conclusions d’appel incident du garde des sceaux, ministre de la justice doivent être rejetées ;

Sur les intérêts :

Considérant que la mutuelle assurance des instituteurs de France a droit aux intérêts de la somme de 101 022,32 euros à compter du 12 octobre 2000, date de réception de sa réclamation par le garde des sceaux, ministre de la justice ;

Sur l’application des dispositions de l’article L.761-1 du code de justice administrative :

Considérant qu’il y a lieu, dans les circonstances de l’espèce, en application de ces dispositions, de condamner l’Etat à verser à la mutuelle assurance des instituteurs de France la somme de 609,80 euros qu’elle demande au titre de ces frais ;

DECIDE :

Article 1er : La somme de 483 990 F (quatre cent quatre-vingt-trois mille neuf cent quatre-vingt-dix francs) que l’Etat a été condamné à verser par le jugement du 11 juillet 2001 du Tribunal administratif de Caen est portée à 101 022,32 euros (cent un mille vingt-deux euros et trente-deux centimes). Cette somme portera intérêts au taux légal à compter du 12 octobre 2000.

Article 2 : Le jugement du 11 juillet 2001 du Tribunal administratif de Caen est réformé en ce qu’il a de contraire à la présente décision.

Article 3 : Le surplus des conclusions de la requête de la mutuelle assurance des instituteurs de France et l’appel incident du garde des sceaux, ministre de la justice sont rejetés.

Article 4 : L’Etat versera à la mutuelle assurance des instituteurs de France une somme de 609,80 euros (six cent neuf euros et quatre-vingt centimes) au titre de l’article L.761-1 du code de justice administrative.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à la mutuelle assurance des instituteurs de France et au garde des sceaux, ministre de la justice.

 


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