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Conseil d’Etat, 3 mai 2004, n° 257698, Société "Les laboratoires Servier"

La décision de fixer le prix d’un médicament remboursable incombe au comité économique des produits de santé lorsque l’entreprise qui commercialise le médicament donne son accord au prix qu’il entend retenir et qu’elle résulte d’un arrêté interministériel dans le cas contraire.

CONSEIL D’ETAT

Statuant au contentieux

N° 257698

SOCIETE "LES LABORATOIRES SERVIER"

Mme de Salins
Rapporteur

M. Stahl
Commissaire du gouvernement

Séance du 5 avril 2004
Lecture du 3 mai 2004

REPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

Le Conseil d’Etat statuant au contentieux

(Section du contentieux, 1ère et 6ème sous-sections réunies)

Sur le rapport de la 1ère sous-section de la Section du contentieux

Vu la requête, enregistrée le 13 juin 2003 au secrétariat du contentieux du Conseil d’Etat, présentée pour la société par actions simplifiée " LES LABORATOIRES SERVIER ", dont le siège est 22, rue Garnier à Neuilly-sur-Seine (92200) ; la SOCIETE " LES LABORATOIRES SERVIER " demande au Conseil d’Etat :

1°) d’annuler pour excès de pouvoir la décision par laquelle le comité économique des produits de santé a retiré la décision implicite d’acceptation du prix de " Vastarel 35mg " proposé par la SOCIETE " LES LABORATOIRES SERVIER " dans sa demande du 20 décembre 2001, telle qu’elle résulte de la signature de la convention et de la parution d’un avis de prix de cette spécialité pharmaceutique au Journal officiel du 12 avril 2003 ;

2°) subsidiairement, d’annuler pour excès de pouvoir la décision du comité économique des produits de santé de signer avec la société exposante une convention portant sur la fixation du prix de " Vastarel 35 mg, comprimés pelliculés à libération modifiée ", à 7, 56 euros (PFHT) et à 11, 10 euros (PPTC) ;

3°) plus subsidiairement, d’annuler pour excès de pouvoir la décision du comité économique des produits de santé de signer avec la société exposante une convention portant sur la fixation du prix de " Vastarel 35 mg " avec toutes conséquences de droit ;

4°) à défaut, d’enjoindre audit comité de constater amiablement avec la société requérante la nullité de la convention précitée puis d’en signer une nouvelle fixant un prix de 10, 93 euros (PFHT) et 15, 82 euros (PPTC), dans un délai de deux mois à compter de la notification de la décision, ce sous astreinte de 1 000 euros par jour de retard à compter de l’expiration de ce délai, sur le fondement des articles L. 911-1 et L. 911-3 du code de justice administrative, avec toutes conséquences de droit ;

5°) à défaut, d’enjoindre au président de ce comité de constater à l’amiable avec la société requérante la nullité de la convention précitée puis de signer une nouvelle convention relative au prix de " Vastarel 35 mg " dans un délai de deux mois à compter de la notification de la décision et sous astreinte de 1 000 euros par jour de retard à compter de l’expiration de ce délai, sur le fondement des articles L. 911-2 et L. 911-3 du code de justice administrative, avec toutes conséquences de droit ;

6°) de condamner l’Etat au versement de la somme de 5 000 euros en application de l’article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la directive n° 89/105/CEE du Conseil du 21 décembre 1988 ;

Vu le code de la sécurité sociale ;

Vu la loi n° 2000-321 du 12 avril 2000 relative aux droits des citoyens dans leurs relations avec l’administration ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de Mme de Salins, Maître des Requêtes,
- les observations de la SCP Delaporte, Briard, Trichet, avocat de la SOCIETE " LES LABORATOIRES SERVIER ",
- les conclusions de M. Stahl, Commissaire du gouvernement ;

Sans qu’il soit besoin de statuer sur les fins de non-recevoir opposées en défense :

Considérant qu’aux termes du premier alinéa de l’article L. 162-17 du code de la sécurité sociale : " Les médicaments spécialisés (.) ne peuvent être pris en charge ou donner lieu à remboursement par les caisses d’assurance maladie, lorsqu’ils sont dispensés en officine, que s’ils figurent sur une liste établie dans les conditions fixées par décret en Conseil d’Etat (.) " ; que, selon l’article L. 162-16-4 du même code, le prix de vente au public des médicaments " est fixé par convention entre l’entreprise exploitant le médicament et le comité économique des produits de santé (.) ou, à défaut, par arrêté des ministres chargés de la sécurité sociale, de la santé et de l’économie après avis du comité. La fixation de ce prix tient compte principalement de l’amélioration du service médical rendu apportée par le médicament, des prix des médicaments à même visée thérapeutique, des volumes de vente prévus ou constatés ainsi que des conditions prévisibles et réelles d’utilisation du médicament " ; qu’aux termes du premier alinéa du I de l’article R. 163-9 du même code : " Les décisions relatives à l’inscription du médicament sur la liste prévue à l’article L. 162-17, ainsi qu’à la fixation de son prix par convention ou, à défaut, par arrêté (.) doivent être prises et notifiées à l’entreprise qui exploite le médicament, dans un délai de cent quatre-vingts jours à compter de la réception de la demande (.) par le ministre chargé de la sécurité sociale. L’inscription du médicament sur la liste et la fixation de son prix sont publiées au Journal officiel dans ce délai " ;

Considérant qu’il ressort des pièces du dossier que, après avoir obtenu une autorisation de mise sur le marché de la spécialité pharmaceutique " Vastarel 35 mg, comprimés pelliculés à libération modifiée ", la SOCIETE " LES LABORATOIRES SERVIER " a sollicité le 20 décembre 2001 l’inscription de cette spécialité sur la liste prévue à l’article L. 162-17 du code de la sécurité sociale ainsi que la fixation par convention de son prix, qu’elle a proposé à 10, 93 euros pour le prix fabricant hors taxes (PFHT) et 15, 82 euros pour le prix public taxes comprises (PPTC) ; que ce prix a été fixé à 7, 56 euros (PFHT) et 11, 10 euros (PPTC) par une convention signée par le président du comité économique des produits de santé et par la requérante en application de l’article L. 162-16-4 ;

Considérant qu’il résulte des dispositions précitées du code de la sécurité sociale que la décision de fixer le prix d’un médicament remboursable incombe au comité économique des produits de santé lorsque l’entreprise qui commercialise le médicament donne son accord au prix qu’il entend retenir et qu’elle résulte d’un arrêté interministériel dans le cas contraire ; que, dans le premier cas cette décision présente, tout comme dans le second, et alors même qu’elle prend alors la forme d’une " convention ", le caractère d’un acte réglementaire ; que la requête de la SOCIETE " LES LABORATOIRES SERVIER " tendant à l’annulation pour excès de pouvoir de la décision du comité économique des produits de santé de signer cette " convention " doit être regardée comme dirigée contre la décision de ce comité fixant le prix du " Vastarel 35 mg " ;

Sur la légalité externe de la décision attaquée :

Considérant que, si le comité économique des produits de santé peut, pour estimer l’amélioration du service médical rendu apportée par un médicament en vue d’en fixer le prix, s’appuyer sur les éléments que comporte l’avis émis par la commission de la transparence dont la consultation est par ailleurs prévue par l’article R. 163-4 du même code avant l’inscription de ce médicament sur la liste des spécialités remboursables, il ne résulte ni des dispositions précitées du code de la sécurité sociale, ni d’aucune autre disposition législative ou réglementaire que la fixation du prix d’un médicament remboursable devrait intervenir après avis de cette commission ; que, dès lors, les moyens tirés de l’irrégularité de l’avis de la commission de la transparence et de son insuffisante motivation ne peuvent, en tout état de cause, être utilement invoqués à l’appui d’un recours dirigé contre la décision fixant ce prix ;

Sur la légalité interne :

Considérant, en premier lieu, qu’en vertu des dispositions des articles 21 et 22 de la loi du 12 avril 2000, le silence gardé par l’administration sur une demande qui lui est adressée vaut décision implicite de rejet, sauf dans les cas où un décret en Conseil d’Etat a prévu un régime de décision implicite d’acceptation ; qu’il ne résulte ni des dispositions précitées de l’article R. 163-9 du code de la sécurité sociale, ni d’aucun autre texte qu’à l’expiration du délai de cent quatre-vingts jours suivant la réception d’une demande tendant à la fixation du prix d’une spécialité pharmaceutique dans lequel, en vertu de cet article, une décision doit être prise, le silence gardé par l’administration sur cette demande pourrait faire naître une décision implicite fixant ce prix à celui proposé par l’entreprise qui exploite ce médicament ; que ce faisant, ces textes ne sont pas incompatibles avec les objectifs de l’article 6 de la directive n° 89/105/CEE du Conseil du 21 décembre 1988 ; qu’il suit de là que le silence gardé par le comité économique des produits de santé au-delà du délai de cent quatre-vingts jours sur la demande présentée le 20 décembre 2001 par la SOCIETE " LES LABORATOIRES SERVIER " en vue de la fixation du prix du " Vastarel 35 mg comprimés pelliculés à libération modifiée " n’a fait naître aucune décision fixant ce prix au montant proposé par cette société ; que, dans ces conditions, le moyen tiré de ce que la décision attaquée aurait illégalement retiré une prétendue décision antérieurement prise par le comité ne peut qu’être écarté ;

Considérant, en deuxième lieu, qu’en vertu du I de l’article L. 162-17-3 du code de la sécurité sociale, le comité économique des produits de santé, placé auprès des ministres compétents et chargé de contribuer à la politique économique du médicament " met en œuvre les orientations qu’il reçoit des ministres compétents, en application de la loi de financement de la sécurité sociale./ Ces orientations portent notamment sur les moyens propres à assurer le respect de l’objectif national de dépenses d’assurance maladie mentionné à l’article LO. 111-3. En particulier, le comité applique ces orientations à la fixation des prix des médicaments à laquelle il procède en application de l’article L. 162-17-4 " ; qu’aux termes de ce dernier article : " En application des orientations qu’il reçoit annuellement des ministres compétents, le comité économique des produits de santé peut conclure avec des entreprises ou groupes d’entreprises des conventions d’une durée maximum de quatre années relatives à un ou à des médicaments visés au premier alinéa de l’article L. 162-17. Ces conventions déterminent les relations entre le comité et chaque entreprise, notamment : /1° Le prix de ces médicaments et, le cas échéant, l’évolution de ces prix, notamment en fonction des volumes de vente (.) " ;

Considérant qu’il résulte de ces dispositions que le ministre de l’économie, des finances et de l’industrie, le ministre de la santé et le ministre délégué à l’industrie étaient habilités à définir les orientations que le comité économique des produits de santé devait retenir pour la fixation du prix des médicaments remboursables ; qu’en invitant le comité, par lettre du 24 décembre 2002 adressée à son président, " lorsque des entreprises demandent l’inscription de médicaments ayant vocation à remplacer des spécialités qu’elles commercialisent et qui sont génériquées ou en passe de l’être, à ne pas accepter de prix qui entraînerait un surcroît injustifié de dépense pour l’assurance maladie " et en particulier, " pour de nouvelles présentations sans amélioration du service médical rendu mais protégées par un nouveau brevet, à n’accepter leur inscription qu’à un prix au plus égal à celui des génériques de la présentation remplacée ", les ministres n’ont pas excédé les pouvoirs qu’ils tenaient de l’article L. 162-17-3 ; que le comité n’a pas non plus commis d’erreur de droit en se conformant à ces orientations ;

Considérant, en troisième lieu, que la société requérante ne peut utilement se prévaloir des erreurs qui auraient été commises dans l’appréciation du service médical rendu par le médicament en cause, telle qu’elle a été faite pour l’inscrire sur la liste des spécialités remboursables, pour contester la décision qui en a fixé le prix laquelle, ainsi qu’il a été dit précédemment, relève d’une procédure distincte et repose sur des critères différents ;

Considérant, en quatrième lieu, que si la société requérante soutient que, pour l’indication du traitement prophylactique de la crise d’angine de poitrine, l’amélioration du service médical rendu apportée par le " Vastarel 35 mg " est de niveau IV " amélioration mineure en termes d’acceptabilité, de commodité d’emploi et d’observance - complément de gamme ", il ressort des pièces du dossier que cette indication ne représente pas plus de 20 % des prescriptions ; que, dans ces conditions, le comité économique des produits de santé n’a pas commis d’erreur manifeste d’appréciation en estimant que le " Vastarel 35 mg ", pour l’ensemble des trois indications qu’il a vocation à traiter, n’apporte aucune amélioration du service médical rendu (" ASMR de niveau V ") ; qu’il ne ressort pas davantage des pièces du dossier que le comité a entaché son appréciation d’une erreur manifeste en fixant le prix de ce médicament au montant qui figure dans la décision attaquée et non à celui proposé par la société requérante ;

Considérant, en dernier lieu, que le détournement de pouvoir allégué n’est pas établi ;

Considérant qu’il résulte de tout ce qui précède que les conclusions de la SOCIETE " LES LABORATOIRES SERVIER " tendant à l’annulation de cette décision doivent être rejetées ; qu’il en va par suite de même de ses conclusions à fin d’injonction et de celles tendant à ce que, en application de l’article L. 761-1 du code de justice administrative, une somme soit mise à la charge de l’Etat qui n’est pas la partie perdante dans la présente instance ;

D E C I D E :

Article 1er : La requête de la SOCIETE " LES LABORATOIRES SERVIER " est rejetée.

Article 2 : La présente décision sera notifiée à la SOCIETE " LES LABORATOIRES SERVIER " et au ministre de la santé et de la protection sociale.

Copie en sera adressée pour information au comité économique des produits de santé.

 


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