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Conseil d’Etat, 3 mars 2004, n° 258602, Commune de Chateaudun

Il appartient au juge administratif, saisi en application de l’article L. 551-1 du code de justice administrative, de se prononcer sur le respect des obligations de publicité et de mise en concurrence incombant à l’administration. Dans le cadre de ce contrôle de pleine juridiction, le juge vérifie en particulier les motifs de l’exclusion d’un candidat de la procédure d’attribution d’un marché.

CONSEIL D’ETAT

Statuant au contentieux

N° 258602

COMMUNE DE CHATEAUDUN

M. J. Boucher
Rapporteur

M. Piveteau
Commissaire du gouvernement

Séance du 18 février 2004
Lecture du 3 mars 2004

REPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

Le Conseil d’Etat statuant au contentieux

(Section du contentieux, 7ème et 2ème sous-sections réunies)

Sur le rapport de la 7ème sous-section de la Section du contentieux

Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 17 et 29 juillet 2003 au secrétariat du contentieux du Conseil d’Etat, présentés pour la COMMUNE DE CHATEAUDUN, représentée par son maire en exercice, domicilié en cette qualité à l’hôtel de ville à Châteaudun cedex (28205) ; la COMMUNE DE CHATEAUDUN demande au Conseil d’Etat :

1°) d’annuler l’ordonnance du 1er juillet 2003 par laquelle le juge des référés précontractuels du tribunal administratif d’Orléans, statuant sur le fondement des dispositions de l’article L. 551-1 du code de justice administrative, a suspendu la procédure de passation du lot numéro deux du marché de reconstruction d’un rempart situé rue des Empereurs à Chateaudun et lui a enjoint de faire procéder à l’ouverture de l’enveloppe contenant l’offre de la société Etablissements Tachau en vue de l’examen des mérites de celle-ci ;

2°) réglant l’affaire au fond, de rejeter la demande présentée par la société Etablissements Tachau devant le tribunal administratif d’Orléans ;

3°) de condamner la société Etablissements Tachau à lui verser une somme de 3 000 euros en application des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code des marchés publics ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de M. J. Boucher, Auditeur,
- les observations de la SCP Parmentier, Didier, avocat de la COMMUNE DE CHATEAUDUN et de Me Brouchot, avocat de la SNC Tachau,
- les conclusions de M. Piveteau, Commissaire du gouvernement ;

Considérant qu’aux termes de l’article L. 551-1 du code de justice administrative : "Le président du tribunal administratif, ou le magistrat qu’il délègue, peut être saisi en cas de manquement aux obligations de publicité et de mise en concurrence auxquelles est soumise la passation des marchés publics et des conventions de délégation de service public./ Les personnes habilitées à agir sont celles qui ont un intérêt à conclure le contrat et qui sont susceptibles d’être lésées par ce manquement, ainsi que le représentant de l’Etat dans le département dans le cas où le contrat est conclu ou doit être conclu par une collectivité territoriale ou un établissement public local. / Le président du tribunal administratif peut être saisi avant la conclusion du contrat. Il peut ordonner à l’auteur du manquement de se conformer à ses obligations et suspendre la passation du contrat ou l’exécution de toute décision qui s’y rapporte. Il peut également annuler ces décisions et supprimer les clauses ou prescriptions destinées à figurer dans le contrat et qui méconnaissent lesdites obligations. Dès qu’il est saisi, il peut enjoindre de différer la signature du contrat jusqu’au terme de la procédure et pour une durée maximum de vingt jours. / (.) Le président du tribunal administratif ou son délégué statue en premier et dernier ressort en la forme des référés" ;

Considérant qu’il ressort des pièces du dossier soumis au juge des référés précontractuels du tribunal administratif d’Orléans que, par un avis d’appel public à la concurrence envoyé à la publication le 11 avril 2003, la COMMUNE DE CHATEAUDUN (Eure-et-Loir) a lancé un appel d’offres ouvert, divisé en deux lots, pour la reconstruction d’un rempart situé rue des Empereurs ; que, dans sa séance du 22 mai 2003, la commission d’appel d’offres, réunie pour procéder à l’ouverture des enveloppes relatives aux candidatures, a décidé d’écarter la candidature présentée par la société Etablissements Tachau en vue de l’attribution du lot numéro deux du marché litigieux, comportant la démolition, la maçonnerie et la reconstruction d’un mur en moellons, au motif que les moyens de celle-ci étaient "insuffisants par rapport à la nature et au montant des travaux à réaliser" ; que, par une ordonnance du 1er juillet 2003, le juge des référés précontractuels du tribunal administratif d’Orléans, saisi par la société Etablissements Tachau sur le fondement des dispositions précitées de l’article L. 551-1 du code de justice administrative, a décidé la suspension de la procédure de passation du marché litigieux, en ce qui concerne le lot numéro deux, et a enjoint à la COMMUNE DE CHATEAUDUN "de joindre la seconde enveloppe de la SNC Tachau aux trois autres propositions retenues et de procéder à l’examen de ses mérites" ; que la COMMUNE DE CHATEAUDUN se pourvoit en cassation contre cette ordonnance ;

Considérant qu’il ressort des pièces du dossier soumis au juge des référés précontractuels du tribunal administratif d’Orléans que l’introduction de la demande présentée par la société Etablissements Tachau devant ce tribunal a donné lieu à l’acquittement du droit de timbre ; que, par suite, le moyen tiré, par la COMMUNE DE CHATEAUDUN, de ce que le premier juge aurait commis une erreur de droit en ne relevant pas d’office que cette demande était irrecevable faute d’avoir donné lieu à l’accomplissement d’une telle formalité, manque en fait et ne peut, dès lors, et en tout état de cause, qu’être écarté ;

Considérant qu’il appartient au juge administratif, saisi en application de l’article L. 551-1 du code de justice administrative, de se prononcer sur le respect des obligations de publicité et de mise en concurrence incombant à l’administration ; que, dans le cadre de ce contrôle de pleine juridiction, le juge vérifie en particulier les motifs de l’exclusion d’un candidat de la procédure d’attribution d’un marché ; que le juge des référés précontracutels du tribunal administratif d’Orléans n’a, dès lors, pas commis d’erreur de droit en contrôlant le bien-fondé du motif tiré, par la commission d’appel d’offres de la COMMUNE DE CHATEAUDUN, de ce que les moyens de la société Etablissements Tachau étaient "insuffisants par rapport à la nature et au montant des travaux à réaliser" ; que c’est sans dénaturer les pièces du dossier qui lui était soumis et sans commettre d’erreur de droit que ce magistrat, qui n’était pas tenu de répondre à l’ensemble des arguments invoqués en défense par la COMMUNE DE CHÂTEAUDUN, a pu estimer, au contraire, que la société Etablissements Tachau, eu égard aux justificatifs qu’elle avait produits à l’appui de sa candidature, "faisait état de moyens et de références correspondant précisément à des chantiers similaires" et que, par suite, la commission d’appel d’offres avait, en écartant cette candidature, méconnu les obligations de publicité et de mise en concurrence qui lui incombaient ;

Considérant, toutefois, qu’alors même qu’il estimait irrégulier le motif du rejet de la candidature de la société Etablissements Tachau à l’attribution du lot numéro deux du marché litigieux, il n’appartenait pas au juge des référés précontractuels, faute pour ce dernier d’avoir préalablement constaté que, au regard des débats devant lui, aucun autre motif n’était susceptible de justifier légalement un tel rejet, d’enjoindre à la COMMUNE DE CHATEAUDUN d’admettre la candidature de ladite société ; que le premier juge a, par suite, commis une erreur de droit en prescrivant à la COMMUNE DE CHÂTEAUDUN "de joindre la seconde enveloppe de la SNC Tachau aux trois autres propositions retenues et de procéder à l’examen de ses mérites" ; que, dès lors, la COMMUNE DE CHATEAUDUN est fondée à demander, pour ce motif, et dans cette seule mesure, l’annulation de l’ordonnance attaquée ;

Considérant qu’aux termes de l’article L. 821-2 du code de justice administrative, le Conseil d’Etat, s’il prononce l’annulation d’une décision d’une juridiction administrative statuant en dernier ressort, peut "régler l’affaire au fond si l’intérêt d’une bonne administration de la justice le justifie" ; que, dans les circonstances de l’espèce, il y a lieu de régler l’affaire au fond en ce qui concerne les conclusions de la société Etablissements Tachau tendant à ce qu’il soit enjoint à la COMMUNE DE CHATEAUDUN de "procéder à l’ouverture de la seconde enveloppe" contenant l’offre de cette société en vue de l’attribution du lot numéro deux du marché litigieux ;

Considérant qu’il ne résulte pas de l’instruction qu’aucun autre motif que celui retenu, à tort, par la commission d’appel d’offres de la COMMUNE DE CHATEAUDUN ne pourrait légalement justifier le rejet de la candidature de la société Etablissements Tachau à l’attribution du lot numéro deux du marché litigieux ; que, dès lors, ainsi qu’il a été dit, il n’appartient pas au Conseil d’Etat de prescrire à la COMMUNE DE CHATEAUDUN d’admettre ladite candidature, ni, par conséquent, de lui enjoindre de procéder, en application du III de l’article 59 du code des marchés publics, dans sa rédaction applicable aux faits de l’espèce, à l’ouverture de l’enveloppe contenant l’offre de cette société ; qu’il y a lieu, en revanche, d’enjoindre à la COMMUNE DE CHATEAUDUN de soumettre la candidature de la société Etablissements Tachau à la commission d’appel d’offres pour qu’il soit procédé à son réexamen en application du II du même article et de prendre toute disposition garantissant que la procédure ultérieure se déroule dans des conditions qui assurent une égalité effective entre l’ensemble des candidats ;

Sur les conclusions tendant à l’application des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant que ces dispositions font obstacle à ce que la société Etablissements Tachau, qui, dans la présente instance, n’est pas, pour l’essentiel, la partie perdante, soit condamnée à verser à la COMMUNE DE CHATEAUDUN la somme que celle-ci demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ; qu’il y a lieu, en revanche, dans les circonstances de l’espèce, de faire application des mêmes dispositions et de condamner la COMMUNE DE CHATEAUDUN à verser à la société Etablissements Tachau la somme de 2 500 euros que celle-ci demande au titre des mêmes frais ;

D E C I D E :

Article 1er : L’ordonnance du juge des référés précontractuels du tribunal administratif d’Orléans du 1er juillet 2003 est annulée en tant qu’elle a enjoint à la COMMUNE DE CHATEAUDUN de faire procéder à l’ouverture de l’enveloppe contenant l’offre de la société Etablissements Tachau en vue de l’attribution du lot numéro deux du marché de reconstruction d’un rempart situé rue des Empereurs.

Article 2 : Il est enjoint à la COMMUNE DE CHATEAUDUN de soumettre la candidature de la société Etablissements Tachau à la commission d’appel d’offres pour qu’il soit procédé à son réexamen et de prendre toute disposition garantissant que la procédure ultérieure se déroule dans des conditions qui assurent une égalité effective entre l’ensemble des candidats.

Article 3 : La COMMUNE DE CHATEAUDUN versera à la société Etablissements Tachau une somme de 2 500 euros en application des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le surplus des conclusions du pourvoi de la COMMUNE DE CHATEAUDUN et de la demande présentée par la société Etablissements Tachau devant le tribunal administratif d’Orléans est rejeté.

Article 5 : La présente décision sera notifiée à la COMMUNE DE CHATEAUDUN, à la société Etablissements Tachau et au ministre de l’économie, des finances et de l’industrie.

 


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