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Conseil d’Etat, 1er mars 2004, n° 243592, Philippe C.

Lorsque postérieurement à la concession initiale de la pension, les bases de la liquidation viennent à être modifiées par une nouvelle décision, le délai prévu, en cas d’erreur de droit, par ces dispositions n’est rouvert, à compter de la date à laquelle cette décision est notifiée, que pour ceux des éléments de la liquidation ayant fait l’objet de cette révision.

CONSEIL D’ETAT

Statuant au contentieux

N° 243592

M. C.

M. Laignelot
Rapporteur

M. Goulard
Commissaire du gouvernement

Séance du 9 février 2004
Lecture du 1er mars 2004

REPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

Le Conseil d’Etat statuant au contentieux

(Section du contentieux, 9ème et 10ème sous-sections réunies)

Sur le rapport de la 9ème sous-section de la Section du contentieux

Vu la requête et le mémoire complémentaire, enregistrés les 27 février et 21 juin 2002 au secrétariat du contentieux du Conseil d’Etat, présentés pour M. Philippe C., ; M. C. demande au Conseil d’Etat :

1°) d’annuler les décisions des 9 et 29 janvier 2002 par lesquelles le ministre de l’économie, des finances et de l’industrie et le ministre de la défense ont refusé de réviser sa pension et de lui accorder le bénéfice de la bonification pour enfants prévue par le b de l’article L. 12 du code des pensions civiles et militaires de retraite ;

2°) de condamner l’Etat à réviser sa pension avec effet rétroactif au jour de sa mise à la retraite ;

3°) de condamner l’Etat à lui verser la somme de 2 300 euros au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le Traité de Rome instituant la Communauté économique européenne devenue la Communauté européenne ;

Vu le Traité sur l’Union européenne et les protocoles qui y sont annexés ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales ;

Vu le code des pensions civiles et militaires de retraite ;

Vu le décret n° 83-1025 du 28 novembre 1983 ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de M. Laignelot, Auditeur,
- les observations de la SCP Boré, Xavier et Boré, avocat de M. C.,
- les conclusions de M. Goulard, Commissaire du gouvernement ;

Considérant qu’aux termes de l’article L. 55 du code des pensions civiles et militaires de retraite : "La pension et la rente viagère d’invalidité sont définitivement acquises et ne peuvent être révisées ou supprimées à l’initiative de l’administration ou sur demande de l’intéressé que dans les conditions suivantes : / A tout moment en cas d’erreur matérielle ; / Dans un délai d’un an à compter de la notification de la décision de concession initiale de la pension ou de la rente viagère, en cas d’erreur de droit." ;

Considérant que lorsque postérieurement à la concession initiale de la pension, les bases de la liquidation viennent à être modifiées par une nouvelle décision, le délai prévu, en cas d’erreur de droit, par ces dispositions n’est rouvert, à compter de la date à laquelle cette décision est notifiée, que pour ceux des éléments de la liquidation ayant fait l’objet de cette révision ;

Considérant qu’il résulte de l’instruction que M. C. s’est vu concéder une pension militaire de retraite par un arrêté du 28 février 2000 qui lui a été notifié le 21 mars 2000 ; qu’ainsi, le délai imparti à M. C. pour exciper, au soutien d’une demande de révision de sa pension, de l’erreur de droit qu’aurait commise l’administration en ne prenant pas en compte dans les éléments de liquidation de cette pension la bonification d’ancienneté mentionnée au b) de l’article L. 12 du code des pensions civiles et militaires de retraite, était expiré lorsque, le 20 décembre 2001, l’intéressé a saisi le ministre de l’économie, des finances et de l’industrie et le ministre de la défense d’une telle demande ; que si un second arrêté de concession de pension est intervenu le 15 janvier 2001, ne tenant à nouveau pas compte de la bonification litigieuse, il résulte de ce qui précède que cette décision n’était pas de nature à rouvrir le délai prévu par l’article L. 55 précité du code des pensions civiles et militaires de retraite ;

Considérant que si M. C. soutient que ce délai ne peut lui être opposé en vertu des dispositions de l’article 2 du décret du 28 novembre 1983 concernant les relations entre l’administration et les usagers, aux termes desquelles "lorsqu’une décision juridictionnelle devenue définitive émanant des tribunaux administratifs ou du Conseil d’Etat a prononcé l’annulation d’un acte non réglementaire par un motif tiré de l’illégalité du règlement dont cet acte fait application, l’autorité compétente est tenue, nonobstant l’expiration des délais de recours, de faire droit à toute demande ayant un objet identique et fondée sur le même motif lorsque l’acte concerné n’a pas créé de droits au profit des tiers", ces dispositions, de valeur réglementaire, ne sauraient en tout état de cause avoir pour effet de faire obstacle à une forclusion qui, comme c’est le cas des dispositions précitées de l’article L. 55 du code des pensions civiles et militaires de retraite, résulte de la loi ; que le délai prévu par lesdites dispositions n’a pas été rouvert par la décision rendue en faveur d’un autre pensionné par le Conseil d’Etat statuant au contentieux, dont se prévaut M. C. pour demander le bénéfice de la bonification prévue au b) de l’article L. 12 du code des pensions civiles et militaires de retraite ;

Considérant enfin que la circonstance que, statuant sur une question préjudicielle relative à cette bonification d’ancienneté, la Cour de justice des Communautés européennes a rendu, le 29 novembre 2001, un arrêt interprétant une disposition du droit communautaire sans limiter les effets dans le temps de cet arrêt n’affecte pas le droit d’un Etat membre de la Communauté européenne d’opposer aux demandes de révision de pensions établies en violation de cette disposition un délai de forclusion, dès lors que ce délai, mentionné à l’article L. 55 précité du code des pensions civiles et militaires de retraite, s’applique de la même manière aux demandes de révision de pension qui sont fondées sur le droit communautaire et à celles qui sont fondées sur le droit interne ; qu’ainsi, M. C. n’est pas fondé à soutenir que les dispositions de l’article L. 55 seraient contraires au droit communautaire ;

Considérant qu’il résulte de tout ce qui précède que M. C. n’est pas fondé à soutenir que c’est à tort que, par les décisions attaquées, le ministre de l’économie, des finances et de l’industrie et le ministre de la défense ont refusé la révision de sa pension de retraite ; que les conclusions aux fins d’injonction et d’astreinte présentées par M. C. doivent, par voie de conséquence, être rejetées ;

Sur les conclusions tendant à l’application des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant que les dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que l’Etat, qui n’est pas, dans la présente instance, la partie perdante, soit condamné à verser à M. C. la somme que demande celui-ci au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens ;

D E C I D E :

Article 1er : La requête de M. C. est rejetée.

Article 2 : La présente décision sera notifiée à M. Philippe C., au ministre de la défense et au ministre de l’économie, des finances et de l’industrie.

 


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