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Conseil d’Etat, 30 juillet 2003, n° 240884, Société Dubus SA

L’attribution par la loi à une autorité administrative du pouvoir de fixer des règles dans un domaine déterminé et d’en assurer elle-même le respect, par l’exercice d’un pouvoir de contrôle des activités exercées et de sanction des manquements constatés, ne contrevient pas aux exigences rappelés par l’article 6-1 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales dès lors que ce pouvoir de sanction est aménagé de telle façon que soient assurés le respect des droits de la défense, le caractère contradictoire de la procédure et l’impartialité de la décision.

CONSEIL D’ETAT

Statuant au contentieux

N° 240884

SOCIETE DUBUS SA

M. Keller
Rapporteur

M. Guyomar
Commissaire du gouvernement

Séance du 2 juillet 2003
Lecture du 30 juillet 2003

REPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

Le Conseil d’Etat statuant au contentieux

(Section du contentieux, 6ème et 4ème sous-section réunies)

Sur le rapport de la 6ème sous-section de la Section du contentieux

Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 10 décembre 2001 et 9 avril 2002 au secrétariat du contentieux du Conseil d’Etat, présentés pour la SOCIETE DUBUS SA, dont le siège est 37, rue de la Barre à Lille (59000) ; la SOCIETE DUBUS SA demande au Conseil d’Etat :

1°) d’annuler la décision du 8 octobre 2001 par laquelle la commission bancaire lui a infligé un blâme ;

2°) de condamner l’Etat à lui verser la somme de 15 000 euros en application de l’article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales ;

Vu le code monétaire et financier ;

Vu le décret n° 84-708 du 24 juillet 1984 ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de M. Keller, Maître des Requêtes,
- les observations de la SCP Lyon-Caen, Fabiani, Thiriez, avocat de la SOCIETE DUBUS SA et de la SCP Célice, Blancpain, Soltner, avocat du ministre de l’économie, des finances et de l’industrie et de la Commission bancaire,
- les conclusions de M. Guyomar, Commissaire du gouvernement ;

Considérant qu’aux termes de l’article L. 613-1 du code monétaire et financier : "La commission bancaire est chargée de contrôler le respect par les établissements de crédit des dispositions législatives et réglementaires qui leur sont applicables et de sanctionner les manquements constatés" ; qu’aux termes de l’article L. 613-2 du même code : "La commission bancaire veille également au respect des dispositions législatives et réglementaires (...) par les prestataires de services d’investissement (...). Elle sanctionne les manquements constatés dans les conditions prévues à l’article L. 613-21" ; que le I de l’article L. 613-21 dispose : "Si un établissement de crédit ou une des personnes mentionnées au premier alinéa de l’article L. 613-2 a enfreint une disposition législative ou réglementaire afférente à son activité, (...) la commission bancaire, sous réserve des compétences du conseil des marchés financiers, peut prononcer l’une des sanctions disciplinaires suivantes : 1° l’avertissement ; 2° le blâme ; 3° l’interdiction d’effectuer certaines opérations et toutes autres limitations dans l’exercice de l’activité ; 4° la suspension temporaire de l’une ou de plusieurs des personnes mentionnées à l’article L. 511-13 et à l’article L. 532-2 avec ou sans nomination d’administrateur provisoire ; 5° la démission d’office de l’une ou de plusieurs de ces mêmes personnes avec ou sans nomination d’administrateur provisoire ; 6° la radiation de l’établissement de crédit ou de l’entreprise d’investissement de la liste des établissements de crédit ou des entreprises d’investissement agréées avec ou sans nomination d’un liquidateur (...)" ; qu’aux termes de l’article L. 613-23 de la même loi : "Lorsque la commission bancaire statue en application de l’article L. 613-21, elle est une juridiction administrative (...)" ;

Considérant qu’aux termes du premier paragraphe de l’article 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales : "Toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue (...) publiquement (...) par un tribunal indépendant et impartial établi par la loi, qui décidera, soit des contestations sur ses droits et obligations de caractère civil, soit du bien-fondé de toute accusation en matière pénale dirigée contre elle. Le jugement doit être rendu publiquement (...)" ;

Sur le cumul, par la commission bancaire, de fonctions administratives et d’un pouvoir de sanctions :

Considérant que l’attribution par la loi à une autorité administrative du pouvoir de fixer des règles dans un domaine déterminé et d’en assurer elle-même le respect, par l’exercice d’un pouvoir de contrôle des activités exercées et de sanction des manquements constatés, ne contrevient pas aux exigences rappelés par l’article 6-1 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales dès lors que ce pouvoir de sanction est aménagé de telle façon que soient assurés le respect des droits de la défense, le caractère contradictoire de la procédure et l’impartialité de la décision ;

Considérant que si la commission bancaire assure par son secrétariat général le contrôle des établissements de crédit et les entreprises d’investissement, les conditions dans lesquelles ses services s’acquittent de cette fonction ne conduisent pas le collège des membres de la commission à prendre parti sur les faits reprochés aux personnes qui font l’objet d’une procédure disciplinaire ; que, dès lors que la décision est prise, ainsi que le prévoit la loi, dans l’exercice d’un pouvoir juridictionnel, les membres de la commission bancaire ne peuvent recevoir d’instruction de quiconque et portent sur l’affaire leur jugement en pleine indépendance ; qu’il suit de là que le moyen ne peut qu’être écarté ;

Sur la faculté donnée à la commission bancaire de se saisir elle-même :

Considérant qu’il résulte de l’ensemble des dispositions du code monétaire et financier applicables à la commission bancaire que celle-ci peut se saisir elle-même des faits de nature à constituer des manquements, par les établissements de crédit et les entreprises d’investissement, aux dispositions législatives et réglementaires qui leur sont applicables ; qu’une telle possibilité conférée à une juridiction de se saisir de son propre mouvement d’affaires qui entrent dans le domaine de compétence qui lui est attribué n’est pas, en soi, contraire à l’exigence d’équité dans le procès rappelé par l’article 6-1 de la convention européenne des droits de l’homme et des libertés fondamentales ;

Sur la régularité de la procédure disciplinaire :

Considérant qu’aux termes de l’article L. 613-6 du code monétaire et financier : "Le secrétariat général de la commission bancaire, sur instruction de la commission bancaire, effectue des contrôles sur pièces et sur place (...)" ; qu’aux termes de l’article L. 613-7 du même code : "La Banque de France met à la disposition du secrétariat général de la commission bancaire, dans des conditions fixées par convention, des agents et des moyens pour l’exercice des contrôles mentionnés à l’article précédent./ En outre, pour l’exercice de ces contrôles, le secrétariat général de la commission bancaire peut faire appel à toute personne compétente dans le cadre de conventions qu’il passe à cet effet" ; qu’aux termes de l’article L. 613-11 du même code : "Les résultats des contrôles sur place sont communiqués, soit au conseil d’administration, soit au directoire et au conseil de surveillance, soit à l’organe délibérant en tenant lieu, de la personne morale contrôlée" ; qu’aux termes de l’article 9 du décret du 24 juillet 1984 : "Lorsque la commission bancaire estime qu’il y a lieu de faire application des sanctions prévues à l’article 45 de la loi du 24 janvier 1984 susvisée, elle porte à la connaissance de l’établissement de crédit ou de l’entreprise d’investissement concerné, par une lettre recommandée avec demande d’avis de réception adressée au représentant légal de l’établissement ou de l’entreprise ou par tout autre moyen permettant de s’assurer de sa réception par ledit représentant, les faits qui lui sont reprochés. Elle informe également le représentant de l’établissement ou de l’entreprise qu’il peut prendre communication, au secrétariat général de la commission, des pièces tendant à établir les infractions constatées. (...)" ; qu’aux termes de l’article 10 du même décret : "Le représentant de l’établissement de crédit ou de l’entreprise d’investissement doit adresser ses observations au président de la commission bancaire dans un délai fixé par la lettre susvisée. Ce délai ne peut être inférieur à huit jours./ Le représentant de l’établissement ou de l’entreprise est convoqué par lettre recommandée avec demande d’avis de réception ou par tout autre moyen permettant de s’assurer de sa réception par ledit représentant pour être entendu par la commission bancaire. Cette convocation doit lui parvenir huit jours au moins avant la date de la réunion de la commission./ Il peut se faire assister par un avocat et un représentant de l’organe central auquel l’établissement ou l’entreprise est affilié ou de l’association professionnelle à laquelle il adhère" ;

En ce qui concerne l’exigence d’impartialité :

Considérant qu’aucun principe général du droit, non plus que les stipulations du premier paragraphe de l’article 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, n’impose la séparation des phases d’instruction et de jugement au sein d’un même procès ; que ni le secrétariat général, chargé des contrôles sur pièces et sur place sur instruction de la commission, ni les personnes qui procèdent pour lui à ces contrôles, ne prennent part à la décision de la commission relative à la sanction susceptible d’être infligée à l’entreprise contrôlée ; qu’ainsi la procédure suivie par la commission n’est pas contraire à l’exigence d’impartialité rappelée au premier paragraphe de l’article 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales ;

En ce qui concerne le respect des droits de la défense :

Considérant qu’à la suite des contrôles administratifs effectués sur le fonctionnement de la SOCIETE DUBUS SA, la commission bancaire, en application des dispositions précitées du décret du 24 juillet 1984, a fait savoir le 24 novembre 2000 à cette société qu’elle avait décidé d’engager une procédure disciplinaire à son encontre et l’a informée des faits qui lui étaient reprochés ; que la société a pu prendre connaissance de son dossier et faire valoir ses observations ; qu’elle a ensuite été entendue par la commission au cours d’une séance publique où elle a pu se faire assister d’un avocat ; qu’il s’ensuit qu’à supposer même que la SOCIETE DUBUS SA n’ait pas bénéficié de l’ensemble des garanties des droits de la défense lors des contrôles administratifs qui ont précédé l’engagement de la procédure disciplinaire, la requérante n’est pas fondée à soutenir que le droit au procès équitable rappelé par le premier paragraphe de l’article 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales aurait été méconnu ;

Sur la légalité de la décision de la commission bancaire :

Considérant qu’il ressort des termes mêmes de la lettre adressée le 28 août 2000 par la SOCIETE DUBUS SA à la commission bancaire que cette dernière n’a commis aucune dénaturation en estimant que cette lettre n’apportait pas de réponse à la question de l’intégration de certains comptes dans le calcul de l’adéquation des fonds propres de la société aux risques de marché ; qu’il ne ressort pas des pièces du dossier que la commission bancaire n’aurait pas tenu compte de l’ensemble des circonstances de l’affaire, et notamment des régularisations auxquelles la SOCIETE DUBUS SA a procédé et qui sont d’ailleurs mentionnées par la décision attaquée ;

Considérant que le moyen tiré de ce que la commission bancaire ne pouvait fonder sa sanction sur la violation d’une instruction de la société des bourses françaises, qui, tiré d’une erreur de droit, n’est pas d’ordre public, est nouveau en cassation et n’est, dès lors et en tout état de cause, pas recevable ;

Considérant qu’il résulte de ce qui précède que la SOCIETE DUBUS SA n’est pas fondée à demander l’annulation de la décision du 8 octobre 2001, qui est suffisamment motivée, par laquelle la commission bancaire lui a infligé un blâme ; qu’il s’ensuit que ses conclusions tendant à l’application de l’article L. 761-1 du code de justice administrative doivent également être rejetées ;

D E C I D E :

Article 1er : La requête de la SOCIETE DUBUS SA est rejetée.

Article 2 : La présente décision sera notifiée à la SOCIETE DUBUS SA, au ministre de l’économie, des finances et de l’industrie et à la commission bancaire.

 


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