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Cour administrative d’appel de Marseille, 15 mai 2003, n° 02MA00955, M. Sgaier B. S..

Aux termes des dispositions de l’article 3 du décret du 30 juin 1946, tout étranger, âgé de plus de 18 ans, est tenu de se présenter à Paris à la préfecture de police et dans les autres départements à la préfecture ou à la sous-préfecture, pour y souscrire une demande de carte de séjour du type correspondant à la catégorie à laquelle il appartient. Toutefois, le préfet peut prescrire que les demandes de carte de séjour soient déposées au commissariat de police ou, à défaut de commissariat, à la mairie de la résidence du requérant. Ces dispositions ne faisaient pas obligation au préfet de rejeter la demande de M. S., alors même qu’il ne s’était pas présenté personnellement au service compétent. Ayant invité l’intéressé à adresser sa demande par voie postale, le préfet ne pouvait plus légalement lui opposer les dispositions de l’article 3 précité du décret du 30 juin 1946.

COUR ADMINISTRATIVE D’APPEL DE MARSEILLE

N° 02MA00955

M. Sgaier B. S..

M. DARRIEUTORT
Président

M. MARCOVICI
Rapporteur

M. TROTTIER
Commissaire du Gouvernement

Arrêt du 15 mai 2003

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR ADMINISTRATIVE D’APPEL DE MARSEILLE

(3ème chambre)

Vu la requête, enregistrée au greffe de la Cour administrative d’appel de Marseille le 28 mai 2002 sous le n° 02MA00955 présentée pour M. Sgaier B. S. ;

M. Sgaier B. S. demande à la Cour :

1°/ d’annuler le jugement n° 00-3433 du 4 avril 2002 par lequel le Tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande tendant à l’annulation des décisions implicites nées du silence gardé par l’administration sur les demandes qu’il a présentées les 8 septembre 1999 et 19 janvier 2000, par lesquelles le préfet de l’Hérault lui a refusé l’admission au séjour, à ce que le tribunal enjoigne au préfet de lui délivrer un titre de séjour portant la mention vie privée et familiale et condamne l’Etat à lui verser une somme de 8.000 francs au titre des frais irrépétibles ;

2°/ d’annuler les décisions en cause ;

3°/ d’ordonner au préfet de l’Hérault d’examiner la demande d’admission au séjour de M. Sgaier B. S. et de lui délivrer un récépissé valant autorisation de séjour et de travail sous huit jours à compter du huitième jour suivant l’arrêt à intervenir sous astreinte de 150 euros par jour de retard ;

4° / la condamnation de l’Etat à lui verser une somme de 3.000 euros au titre de l’article L.761-1 du code de justice administrative ;

Il soutient : que le préfet ne pouvait pas opposer à sa demande les dispositions de l’article 3 du décret du 3 juin 1946, qu’il dispose de dix ans de présence continue sur le territoire français, que la décision de refus était insuffisamment motivée, que le défaut de réunion de la commission de séjour rend la décision illégale ;

Vu le jugement attaqué ;

Vu le mémoire enregistré le 24 mars 2003 présenté par le ministre de l’intérieur ; le ministre de l’intérieur conclut au rejet de la requête ; il soutient que le requérant n’apporte aucun moyen nouveau susceptible de permettre l’annulation du jugement ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu l’ordonnance n°45-2658 du 2 novembre 1945 modifiée ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l’audience ;

Après avoir entendu au cours de l’audience publique du 30 avril 2003 :
- le rapport de M. MARCOVICI, premier conseiller ;
- et les conclusions de M. TROTTIER, premier conseiller ;

Considérant qu’il ressort des pièces du dossier que M. Sgaier B. S. a demandé au préfet de l’Héraut de lui délivrer un titre de séjour le 1er juin 1999 ; que le préfet a rejeté cette demande le 11 juin 1999 pour défaut de présentation de la photocopie de son passeport ; que l’intéressé a renouvelé sa demande le 6 septembre 1999 en fournissant la pièce sollicitée par le préfet ; que M. Sgaier B. S. a formé un recours gracieux le 13 janvier 2000 contre la décision implicite de rejet du préfet ; que, par un jugement du 4 avril 2002, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté la demande d’annulation de ces décisions implicites de rejet ;

Considérant qu’aux termes des dispositions de l’article 3 du décret du 30 juin 1946 dans sa rédaction que lui a donnée le décret du 9 juillet 1990 : " Tout étranger, âgé de plus de 18 ans, est tenu de se présenter à Paris à la préfecture de police et dans les autres départements à la préfecture ou à la sous-préfecture, pour y souscrire une demande de carte de séjour du type correspondant à la catégorie à laquelle il appartient. Toutefois, le préfet peut prescrire que les demandes de carte de séjour soient déposées au commissariat de police ou, à défaut de commissariat, à la mairie de la résidence du requérant " ;

Considérant que l’administration se borne, devant le tribunal administratif, comme devant la Cour, à soutenir que la requête de M. Sgaier B. S. doit être rejetée dans la mesure où il n’a pas souscrit à l’obligation de se présenter à la préfecture ; que toutefois il ressort des pièces du dossier, et notamment d’une lettre du 24 janvier 2000 adressée par le préfet du Languedoc Roussillon, préfet de l’Hérault, au bâtonnier de l’ordre des avocats de Montpellier que les services de la préfecture de l’Hérault incitaient durant l’année 1999 les conseils des étrangers qui sollicitaient la délivrance de titres de séjour à effectuer eux-mêmes les démarches auprès desdits services, ou bien à adresser leurs dossiers de demandes par la voie postale ; que si le préfet, dans la lettre du 24 janvier 2000, affirme qu’il a mis fin à cette pratique au cours du mois d’août 1999, le requérant affirme sans être contredit que le dossier qu’il a retiré à la préfecture préalablement à sa demande contenait une lettre, signée par le directeur de la réglementation et des libertés publiques, ainsi rédigée : " vous venez de retirer un dossier relatif à votre demande de titre de séjour (...). J’appelle tout particulièrement votre attention sur la nécessité de bien remplir ce dossier (...) et d’utiliser obligatoirement l’enveloppe pré imprimée, ci-jointe, pour retourner le dossier à la préfecture. Je vous précise également que vous ne devez pas vous présenter à la préfecture avant de recevoir une convocation soit pour retirer votre carte soit pour être informé de la suite réservée à votre demande. Ce traitement du dossier est mis en place pour éviter une attente inutile à la préfecture. Je pense donc que vous comprendrez aisément l’intérêt qui s’attache à un envoi postal de votre demande " ; que les dispositions précitées de l’article 3 du décret du 30 juin 1946 ne faisaient pas obligation au préfet de rejeter la demande de M. S., alors même qu’il ne s’était pas présenté personnellement au service compétent ; qu’ayant invité l’intéressé à adresser sa demande par voie postale, le préfet ne pouvait plus légalement lui opposer les dispositions de l’article 3 précité du décret du 30 juin 1946 ; que, dès lors, les décisions nées du silence gardé sur les demandes formulées le 6 septembre 1999 et 13 janvier 2000 doivent être annulées ;

Sur les conclusions tendant à l’application de l’article L.911-1 et L. 911-2 du code de justice administrative :

Considérant qu’aux termes de l’article L.911-1 du code de justice administrative : " Lorsque sa décision implique nécessairement qu’une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d’un service public prenne une mesure d’exécution dans un sens déterminé, la juridiction saisie de conclusions en ce sens, prescrit, par la même décision, cette mesure assortie, le cas échéant d’un délai d’exécution " ;

Considérant qu’aux termes de l’article L.911-2 du code de justice administrative : " Lorsque sa décision implique nécessairement qu’une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d’un service public prenne à nouveau une décision après une nouvelle instruction, la juridiction saisie de conclusions en ce sens, prescrit, par la même décision juridictionnelle, que cette nouvelle décision doit intervenir dans un délai déterminé " ;

Considérant que si le présent arrêt n’implique pas nécessairement qu’il soit délivré un titre de séjour à M. Sgaier B. S., il implique nécessairement que l’autorité administrative procéde à un nouvel examen de la demande qu’il lui a présentée ; qu’il convient donc d’une part, de rejeter les conclusions de la requête de M. Sgaier B. S. tendant à ce qu’il soit ordonné au préfet de l’Hérault de lui délivrer un titre de séjour et d’autre part, d’ordonner au préfet de l’Hérault de procéder à un nouvel examen de la demande de M. Sgaier B. S. dans le délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt ;

Sur les conclusions tendant à l’application de l’article L.761-1 du code de justice administrative :

Considérant qu’aux termes de l’article L.761-1 du code des tribunaux administratifs et de cours administratives d’appel : "Dans les instances devant les tribunaux administratifs et les cours administratives d’appel, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l’autre partie la somme qu’il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l’équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d’office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu’il n’y a pas lieu à cette condamnation" ;

Considérant qu’il y a lieu, dans les circonstances de l’espèce, en application des dispositions de l’article L.761-1 du code de justice administrative de condamner l’Etat à payer M. Sgaier B. S. la somme de 1.000 euros au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens ;

D E C I D E :

Article 1er : Le jugement susvisé du 4 avril 2002 du tribunal administratif est annulé.

Article 2 : Les décisions implicites nées du silence gardé par l’administration sur les demandes des 6 septembre 1999 et 13 janvier 2000 formulées par M. Sgaier B. S. aux fins qu’il lui soit délivré un titre de séjour sont annulées.

Article 3 : L’Etat (ministre de l’intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales) est condamné à payer à M. Sgaier B. S. une somme de 1.000 euros au titre de l’article L.761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Il est enjoint au préfet de l’Hérault d’examiner la demande de titre de séjour de M. Sgaier B. S. dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt.

Article 5 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.

Article 6 : Le présent arrêt sera notifié à M. Sgaier B. S. et au ministre de l’intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales.

 


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