format pour impression
(imprimer)

DANS LA MEME RUBRIQUE :
Conseil d’Etat, 9 mai 2001, n° 211162, Société mosellane de tractions
Conseil d’Etat, 1er mars 2004, n° 254081, Syndicat national des professions du Tourisme CGC
Cour administrative d’appel de Bordeaux, 3 juin 2003, n° 99BX01203, Sarl Reldem
Conseil d’État, 10 Mai 1995, RASSEMBLEMENT DES OPPOSANTS A LA CHASSE et Mme ABRIA
Conseil d’Etat, 29 juillet 2002, n° 240887, Ministre de l’équipement, des transports et du logement c/ M. R.
Conseil d’Etat, 13 mars 2002, n° 177509, Union fédérale des consommateurs
Conseil d’Etat, 4 octobre 1991, n° 100064, M. MIlhaud
Conseil d’Etat, Section, 3 octobre 2008, n° 297931, Commune d’Annecy
Conseil d’Etat, Assemblée, 30 Octobre 1998, M. Sarran, Levacher et autres
Conseil d’Etat, Assemblée, 6 avril 2001, n° 224945, Pelletier




Conseil d’Etat, 16 juin 2003, n° 246794, M. Olivier C.

Les traités ou accords qui relevaient de l’article 27 de la Constitution de 1946 et dont la ratification ou l’approbation est intervenue sans avoir été autorisée par la loi, ne peuvent être regardés comme régulièrement ratifiés ou approuvés au sens de l’article 26 de la Constitution du 27 octobre 1946. Eu égard aux effets qui lui étaient attachés en droit interne, la publication d’un traité ou accord entrant dans les prévisions de l’article 27 de la Constitution du 27 octobre 1946 ne pouvait intervenir légalement que si la ratification ou l’approbation de ce traité ou accord avait été autorisée en vertu d’une loi. Il appartient au juge administratif de se prononcer sur le bien-fondé d’un moyen tiré de la méconnaissance par l’acte de publication d’un traité ou d’un accord de dispositions constitutionnelles en vigueur à la date de publication de cet acte.

CONSEIL D’ETAT

Statuant au contentieux

N° 246794

M. C.

M. Larrivé
Rapporteur

Mme Mitjavile
Commissaire du gouvernement

Séance du 23 mai 2003
Lecture du 16 juin 2003

REPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

Le Conseil d’Etat statuant au contentieux

(Section du contentieux, 10ème et 9ème sous-section réunies)

Sur le rapport de la 10ème sous-section de la Section du contentieux

Vu la requête, enregistrée le 10 mai 2002 au secrétariat du contentieux du Conseil d’Etat, présentée par M. Olivier C., agissant en exécution d’un arrêt de la chambre sociale de la cour d’appel de Paris en date du 21 décembre 2000 ; M. C. demande au Conseil d’Etat :

1°) d’apprécier la légalité du décret du 26 avril 1947 relatif à l’exécution de la convention sur les privilèges et immunités des Nations Unies et de déclarer que ce décret est entaché d’illégalité ;

2°) de déclarer que le haut-commissariat pour les réfugiés des Nations Unies ne peut bénéficier de l’immunité de juridiction en tant qu’il participe à la commission des recours des réfugiés ;

3°) de condamner l’Etat à lui verser une somme de 2 300 euros au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la Constitution du 27 octobre 1946, notamment ses articles 27 et 31 ;

Vu le code pénal ;

Vu le code d’instruction criminelle, en vigueur à la date du décret dont il est demandé d’apprécier la légalité ;

Vu le code général des impôts directs, le code des taxes sur le chiffre d’affaires, le code des contributions indirectes et le code du timbre, en vigueur à la date du décret dont il est demandé d’apprécier la légalité ;

Vu le décret n° 46-35 du 4 janvier 1946 ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de M. Larrivé, Auditeur,
- les conclusions de Mme Mitjavile, Commissaire du gouvernement ;

Sur les conclusions tendant à ce que le Conseil d’Etat déclare que le haut-commissariat des Nations Unies pour les réfugiés ne peut bénéficier de l’immunité de juridiction en tant qu’il participe à la commission des recours des réfugiés :

Considérant que les requérants ne sont pas recevables à faire trancher, à l’occasion d’un renvoi préjudiciel ordonné par un tribunal judiciaire, des questions autres que celles renvoyées par ledit tribunal ;

Considérant que la seule question préjudicielle renvoyée par l’arrêt en date du 21 décembre 2000, par lequel la chambre sociale de la cour d’appel de Paris a décidé de surseoir à statuer sur le litige opposant M. C. et la délégation pour la France du haut-commissariat des Nations Unies pour les réfugiés, est celle de savoir si le décret du 26 avril 1947 relatif à l’exécution de la convention sur les privilèges et immunités des Nations Unies est entaché d’illégalité ; que, par suite, les conclusions susanalysées ne sont pas recevables ;

Sur les conclusions relatives à la légalité du décret du 26 avril 1947 :

Sans qu’il soit besoin d’examiner les autres moyens de la requête ;

Considérant qu’aux termes de l’article 27 de la Constitution du 27 octobre 1946, qui était applicable à la date d’intervention du décret dont il est demandé au Conseil d’Etat d’apprécier la légalité : "Les traités relatifs à l’organisation internationale, les traités de paix, de commerce, les traités qui engagent les finances de l’Etat (...) ceux qui modifient les lois internes françaises (...) ne sont définitifs qu’après avoir été ratifiés en vertu d’une loi (...) ", et qu’aux termes de l’article 26 de cette même Constitution : "Les traités diplomatiques régulièrement ratifiés et publiés ont force de loi dans le cas même où ils seraient contraires à des lois françaises, sans qu’il soit besoin pour en assurer l’application d’autres dispositions législatives que celles qui auraient été nécessaires pour assurer leur ratification" ; qu’il résulte de la combinaison de ces dispositions que les traités ou accords qui relevaient de l’article 27 précité et dont la ratification ou l’approbation est intervenue sans avoir été autorisée par la loi, ne peuvent être regardés comme régulièrement ratifiés ou approuvés au sens de l’article 26 de la Constitution du 27 octobre 1946 ; qu’eu égard aux effets qui lui étaient attachés en droit interne, la publication d’un traité ou accord entrant dans les prévisions de l’article 27 de la Constitution du 27 octobre 1946 ne pouvait intervenir légalement que si la ratification ou l’approbation de ce traité ou accord avait été autorisée en vertu d’une loi ; qu’il appartient au juge administratif de se prononcer sur le bien-fondé d’un moyen tiré de la méconnaissance par l’acte de publication d’un traité ou d’un accord de dispositions constitutionnelles en vigueur à la date de publication de cet acte ;

Considérant que la convention sur les privilèges et immunités des Nations Unies du 13 février 1946 prévoit notamment la jouissance de l’immunité de juridiction au bénéfice de l’organisation des Nations Unies, de ses biens et avoirs, des fonctionnaires et experts qu’elle emploie et des représentants de ses membres auprès des organes principaux et subsidiaires ; qu’elle prévoit également au profit des catégories de bénéficiaires qu’elle désigne, des immunités d’arrestation personnelle, des exonérations fiscales et des exemptions aux obligations relatives au service national ; que, d’une part, eu égard à son objet même et à ses effets, la convention du 13 février 1946 est relative à l’organisation internationale et engage les finances de l’Etat ; que, d’autre part, elle déroge aux dispositions du code pénal et aux règles de procédure pénale ainsi qu’aux dispositions des lois fiscales et des lois relatives au service national, en vigueur à la date de sa publication en droit interne et modifie donc les lois internes françaises ; que sa ratification devait donc être autorisée par la loi en vertu de l’article 27 de la Constitution du 27 octobre 1946 ;

Considérant qu’il est constant que le décret du 26 avril 1947 relatif à l’exécution de la convention sur les privilèges et immunités des Nations Unies est intervenu sans que la ratification de cette convention ait été autorisée par la loi ; que si la charte des Nations Unies, signée à San Francisco le 26 juin 1945, dont l’article 105 stipule que "l’organisation jouit, sur le territoire de chacun de ses membres, des privilèges qui lui sont nécessaires pour atteindre ses buts", a été ratifiée le 31 août 1945 par le gouvernement provisoire de la République française, cette circonstance est sans influence sur la légalité du décret du 26 avril 1947, dès lors que les stipulations de l’article 105 précité ne modifiaient pas, par elle-mêmes les lois internes françaises ; qu’il résulte de ce qui précède que M. C. est fondé à soutenir que le décret du 26 avril 1947 est entaché d’illégalité ;

Sur les conclusions de M. C. tendant à l’application des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant qu’il y a lieu, dans les circonstances de l’espèce, de faire application des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative et de condamner l’Etat à payer à M. C. une somme de 500 euros au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens ;

D E C I D E :

Article 1er : Il est déclaré que le décret du 26 avril 1947 est entaché d’illégalité.

Article 2 : L’Etat versera à M. C. une somme de 500 euros au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le surplus des conclusions de la requête de M. C. est rejeté.

Article 4 : La présente décision sera notifiée à M. Olivier C., au Premier ministre, au ministre des affaires étrangères et à la délégation française du haut commissariat des Nations Unies pour les réfugiés.

 


©opyright - 1998 - contact - Rajf.org - Revue de l'Actualité Juridique Française - L'auteur du site
Suivre la vie du site