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NOTES ET COMMENTAIRES :
Conclusions de Pascale FOMBEUR, AJDA 2003, p.1234

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Conseil d’Etat, 26 février 2003, n° 241385, M. Joel M.

Il résulte des termes de l’article 53 de la loi du 23 décembre 2000, qui ouvre une simple faculté aux victimes de l’amiante d’obtenir, par le fonds, une indemnisation plus simple et plus rapide, que les actions juridictionnelles de droit commun restent ouvertes aux personnes qui ne saisissent pas le fonds. Le texte ne leur interdit pas, en particulier, de rechercher la responsabilité de l’employeur ou de l’administration devant les juridictions judiciaire ou administrative, sous la seule réserve que la victime ayant obtenu la réparation intégrale de son préjudice par une décision définitive de la juridiction qu’elle a saisie ne peut plus engager ou poursuivre d’autres instances ayant le même objet.

CONSEIL D’ETAT

Statuant au contentieux

N° 241385

M. M.

M. Courson
Rapporteur

Mlle Fombeur
Commissaire du gouvernement

Séance du 29 janvier 2003
Lecture du 26 février 2003

REPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

Le Conseil d’Etat statuant au contentieux

(Section du contentieux, 1ère et 2ème sous-sections réunies)

Sur le rapport de la 1ère sous-section de la Section du contentieux

Vu la requête, enregistrée le 26 décembre 2001 au secrétariat du contentieux du Conseil d’Etat, présentée par M. Joël M. ; M. M. demande au Conseil d’Etat d’annuler pour excès de pouvoir le décret n° 2001-963 du 23 octobre 2001 relatif au fonds d’indemnisation des victimes de l’amiante institué par l’article 53 de là loi n° 2000-1257 du 23 décembre 2000 de financement de la sécurité sociale pour 2001 ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la Constitution, ensemble l’article 16 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen du 26 août 1789 ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales ;

Vu la loi n° 2000-1257 du 23 décembre 2000 de financement de la sécurité sociale pour 2001 et notamment son article 53 ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de M. Courson, Maître des Requêtes,
- les conclusions de Mlle Fombeur, Commissaire du gouvernement ;

Sans qu’il soit besoin de statuer sur la fin de non-recevoir opposée par le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité ;

Considérant que le fonds d’indemnisation des victimes de l’amiante a été institué par l’article 53 de la loi du 23 décembre 2000 ; qu’aux termes du dernier alinéa du IV de cet article : "L’acceptation de l’offre d’indemnisation faite par le fonds ou la décision juridictionnelle définitive rendue dans l’action en justice contre le fonds prévue au V vaut désistement des actions juridictionnelles en indemnisation en cours et rend irrecevable toute autre action juridictionnelle future en réparation du même préjudice. Il en va de même des décisions juridictionnelles devenues définitives allouant une indemnisation intégrale pour les conséquences de l’exposition à l’amiante" ; qu’aux termes du V du même article : "Le demandeur ne dispose du droit d’action en justice contre le fonds d’indemnisation que si sa demande d’indemnisation a été rejetée, si aucune offre ne lui a été présentée dans le délai mentionné au premier alinéa du IV ou s’il n’a pas accepté l’offre qui lui a été faite. Cette action est intentée devant la cour d’appel dans le ressort de laquelle se trouve le domicile du demandeur" ; que le X de l’article 53 prévoit enfin que les modalités d’application de cet article sont fixées par décret en Conseil d’Etat ; que ce décret, intervenu le 23 octobre 2001, est contesté par M. M. qui demande son annulation pour excès de pouvoir ;

Sur l’incompétence alléguée du pouvoir réglementaire :

Considérant que le décret attaqué, qui se borne à fixer les modalités d’application des règles fixées par le législateur, ne définit par lui-même aucune règle concernant la procédure pénale ; que, par suite, le moyen tiré de ce que le pouvoir réglementaire aurait empiété sur le domaine réservé à la loi par l’article 34 de la Constitution doit être écarté ;

Sur la violation de l’article 16 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen :

Considérant que la création du fonds mentionné ci-dessus, l’organisation et l’articulation des différents recours ouverts aux victimes de l’amiante qui peuvent bénéficier d’une indemnisation par ce fonds ainsi que les conséquences de l’acceptation, par la victime, de l’offre d’indemnisation faite par le fonds résultent des dispositions à caractère législatif précitées ; que si le requérant soutient que le décret pris pour l’application de ces dernières porte une atteinte substantielle au droit à un recours juridictionnel effectif devant les tribunaux de droit commun, garanti par l’article 16 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen, dans le cas où la victime accepte l’offre d’indemnisation faite par le fonds, les dispositions qu’il conteste résultent en fait des termes mêmes de la loi ; qu’il n’appartient pas au Conseil d’Etat statuant au contentieux d’apprécier la conformité de la loi à un principe constitutionnel ;

Sur la violation des articles 6 et 13 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales :

Considérant, en premier lieu, qu’il résulte des termes de l’article 53 de la loi du 23 décembre 2000, qui ouvre une simple faculté aux victimes de l’amiante d’obtenir, par le fonds, une indemnisation plus simple et plus rapide, que les actions juridictionnelles de droit commun restent ouvertes aux personnes qui ne saisissent pas le fonds ; que le texte ne leur interdit pas, en particulier, de rechercher la responsabilité de l’employeur ou de l’administration devant les juridictions judiciaire ou administrative, sous la seule réserve que la victime ayant obtenu la réparation intégrale de son préjudice par une décision définitive de la juridiction qu’elle a saisie ne peut plus engager ou poursuivre d’autres instances ayant le même objet ;

Considérant, en deuxième lieu, que les dispositions législatives précitées, qui régissent exclusivement l’indemnisation du préjudice, ne privent pas les victimes de la possibilité de saisir la juridiction pénale ;

Considérant, en troisième lieu, que la personne qui a choisi de présenter une demande d’indemnisation devant le fonds peut introduire un recours devant la cour d’appel puis, le cas échéant, un pourvoi en cassation si sa demande a été rejetée, si aucune offre ne lui a été présentée dans un certain délai ou si elle n’a pas accepté l’offre qui lui a été faite ;

Considérant, en quatrième lieu, que le désistement ou l’irrecevabilité des actions ultérieures, qui sont la conséquence de l’acceptation de l’offre d’indemnisation faite par le fonds, n’interdisent pas aux victimes de bénéficier d’une nouvelle offre d’indemnisation par le fonds en cas d’aggravation de leur état de santé ou si une indemnisation complémentaire est susceptible d’être accordée dans le cadre d’une procédure pour faute inexcusable de l’employeur ;

Considérant enfin que, contrairement à ce que soutient le requérant, le dispositif créé par le législateur n’a pas pour effet de faire échapper les employeurs à leur responsabilité, dès lors que le fonds est subrogé dans les droits que possède le demandeur contre la personne responsable du dommage ;

Considérant qu’il résulte de ce qui précède que les dispositions législatives mentionnées ci-dessus, qui trouvent leur justification dans la volonté de simplifier les procédures contentieuses, d’éviter qu’un même élément de préjudice ne soit deux fois indemnisé et d’énoncer clairement les droits des victimes, ne sont pas incompatibles avec les stipulations des articles 6 et 13 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales ;

Considérant que M. M. n’est, par suite, pas fondé à demander l’annulation du décret attaqué ;

D E C ID E :

Article 1er : La requête de M. M. est rejetée.

Article 2 : La présente décision sera notifiée à M. Joël M., au Premier ministre et au ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité.

 


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