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Conseil d’Etat, 12 février 2003, n° 252277, Mme V. et autres

Ce n’est qu’à défaut d’accord entre le chef d’entreprise et les organisations syndicales représentatives dans l’entreprise que le directeur départemental du travail a compétence pour reconnaître, à la demande de l’une de ces parties, la perte de la qualité d’établissement distinct qui emporte la suppression du comité d’établissement correspondant. Cette condition implique que des négociations ayant cet objet aient été engagées au sein de l’entreprise.

CONSEIL D’ETAT

Statuant au contentieux

N° 252277

Mme V. et autres

Mme de Salins
Rapporteur

M. Stahl
Commissaire du gouvernement

Séance du 15 janvier 2003
Lecture du 12 février 2003

REPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

Le Conseil d’Etat statuant au contentieux

(Section du contentieux, 1ère et 2ème sous-sections réunies)

Sur le rapport de la 1ère sous-section de la Section du contentieux

Vu l’ordonnance en date du 4 décembre 2002, enregistrée au secrétariat du contentieux du Conseil d’Etat le même jour, par laquelle le président du tribunal administratif de Paris a transmis au Conseil d’Etat, en application de l’article R.351-2 du code de justice administrative, la demande présentée à ce tribunal par Mme V. et autres ;

Vu la demande, enregistrée le 27 avril 1999 au greffe du tribunal administratif de Paris, présentée par Mme Michèle V., M. Gilles M., M. Jean-Paul M., Mme R., M. T., M. D., M. P., M. Christian C., élisant domicile chez Me Debliquis, demeurant 1, rue Nicole Oresme à Rouen (76000) et tendant à l’annulation de la décision du 15 octobre 1998 du directeur départemental du travail, de l’emploi et de la formation professionnelle de la Seine-Saint-Denis reconnaissant la perte de la qualité d’établissement distinct du site d’Evreux de la société Valéo Vision ainsi que de la décision implicite du ministre de l’emploi et de la solidarité rejetant le recours hiérarchique formé contre cette décision le 30 octobre 1998 ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code du travail ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de Mme de Salins, Maître des Requêtes,
- les conclusions de M. Stahl, Commissaire du gouvernement ;

Considérant qu’en vertu de l’article L.435-1 du code du travail, dans les entreprises comportant plusieurs établissements distincts, il est créé des comités d’établissement et un comité central d’entreprise ; que le quatrième alinéa de l’article L. 435-4 de ce code prévoit notamment que le nombre d’établissements distincts et la répartition des sièges entre les différents établissements et les différentes catégories de salariés font l’objet d’un accord entre le chef d’entreprise et les organisations syndicales représentatives dans l’entreprise et que, lorsqu’un tel accord ne peut être obtenu, le directeur départemental du travail, de l’emploi et de la formation professionnelle dans le ressort duquel se trouve le siège de l’entreprise décide de ce nombre et de cette répartition ; qu’aux termes des dispositions figurant alors aux huitième et neuvième alinéas de l’article L. 433-2 du même code : "Dans chaque entreprise, à défaut d’accord entre le chef d’entreprise et les organisations syndicales intéressées, le directeur départemental du travail, de l’emploi et de la formation professionnelle du siège de l’entreprise a compétence pour reconnaître le caractère d’établissement distinct./ La perte de la qualité d’établissement distinct, reconnue par la décision administrative, emporte suppression du comité de l’établissement considéré, sauf accord contraire conclu entre le chef d’entreprise et les organisations syndicales représentatives dans l’entreprise permettant aux membres du comité d’établissement d’achever leur mandat" ;

Considérant qu’en application de ces dispositions, ce n’est qu’à défaut d’accord entre le chef d’entreprise et les organisations syndicales représentatives dans l’entreprise que le directeur départemental du travail, de l’emploi et de la formation professionnelle a compétence pour reconnaître, à la demande de l’une de ces parties, la perte de la qualité d’établissement distinct qui emporte la suppression du comité d’établissement correspondant ; que cette condition implique que des négociations ayant cet objet aient été engagées au sein de l’entreprise ;

Considérant que si la direction de l’entreprise Valéo Vision et les organisations syndicales représentatives du site d’Evreux, qui constituait un établissement distinct de cette entreprise, sont parvenus le 12 juin 1997 à un accord décidant de la prorogation des mandats des délégués syndicaux et des membres du comité d’établissement de ce seul site, malgré sa fermeture, la direction de l’entreprise n’a ultérieurement engagé aucune négociation avec les organisations syndicales représentatives dans l’ensemble de la société en vue de faire constater que ce site avait perdu la qualité d’établissement distinct, mais a directement saisi le directeur départemental du travail, de l’emploi et de la formation professionnelle de la Seine-Saint-Denis à cette fin ; que, dans ces conditions, ce dernier n’était pas compétent pour se prononcer, comme il l’a fait par la décision attaquée, sur la perte de la qualité d’établissement distinct du site d’Evreux de la société Valéo Vision ; que, par suite, Mme V. et autres sont fondés à soutenir que sa décision en date du 15 octobre 1998 et la décision implicite du ministre de l’emploi et de la solidarité rejetant le recours hiérarchique contre cette décision sont illégales ;

D E C I D E :

Article 1er : La décision du directeur départemental du travail, de l’emploi et de la formation professionnelle de la Seine-Saint-Denis en date du 15 octobre 1998 et la décision implicite du ministre de l’emploi et de la solidarité rejetant le recours hiérarchique formé contre cette décision sont annulées.

Article 2 : La présente décision sera notifiée à Mme Michèle V., à M. Gilles M., à M. Jean-Paul M., à Mme R., à M. T., à M. D., à M. P., à M. Christian C. et au ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité.

 


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