Vu 1°) sous le n°9700920, la requête, enregistrée
le 25 avril 1997, complétée par mémoire enregistré
le 21 mai 1997, présentée pour l’Union des Assurances de
Paris (UAP), et pour la SA ESYSMONTENAY ;
Vu 2°) sous le n°9702390, la requête, enregistrée
le 22 octobre 1997, présentée pour l’Union des Assurances
de Paris (UAP), et pour la SA ESYS-MONTENAY ; l’UAP et la société
ESYS-MONTENAY demandent que le tribunal administratif condamne l’Etat :
- à verser à l’UAP, la somme de 4 260 685 F HT,
- et à verser à la société ESYS-MONTENAY
la somme de 963 030 F HT, en réparation des dommages subis lors
d’une manifestation de membres de la confédération de défense
des commerçants, artisants, agriculteurs et professions libérales
de l’Aquitaine,
- à leur verser les intérêts de droit sur le montant
desdites sommes à compter de la date d’enregistrement de la requête,
lesquels intérêts devant eux-mêmes être capitalisés
à l’expiration de chaque délai annuel en application de l’article
1154 du code civil,
- à leur verser une somme de 20 000 F en application de l’article
L. 8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives
d’appel ;
Vu le mémoire enregistré le 27 septembre 1999, présenté
pour AXA GLOBAL RISKS, et la société ESYS-MONTENAY ; AXA
GLOBAL RISKS déclare venir aux droits de l’UAP ; AXA GLOBAL RISKS
et la société ESYS-MONTENAY concluent aux mêmes fins
que la requête ;
Vu les autres pièces des dossiers ;
Vu le code général des collectivités territoriales
;
Vu l’article 92 de la loi du 7 janvier 1983 ;
Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives
d’appel :
Considérant que les requêtes susvisées n°9700920
et n°9702390 présentées pour AXA GLOBAL RISKS et la société
ESYS-MONTENAY ont le même objet et ont fait l’objet d’une instruction
commune ; qu’il y a lieu de les joindre pour y statuer par un même
jugement ;
Sur la fin de non recevoir opposée par le préfet de
la Gironde à la requête n°9700920 :
Considérant qu’aux termes de l’article R. 102 du code des tribunaux
administratifs et des cours administratives d’appel : "sauf en matière
de travaux publics, le tribunal administratif ne peut être saisi
que par voie de recours formé contre une décision. " ;
Considérant que les sociétés requérantes,
avant d’introduire leur recours n’ont pas fait une demande tendant à
l’octroi d’une indemnité ; que le préfet de la Gironde, dans
son mémoire en défense, n’a conclu au fond qu’à titre
subsidiaire après avoir opposé la fin de non-recevoir tirée
de l’absence de demande préalable ; que, dès lors, le contentieux
n’étant pas lié, les conclusions susvisées de la requête
n°9700920 ne sont pas recevables ;
Sur les conclusions de la requête n°9702390 :
Considérant qu’aux termes de l’article 92 de la loi du 7 janvier
1983 relative à la répartition des compétences entre
les communes, les départements, les régions et l’Etat, ultérieurement
codifié à l’article L. 2216-3 du code général
des collectivités territoriales : "L’Etat est civilement responsable
des dégâts et dommages résultant des crimes et délits
commis, à force ouverte ou par violence, par des attroupements ou
rassemblements armés ou non armés, soit contre les personnes,
soit contre les biens..." ;
Considérant qu’il résulte de l’instruction qu’au début
de l’après midi de la journée du 30 octobre 1995, la manifestation
à laquelle avait appelé l’organisation professionnelle de
la confédération de défense des commerçants,
artisans, agriculteurs et professions libérales d’Aquitaine (CDCA),
a réuni plusieurs centaines de personnes devant l’immeuble qui abrite
le siège de la CANCAVA (caisse autonome nationale de compensation
assurance retraite) situé à Bordeaux-Lac sur la commune de
Bruges , qu’une vingtaine de personnes participant à cette manifestation
ont brisé les vitres du rez-de-chaussée et du 1 er étage
de l’immeuble "Grand Angle" abritant les locaux à usage de bureaux
de la société ESYS-MONTENAY, et ont lancé des pneus
enflammés déclenchant un incendie à l’intérieur
de l’immeuble ; que la société ESYS-MONTENAY et la société
d’assurances AXA GLOBAL RISKS venant aux droits de la société
UAP, subrogée dans les droits de son assurée pour la part
des dommages qu’elle a remboursée, demandent à être
indemnisées par l’Etat des conséquences dommageables résultant
de l’action ainsi menée ;
Considérant que si ce délit de détérioration
volontaire a été perpétré dans le cadre d’une
action concertée et préméditée, par un groupe
de personnes armées de manches de bois, de pioches, de barres de
fer, et de "cocktails molotov", les actes commis par les auteurs de ces
dommages, qui ont trompé la vigilance de la police, étaient
en rapport direct avec la manifestation organisée par la CDCA dans
le litige qui l’oppose à sa caisse de retraite ; que le préfet
de la Gironde ne démontre pas que ce rassemblement, réunissant
au moins 800 personnes sur la zone concernée, n’avait pas pour objet
de manifester publiquement une contestation ; que les délits perpétrés
à l’occasion de la manifestation doivent donc être regardés
comme ayant été commis par un attroupement au sens des dispositions
précitées de l’article 92 de la loi du 7 janvier 1983 et
non par un commando, comme le soutient le préfet de la Gironde ;
que par suite, la société ESYS-MONTENAY et la société
d’assurances AXA GLOBAL RISKS sont fondées à soutenir que
l’Etat est responsable des dégâts et dommages litigieux résultant
de cette manifestation ;
Sur le préjudice :
Considérant que les sociétés AXA GLOBAL RISKS et
ESYSMONTENAY demandent la réparation du préjudice matériel
subi à hauteur respectivement de la somme de 4 260 685 F HT, versée
par l’UAP à son assurée en remboursement des dommages liés
à la dégradation des locaux et à la perte de matériel,
et de la somme de 963 030 F HT restant à la charge de la société
ESYS-MONTENAY correspondant aux frais de remise en état des systèmes
informatiques ; que les demanderesses, qui produisent tant la quittance
d’un montant de 4 260 685 F HT délivrée le 18 mai 1997 par
le représentant de la société ESYS-MONTENAY à
la société UAP, que les factures de travaux correspondant
au montant des dommages restant à la charge de la société
ESYS-MONTENAY, justifient du montant de leur préjudice ; que le
préfet de la Gironde, qui soutient que l’assureur de la copropriété
de l’immeuble a également présenté une demande d’indemnisation
en vue de la réparation des dommages occasionnés à
l’immeuble, n’établit pas que les demandes de réparation
présentées par les requérantes concerneraient les
mêmes travaux ; que par suite, il y a lieu de condamner l’Etat à
verser à AXA GLOBAL RISKS et à la société ESYS-MONTENAY,
respectivement les sommes de 4 260 685 F HT et 963 030 F HT, lesquelles
porteront intérêts au taux légal à compter du
22 octobre, date d’enregistrement de la requête ;
Sur la capitalisation des intérêts :
Considérant que la capitalisation des intérêts a
été demandée par les sociétés requérantes
le 22 octobre 1997, date d’enregistrement de la requête ; qu’à
cette date, il n’était pas dû au moins une année d’intérêts
que, dès lors, il n’y a pas lieu de faire application des dispositions
de l’article 1154 du code civil que les demandes tendant à la capitalisation
des intérêts doivent donc être rejetées ;
Sur les conclusions tendant à l’application de l’article L.
8-1 du code des tribunats administratifs et des cours administratives d’appel
:
Considérant qu’il y a lieu, dans les circonstances de l’espèce,
de condamner l’Etat à payer à AXA GLOBAL RISKS et à
la société ESYS-MONTENAY pris indivisement la somme de 4
000 F au titre des frais exposés par elles et non compris dans les
dépens ;