CONSEIL D’ETAT
Statuant au contentieux
N° 215593
M. W.
M. K.
M. Struillou
Rapporteur
M. Schwartz
Commissaire du gouvernement
Séance du 28 octobre 2002
Lecture du 29 novembre 2002
REPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
Le Conseil d’Etat statuant au contentieux
(Section du contentieux, 4ème et 6ème sous-sections réunies)
Sur le rapport de la 4ème sous-section de la Section du contentieux
Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistres les 22 décembre 1999 et 25 avril 2000 au secrétariat du contentieux du Conseil d’Etat, présentés pour M. Hugo W. et M. Jean-Pierre K. ; M. W. et M. K. demandent au Conseil d’Etat :
1°) d’annuler pour excès de pouvoir la décision du 7 octobre 1999 par laquelle le Conseil national de l’ordre des médecins a rejeté leur requête tendant à l’annulation de la décision du conseil départemental de l’ordre des médecins de la Haute-Marne en date du 4 mai 1999 refusant de réorganiser le service de garde et des urgences dans le secteur de Saint-Dizier en lui intégrant celui de Villiers-en-Lieu ;
2°) de condamner le Conseil national de l’ordre des médecins à leur verser la somme de 12 000 F (1830 euros) au titre des frais engagés par eux et non compris dans les dépens ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la note en délibéré, présentée le 29 octobre 2002 pour le Conseil national de l’ordre des médecins ;
Vu le code de la santé publique ;
Vu le décret n° 95-1000 du 6 septembre 1995 modifié portant code de déontologie médicale ;
Vu le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
le rapport de M. Struillou, Maître des Requêtes,
les observations de la SCP Richard, Mandelkern, avocat de M. W. et M. K. et de la SCP Vier, Barthélemy, avocat du Conseil national de l’ordre des médecins,
les conclusions de M. Schwartz, Commissaire du gouvernement ;
Sans qu’il soit besoin d’examiner les autres moyens de la requête :
Considérant qu’aux termes de l’article 77 du décret du 6 septembre 1995 portant code de déontologie médicale : "Dans le cadre de la permanence des services, c’est un devoir pour tout médecin de participer aux services de garde de jour et de nuit" ; qu’il appartient aux autorités ordinales en vertu des dispositions combinées de cet article et des articles L.366, L. 410 et L. 382 du code de la santé publique de définir les règles applicables à la profession de médecin et de veiller à leur observation par tous ses membres, dans le but d’assurer la permanence des soins aux malades ;
Considérant que, par une décision du 7 octobre 1999, le Conseil national de l’ordre des médecins a rejeté la requête présentée par les docteurs W. et K. dirigée contre la décision par laquelle le conseil départemental de l’ordre des médecins de la Haute-Marne a refusé de réorganiser le service de garde et d’urgence dans la région de Saint-Dizier et des communes environnantes ; qu’il ressort des pièces du dossier que l’organisation, dans cette région, de ce service en deux secteurs conduit à le faire assurer dans le secteur de Villiers-en-Lieu par seulement deux médecins alors que la population relativement importante qui y réside est prise en charge par quatre à cinq praticiens ; qu’une telle situation est de nature à porter atteinte au principe de permanence des soins ; que, par suite, en refusant de faire droit à la demande des requérants et en laissant ainsi à la seule charge de ces derniers le service des gardes dans le secteur de Villiers-en-Lieu, le Conseil national de l’ordre des médecins a entaché sa décision d’une erreur manifeste d’appréciation ; que, dès lors, MM. W. et K. sont fondés à en demander l’annulation ;
Sur les conclusions relatives au paiement des frais exposés et non compris dans les dépens :
Considérant que ces conclusions doivent être regardées comme tendant à l’application de l’article L. 761-1 du code de justice administrative ; que les dispositions de cet article font obstacle à ce que MM. W. et K., qui ne sont pas la partie perdante dans la présente instance, soient condamnés à verser au Conseil national de l’ordre des médecins la somme qu’il demande au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens ; qu’il y a lieu, en revanche, de condamner le Conseil national de l’ordre des médecins à verser à MM. W. et K. la somme de 1 830 euros au titre desdits frais ;
D E C I D E :
Article 1er : La décision du 7 octobre 1999 du Conseil national de l’ordre des médecins est annulée.
Article 2 : Le Conseil national de l’ordre des médecins est condamné à verser à MM. W. et K. la somme de 1830 euros qu’ils demandent au titre des frais exposés par eux et non compris dans les dépens.
Article 3 : Les conclusions du Conseil national de l’ordre des médecins tendant à l’application des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 4 : La présente décision sera notifiée à M. Hugo W., à M. Jean-Pierre K., au Conseil national de l’ordre des médecins et au ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité.