COUR ADMINISTRATIVE D’APPEL DE NANCY
N° 97NC00976 et 97NC01037
T.D.F. CABLE EST
COMMUNE DE TOUL
M. KINTZ
Président
M. VINCENT
Rapporteur
M. ADRIEN
Commissaire du Gouvernement
Arrêt du 14 novembre 2002
REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR ADMINISTRATIVE D’APPEL DE NANCY
(Troisième chambre)
Vu, I°, la requête, enregistrée le 6 mai 1997 au greffe de la Cour sous le n° 97NC00976, présentée par la société T.D.F. CABLE EST, société anonyme dont le siège social est 1, place de la Nation à Montigny-lès-Metz (Moselle) ;
La société T.D.F. CABLE EST demande à la Cour :
1°) d’annuler le jugement n° 96738 du 4 mars 1997 par lequel le tribunal administratif de Nancy a, à la demande du préfet de Meurthe-et-Moselle, annulé la convention conclue le 16 février 1996 entre la COMMUNE DE TOUL et elle-même en vue de l’exploitation du réseau câblé de la ZAC du Mont-Saint-Michel à Toul ;
2°) de rejeter la demande du préfet de Meurthe-et-Moselle devant le tribunal administratif de Nancy ;
Vu le jugement attaqué ;
Vu l’ordonnance du président de la 3ème chambre de la Cour portant clôture de l’instruction à compter du 21 août 2002 à 16 heures ;
Vu, II° , la requête, enregistrée le 12 mai 1997 au greffe de la cour sous le n° 97NC01037, présentée par la COMMUNE DE TOUL, représentée par son maire en exercice, à ce dûment habilité par délibération du conseil municipal en date du 20 mars 1997 et domicilié en cette qualité à l’Hôtel de ville de Toul (Meurthe-et-Moselle) ; la COMMUNE DE TOUL conclut aux mêmes fins et moyens que la requête susvisée de la société T.D.F. CABLE EST ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986 modifiée relative à la liberté de communication ;
Vu la loi n° 93-122 du 29 janvier 1993 relative à la prévention de la corruption et à la transparence de la vie économique et des procédures publiques ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été dûment averties du jour de l’audience ;
Après avoir entendu au cours de l’audience publique du 15 octobre 2002 :
le rapport de M. VINCENT, président,
et les conclusions de M. ADRIEN, Commissaire du Gouvernement ;
Considérant que, par convention en date du 16 février 1996, la COMMUNE DE TOUL a, sous réserve de l’autorisation du conseil supérieur de l’audiovisuel prescrite par l’article 34 de la loi du 30 septembre 1986 susvisée, confié à la société T.D.F. CABLE EST l’exploitation d’un réseau de télédistribution par câble dans les immeubles de la ZAC du Mont-Saint-Michel ; que, saisi par le préfet de Meurthe-et-Moselle d’une demande tendant à l’annulation de ladite convention au motif de l’inobservation de la procédure de publicité préalable imposée par la loi s’agissant des délégations de service public, le tribunal administratif de Nancy a fait droit auxdites conclusions par jugement du 4 mars 1997 ; que la société T.D.F. CABLE EST et la COMMUNE DE TOUL relèvent appel de cette décision ;
Sur la jonction :
Considérant que les requêtes susvisées de la société T.D.F. CABLE EST et la COMMUNE DE TOUL sont dirigées contre un même jugement ; qu’il y a lieu de les joindre pour statuer par une seule décision ;
Sur le caractère de service public de l’exploitation du réseau câblé de la ZAC Saint-Michel :
Considérant que l’exploitation d’un réseau câblé a le caractère d’un service public lorsque l’opérateur auquel la commune ou le groupement de communes l’a confié bénéficie de l’exclusivité sur le territoire couvert par le réseau et lorsque la population qui y réside se voit reconnaître un droit d’égal accès au service ;
Considérant que la convention susrappelée confie à la société T.D.F. CABLE EST l’exclusivité de l’exploitation du réseau câblé sur la zone
géographique concernée ; que les articles 3-1, 3-2 et 3-3 de ladite convention organisent par ailleurs une protection du câblo-opérateur contre la concurrence des antennes collectives, consistant en l’engagement de la commune de ne proposer aucune candidature à l’exploitation d’une antenne collective de nature à préjudicier à l’équilibre économique de l’exploitation du réseau câblé, à favoriser le raccordement des antennes collectives existantes au réseau câblé, par rapport à tout autre mode de rénovation, et à interdire, pour les lotissements et immeubles collectifs neufs, toute autre forme de télédistribution ; qu’en vertu du titre II de l’annexe 1 à ladite convention, l’opérateur est tenu de distribuer sur le réseau, à toute personne située dans la zone câblée ou à câbler et ayant souscrit un abonnement, l’ensemble des programmes et services constituant le plan de service de base tel qu’autorisé par le conseil supérieur de l’audiovisuel ; que l’exclusivité accordée à l’opérateur sur le territoire couvert par le réseau et le droit d’égal accès ainsi consenti aux résidents confèrent à l’exploitation en cause le caractère d’un service public ;
Considérant que les dispositions de l’article 34 de la loi du 30 septembre 1986 susvisée dans leur rédaction issue de la loi n° 92-653 du 16 juillet 1992 en vertu desquelles les communes veillent à assurer, dans l’intérêt général, en établissant ou autorisant l’établissement sur leur territoire de réseaux câblés, la cohérence de l’ensemble des infrastructures de télédistribution, notamment en autorisant l’établissement et les modifications des antennes collectives, n’ont à elles seules ni pour objet ni pour effet de faire en sorte que l’exploitation des réseaux câblés revête nécessairement les caractéristiques précitées d’un service public ; qu’en revanche, il ne ressort pas des dispositions précitées, éclairées par les travaux préparatoires, que le législateur aurait entendu exclure la possibilité pour les communes et établissements publics de coopération intercommunale d’instituer un service public local de télédistribution par câble ; que, par suite, eu égard aux stipulations susrappelées de la convention conclue entre la société requérante et la COMMUNE DE TOUL, le double moyen tiré de ce que celles-ci n’ajouteraient rien aux dispositions légales précitées et de ce que les stipulations d’un contrat seraient à elles seules insusceptibles de conférer le caractère de service public à l’exploitation d’un réseau câblé doit être rejeté ;
Considérant au surplus qu’il ressort des dispositions de l’article 34 de la loi susvisée dans sa rédaction en vigueur lors de la conclusion de la convention en cause que les communes peuvent exploiter elles-mêmes un réseau de distribution par câble, sous la seule réserve de constituer à cet effet, pour pouvoir obtenir l’autorisation d’exploitation par le conseil supérieur de l’audiovisuel, une régie dotée de la personnalité morale et de l’autonomie financière ; que, par suite, le moyen selon lequel le service public dont l’exploitation d’un réseau câblé peut revêtir le caractère ne pourrait faire l’objet d’une délégation par une commune à un opérateur privé dès lors que les communes ne seraient pas habilitées à exploiter elles-mêmes ce service doit être écarté comme manquant en fait ;
Considérant enfin que la liberté dont bénéficie la communication audiovisuelle s’exerce, pour ce qui concerne les réseaux câblés, dans le cadre tracé par l’article 34 susmentionné de la loi du 30 septembre 1986 modifiée ; que l’autorisation délivrée par le conseil supérieur de l’audiovisuel pour pouvoir exploiter ledit réseau est par ailleurs juridiquement autonome par rapport à la convention conclue par la commune, dont l’éventuelle décision de résiliation pour motif d’intérêt général ne saurait placer le conseil supérieur de l’audiovisuel dans une situation de compétence liée pour abroger l’autorisation ; que, par suite, la société requérante n’est pas fondée à soutenir que c’est à tort que les premiers juges ont affirmé que le caractère de service public accordé au réseau en cause n’était incompatible ni avec la qualification de liberté publique octroyée à la communication audiovisuelle ni avec la nécessité de disposer par ailleurs d’une autorisation du conseil supérieur de l’audiovisuel pour pouvoir exploiter ledit réseau ;
Sur la soumission de la convention du 16 février 1996 à la procédure de publicité préalable prévue par la loi n° 93-122 du 29 janvier 1993 :
Considérant qu’aux termes de l’article 38 alors en vigueur de la loi susvisée du 29 janvier 1993 : « Les délégations de service public des personnes morales de droit public sont soumises par l’autorité délégante à une procédure de publicité permettant la présentation de plusieurs offres concurrentes … . La collectivité publique dresse la liste des candidats admis à présenter une offre après examen de leurs garanties professionnelles et financières et de leur aptitude à assurer la continuité du service public et l’égalité des usagers devant le service public … . Les offres ainsi présentées sont librement négociées par l’autorité responsable de la personne publique délégante qui, au terme de ces négociations, choisit le délégataire. » ;
Considérant qu’il résulte de ce qui précède que la conclusion de la convention précitée, qui a la nature d’une convention de délégation de service public, devait ainsi, conformément aux dispositions précitées, être précédée d’une procédure de publicité permettant la présentation de plusieurs offres concurrentes ; qu’il est constant que la COMMUNE DE TOUL n’a pas mis en œuvre une telle procédure ; que c’est, par suite, à juste titre que le tribunal administratif de Nancy a annulé ladite convention ; qu’il s’ensuit que les requêtes susvisées de la société T.D.F. CABLE EST et de la COMMUNE DE TOUL ne peuvent qu’être rejetées ;
D E C I D E :
Article 1er : Les requêtes de la société T.D.F. CABLE EST et de la COMMUNE DE TOUL sont rejetées.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la société T.D.F. CABLE EST, à la COMMUNE DE TOUL et au préfet de Meurthe-et-Moselle.