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NOTES ET COMMENTAIRES :
Jacqueline MORAND-DEVILLER, Espaces remarquables et aménagement des plages, AJDA 2003, p.337

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Conseil d’Etat, 13 novembre 2002, n° 219034, Commune de Ramatuelle

Pour déterminer si la plage de Pampelonne constituait une partie naturelle de ce site inscrit, la cour administrative d’appel a, contrairement à ce que soutiennent les requérants, recherché, tant sur la plage elle-même que dans son environnement immédiat, l’existence d’un certain degré d’urbanisation ou d’autres altérations liées à l’activité humaine. En estimant, au terme d’une appréciation souveraine, que l’existence d’un lotissement situé à l’arrière de la plage et de quelques bâtiments sur la plage elle-même ne pouvait suffire à ôter à cette dernière son caractère naturel, la cour administrative d’appel n’a pas dénaturé les faits de l’espèce. Elle a pu déduire de ce constat, dès lors que les parties naturelles des sites inscrits sont présumées constituer des sites ou paysages remarquables et que cette qualification présumée n’était en l’espèce pas contestée devant elle, que la plage de Pampelonne et son cordon dunaire constituaient l’un des espaces remarquables dont le législateur a entendu assurer la préservation.

CONSEIL D’ETAT

Statuant au contentieux

N°s 219034,219384

COMMUNE DE RAMATUELLE

MINISTRE DE L’EQUIPEMENT, DES TRANSPORTS, DU LOGEMENT, DU TOURISME ET DE LA MER

M. Bouchez
Rapporteur

M. Piveteau
Commissaire du gouvernement

Séance du 23 octobre 2002
Lecture du 13 novembre 2002

REPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

Le Conseil d’Etat statuant au contentieux

(Section du contentieux, 7ème et 5ème sous-sections réunies)

Sur le rapport de la 7ème sous-section de la Section du contentieux

Vu 1°), sous le n° 219034, la requête sommaire et le mémoire complémentaire enregistrés les 16 mars 2000 et 13 juillet 2000 au secrétariat du contentieux du Conseil d’Etat, présentés pour la COMMUNE DE RAMATUELLE (83350), représentée par son maire en exercice ; la COMMUNE DE RAMATUELLE demande au Conseil d’Etat :

1°) d’annuler l’arrêt en date du 20 janvier 2000 par lequel la cour administrative d’appel de Marseille a rejeté sa requête et le recours du MINISTRE DE L’EQUIPEMENT, DES TRANSPORTS ET DU LOGEMENT tendant à l’annulation du jugement en date du 23 décembre 1996 par lequel le tribunal administratif de Nice a annulé, d’une part, l’arrêté préfectoral du 5 mai 1995 autorisant l’avenant n° 5 à la concession de la plage de Pampelonne et, d’autre part, quatre arrêtés municipaux du 15 mai 1995 accordant à la COMMUNE DE RAMATUELLE des permis de construire pour la réhabilitation de la plage de Pampelonne ;

2°) de rejeter les requêtes présentées devant le tribunal administratif de Nice ;

3°) de condamner solidairement les défendeurs à lui payer la somme de 50 000 F au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ;

Vu 2°), sous le n° 219384, le recours enregistré au secrétariat du contentieux du Conseil d’Etat le 27 mars 2000, présenté par le MINISTRE DE L’EQUIPEMENT, DES TRANSPORTS ET DU LOGEMENT ; le MINISTRE DE L’EQUIPEMENT, DES TRANSPORTS ET DU LOGEMENT demande au Conseil d’Etat d’annuler l’arrêt du 20 janvier 2000 par lequel la cour administrative d’appel de Marseille a rejeté sa demande ainsi que celle de la COMMUNE DE RAMATUELLE tendant à l’annulation du jugement du 23 décembre 1996 par lequel le tribunal administratif de Nice a annulé l’arrêté du 5 mai 1995 par lequel le préfet du Var a autorisé la modification de l’arrêté du 18 août 1992 accordant la concession de la plage naturelle de Pampelonne à la COMMUNE DE RAMATUELLE ;

Vu les autres pièces des dossiers ;

Vu la note en délibéré présentée le 23 octobre 2002 pour la COMMUNE DE RAMATUELLE

Vu le code de l’urbanisme ;

Vu le code de l’environnement ;

Vu la loi n° 86-2 du 3 janvier 1986 ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de M. Bouchez, Conseiller d’Etat,
- les observations de la SCP Peignot, Garreau, avocat de la COQ DE RAMATUELLE, de la SCP Waquet, Farge, Hazan, avocat de l’association "vivre dans la Presqu’île de Saint-Tropez", de la SCP Vier, Barthélemy, avocat de l’association "U.D.V.N. 83" et de SCP Delaporte, Briard, avocat de M. Tomaselli,
- les conclusions de M. Piveteau, Commissaire du gouvernement ;

Considérant que la requête de la COQ DE RAMATUELLE et le recours du MINISTRE DE L’EQUIPEMENT, DES TRANSPORTS ET DU LOGEMENT sont dirigés contre le même arrêt de la cour administrative d’appel de Marseille en date du 20 janvier 2000 ; qu’il y a lieu de les joindre pour qu’il y soit statué par une seule décision ;

Sur l’intervention de M. Tomaselli :

Considérant qu’une intervention ne peut être admise que si son auteur s’associe soit aux conclusions du demandeur, soit à celles du défendeur ; que M. Tomaselli se borne à indiquer qu’il est intéressé à la solution de l’affaire sans s’associer aux conclusions ni des requérants, ni des défendeurs ; que, par suite, son intervention n’est pas recevable ;

Sur l’arrêt attaqué en tant qu’il concerne les permis de construire délivrés par arrêtés municipaux en date du 15 mai 1995 :

Considérant qu’aux termes de l’article L. 146-6 du code de l’urbanisme : "Les documents et décisions relatifs à la vocation des zones ou à l’occupation et à l’utilisation des sols préservent les espaces terrestres et marins, sites et paysages remarquables ou caractéristiques du patrimoine naturel et culturel du littoral, et les milieux nécessaires au maintien des équilibres biologiques. Un décret fixe la liste des espaces et milieux à préserver... Toutefois des aménagements légers peuvent y être implantés lorsqu’ils sont nécessaires à leur gestion, à leur mise en valeur notamment économique ou, le cas échéant à leur ouverture au public. Un décret définit la nature et les modalités de réalisation de ces aménagements" ; qu’aux termes de l’article de R. 146-1 du même code : "En application du premier alinéa de l’article L. 146-6 sont préservés, dès lors qu’ils constituent un site ou un paysage remarquable ou caractéristique du patrimoine naturel et culturel du littoral ... g) les parties naturelles des sites inscrits ou classés en application de la loi du 2 mai 1930 modifiée." ;

Considérant qu’il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que les parcelles concernées par les permis de construire litigieux sont situées sur la plage de Pampelonne, elle-même située dans la presqu’île de Saint-Tropez ; qu’ainsi que la cour l’a constaté cette presqu’île est un site inscrit au titre de la loi du 2 mai 1930 ;

Considérant que, pour déterminer si la plage de Pampelonne constituait une partie naturelle de ce site inscrit, la cour administrative d’appel a, contrairement à ce que soutiennent les requérants, recherché, tant sur la plage elle-même que dans son environnement immédiat, l’existence d’un certain degré d’urbanisation ou d’autres altérations liées à l’activité humaine ; qu’en estimant, au terme d’une appréciation souveraine, que l’existence d’un lotissement situé à l’arrière de la plage et de quelques bâtiments sur la plage elle-même ne pouvait suffire à ôter à cette dernière son caractère naturel, la cour administrative d’appel n’a pas dénaturé les faits de l’espèce ; que, sans commettre d’erreur de droit, elle a pu déduire de ce constat, dès lors que les parties naturelles des sites inscrits sont présumées constituer des sites ou paysages remarquables et que cette qualification présumée n’était en l’espèce pas contestée devant elle, que la plage de Pampelonne et son cordon dunaire constituaient l’un des espaces remarquables dont le législateur a entendu assurer la préservation ;

Considérant qu’après avoir souverainement estimé que les constructions autorisées par les permis de construire litigieux ne pouvaient être regardées comme des aménagements légers au sens des dispositions précitées de l’article L. 146-6, lesquelles sont, contrairement à ce que soutient la commune requérante, applicables aux permis de construire, la cour administrative d’appel a pu en déduire, sans commettre d’erreur de droit, que lesdits permis étaient entachés d’illégalité ;

Sur l’arrêt attaqué en tant qu’il concerne l’arrêté préfectoral en date du 5 mai 1995 relatif à l’avenant n° 1 à la concession de plage entre l’Etat et la COQ DE RAMATUELLE :

Considérant qu’aux termes de l’article 25 de la loi susvisée du 3 janvier 1986 ultérieurement codifié à l’article L. 321-5 du code de l’environnement : "Les décisions d’utilisation du domaine public maritime tiennent compte de la vocation des zones concernées et de celles des espaces terrestres avoisinants, ainsi que des impératifs de préservation des sites et paysages du littoral et des ressources biologiques ; elles sont à ce titre coordonnées notamment avec celles concernant les terrains avoisinants ayant vocation publique." ;

Considérant qu’il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que l’avenant n° 1 à la concession de plage entre l’Etat et la COQ DE RAMATUELLE, dont la cour administrative d’appel a souverainement apprécié le contenu, sans le dénaturer, autorise notamment la réalisation sur la plage de constructions non démontables pouvant atteindre 200 m2 ; que la cour a pu déduire de ce contenu, sans commettre d’erreur de droit, que l’acte de concession, approuvé par l’arrêté préfectoral litigieux, constituait bien une "décision d’utilisation du domaine public maritime" au sens des dispositions précitées ;

Considérant qu’après avoir souverainement estimé que les caractéristiques des aménagements prévus par l’avenant rendaient l’arrêté attaqué incompatible avec les impératifs de préservation du site, la cour administrative d’appel a pu légalement confirmer l’annulation de cet arrêté sur le fondement des dispositions de l’article 25 précité, sans qu’il soit besoin pour elle de rechercher, en outre, dans quelle mesure l’avenant tenait compte de la vocation touristique et agricole des espaces avoisinants ;

Considérant qu’il résulte de ce qui précède que le MINISTRE DE L’EQUIPEMENT, DES TRANSPORTS ET DU LOGEMENT et la COQ DE RAMATUELLE ne sont pas fondés à demander l’annulation de l’arrêt attaqué ;

Sur les conclusions tendant à l’application des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant qu’il y a lieu, dans les circonstances de l’espèce, de faire application des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative et de condamner la COMMUNE DE RAMATUELLE à payer respectivement à l’association "Vivre dans la Presqu’île de Saint-Tropez" et à l’association "U.D.V.N. 83", les sommes de 1 800 euros et 4 500 euros que demandent celles-ci au titre des frais exposés par elles et non compris dans les dépens ;

Considérant, en revanche, que ces dispositions font obstacle à ce que les associations "Vivre dans la Presqu’île de Saint-Tropez" et "U.D.V.N. 83", qui ne sont pas, dansla présente instance, les parties perdantes, soient condamnées à payer à la COQ DE RAMATUELLE la somme que demande celle-ci au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ;

D E C I D E :

Article 1er : L’intervention de M. Tomaselli n’est pas admise.

Article 2 : -Le recours du MINISTRE DE L’EQUIPEMENT, DES TRANSPORTS ET DU LOGEMENT et la requête de la COMMUNE DE RAMATUELLE sont rejetés.

Article 3 : La COMMUNE DE RAMATUELLE est condamnée à verser respectivement à l’association "Vivre dans la Presqu’île de Saint-Tropez" et à l’association "U.D.V.N. 83", les sommes de 1 800 euros et 4 500 euros au titre des frais exposés par elles et non compris dans les dépens.

Article 4 : La présente décision sera notifiée à la COMMUNE DE RAMATUELLE, à l’association "U.D.V.N. 83", à l’association "Vivre dans la Presqu’île de Saint-Tropez" et au MINISTRE DE L’EQUIPEMENT, DES TRANSPORTS, DU LOGEMENT, DU TOURISME ET DE LA MER.

 


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