CONSEIL D’ETAT
Statuant au contentieux
N° 210575
M. D.
Mme Le Bihan-Graf
Rapporteur
M. Olson
Commissaire du gouvernement
Séance du 6 septembre 2002
Lecture du 27 septembre 2002
REPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE-FRANÇAIS
Le Conseil d’Etat statuant au contentieux
(Section du contentieux, 5ème et 7ème sous-sections réunies)
Sur le rapport de la 5ème sous-section de la Section du contentieux
Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 19 juillet et 19 novembre 1999 au secrétariat du contentieux du Conseil d’Etat, présentés pour M. Gilles D. ; M. D. demande au Conseil d’Etat d’annuler la décision en date du 20 mai 1999 par laquelle le conseil national de l’ordre des chirurgiens-dentistes a rejeté sa requête tendant à l’annulation de la décision du 15 janvier 1998 par laquelle le conseil régional de l’Ordre de Rhône-Alpes lui a infligé la sanction de l’interdiction d’exercer la profession de chirurgien-dentiste pendant une durée de quinze jours ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code de la santé publique ;
Vu le décret n° 48-1671 du 26 octobre 1948 modifié relatif au fonctionnement des conseils de l’ordre des médecins, des chirurgiens-dentistes et des sages-femmes et de la section disciplinaire du conseil national de l’ordre des médecins ;
Vu le décret n° 67-671 du 22 juillet 1967 portant code de déontologie des chirurgiens-dentistes ;
Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales ;
Vu le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
le rapport de Mme Le Bihan-Graf, Maître des Requêtes,
les observations de la SCP Piwnica, Molinié, avocat de M. D.,
les conclusions de M. Olson, Commissaire du gouvernement ;
Sur la régularité de la procédure devant le Conseil national de l’Ordre des chirurgiens-dentistes :
Considérant qu’aux termes de l’article 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales : "1. Toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue équitablement, publiquement et dans un délai raisonnable, par un tribunal indépendant et impartial, établi par la loi, qui décidera (...) des contestations sur ses droits et obligations de caractère civil (...)" ;
Considérant qu’aux termes de l’article 22 du décret du 26 octobre 1948 susvisé relatif au fonctionnement des conseils de l’ordre des médecins, des chirurgiens-dentistes et des sages-femmes et de la section disciplinaire du conseil national de l’ordre des médecins : "La section disciplinaire du conseil national est saisie des appels des décisions des conseils régionaux en matière disciplinaire (...)" ; qu’aux termes des deux premiers alinéas de l’article 23 du même décret : "Le secrétariat du conseil national de l’ordre intéressé notifie l’appel au président du conseil régional en cause qui doit lui faire parvenir sans délai le dossier de l’affaire. L’appel est également notifié à l’auteur de la plainte ainsi que, le cas échéant, au conseil départemental au tableau duquel est inscrit le praticien et aux personnes en cause, lesquels doivent présenter leurs observations écrites dans le délai d’un mois" ; qu’aux termes du quatrième alinéa du même articl 23 : "(...) Le président de la section disciplinaire désigne un rapporteur parmi les membres d cette section appartenant à l’ordre du praticien mis en cause. Ce rapporteur dirige l’instruction d l’affaire ; il a qualité pour recueillir les témoignages qu’il croit devoir susciter et pour procéder toutes constatations utiles" ; que l’article 26 du même décret, relatif à l’audience disciplinair dispose : "Le président de la section disciplinaire dirige les débats. Le rapporteur présente l’exposé des faits (.. . ) l’appelant a le premier la parole. Dans tous les cas le praticien incrimin peut prendre la parole en dernier lieu (...)" ;
Considérant que si en application des dispositions précitées du quatrième aliné de l’article 23 précité du décret du 26 octobre 1948 un des membres composant la section disciplinaire est désigné comme rapporteur et peut procéder, dans le cadre et pour les besoins du débat contradictoire entre les parties, à des mesures d’instruction qui ont pour objet de vérifier la pertinence des griefs et observations des parties et dont les résultats sont versés au dossier peut donner lieu à communication contradictoire, de telles attributions ne différent pas de celles que la formation collégiale de jugement pourrait elle-même exercer et ne confèrent pas au rapporteur pouvoir de décider par lui-même de modifier le champ de la saisine de la juridiction ; qu’ainsi alors même qu’il incombe par ailleurs au rapporteur, en vertu de l’article 26 du même décret, de faire à l’audience un exposé des faits consistant en une présentation de l’affaire, l’ensemble de ces dispositions n’ont pas pour effet de lui conférer des fonctions qui, au regard du principe d’impartialité comme des autres stipulations de l’article 6-1 de la convention européenne sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, feraient obstacle à participation au délibéré de la section disciplinaire ;
Sur la légalité de la décision attaquée :
Considérant, en premier lieu, qu’aux termes de l’article L. 373 du code de la santé publique en vigueur au moment des faits et dont les dispositions ont été reprises à l’article L. 4161-2 de ce code : "Exerce illégalement l’art dentaire (...) toute personne qui prend part habituellement ou par direction suivie, même en présence d’un praticien, à la pratique de l’art dentaire, par consultation, acte personnel ou tous autres procédés, quels qu’ils soient, notamment prothétiques" ; que l’article 18 du code de déontologie des chirurgiens-dentistes énonce qu’est "interdite toute facilité accordée à quiconque se livre à l’exercice illégal de la médecine et de l’art dentaire" ; qu’il ressort des pièces du dossier soumises au juge du fond que M. D. a fait procéder par son assistante, laquelle ne justifiait d’aucune qualification, à des travaux dentaires sur la personne de M. Clément ; qu’au vu de ces constatations, la section disciplinaire du conseil national de l’ordre des chirurgiens-dentistes dont la décision est suffisamment motivée a pu légalement estimer que M. D. avait méconnu les dispositions de l’article 18 précité du code de déontologie des chirurgiens-dentistes ;
Considérant, en second lieu, qu’aux termes du dernier alinéa-de l’article 33 du code de déontologie des chirurgiens-dentistes : "Lorsque le chirurgien-dentiste est conduit à proposer un traitement d’un coût élevé, il établit un devis écrit qu’il remet à son patient" ; qu’après avoir relevé, dans l’exercice de son pouvoir souverain d’appréciation des faits, que M. D. avait procédé à un traitement d’un coût élevé sans avoir préalablement établi et remis à son patient un devis écrit, la section disciplinaire a pu, sans commettre d’erreur de droit, retenir à son encontre un manquement aux dispositions précitées de l’article 33 du code de déontologie des chirurgiens-dentistes ;
Considérant qu’il résulte de tout ce qui précède que M. D. n’est pas fondé à demander l’annulation de la décision du 20 mai 1999 par laquelle la section disciplinaire du conseil national de l’ordre des chirurgiens-dentistes lui a infligé la sanction d’interdiction d’exercer sa profession pendant quinze jours ;
D E C I D E :
Article 1er : La requête de M. D. est rejetée.
Article 2 : La présente décision sera notifiée à M. Gilles D., au Conseil national de l’Ordre des chirurgiens-dentistes et au ministre de la santé, de la famille et des personnes handicapées.